France Gall, tout pour la musique

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Footing dans les prés aux vaches garanties « made in Normandie». Balades le long de la mer.

France Gall s’est préparée dans le calme, avant la tempête du Zénith, la nouvelle salle de la porte de Pantin, où elle présente son show, à partir du 11 septembre.

L’occasion, pour elle, d’apparaître aussi dans plusieurs émissions de télé avec les chansons de son dernier disque : « Débranche».

“Ici, dit France, je débranche vraiment ! Je ne veille qu’à la bonne marche de la maisonnée”. Bref, elle se soucie du menu du dîner, de téléphoner au tapissier ou de préparer sa liste d’achats pour Je marché du lendemain …

Un emploi du temps sans trépidation dans cette maison exclusivement destinée à sa vie de famille et qui ne voisine qu’avec la mer. Aucune musique d’ambiance, pas le moindre trophée (disque d’or, photo) susceptible d’identifier les propriétaires des lieux. Même les deux pianos, de Michel Berger demeurent à l’écart. Pas de bruit mais les rires de leurs enfants : Pauline, six ans, et Raphaël, 3 ans, qui jouent dans le jardin. “Nous ne mêlons jamais nos enfants à notre vie professionnelle.”

Je déteste même qu’ils viennent me voir lorsque je chante sur scène. Ma fille n’est venue qu’une seule fois et je n’aime pas son regard sur moi quand je salue le public. Je veux être sa maman et c’est tout. Bien sûr, Pauline et Raphaël savent à quoi s’en tenir. « Mais, poursuit France, pour eux, tous les parents chantent puisque leurs parents chantent. »

A trente-sept ans, France comptabilise vingt ans de métier, presque autant de succès, et son souci de la perfection est devenu légendaire : “Je suis peut-être une emmerdeuse mais je ne veux pas que l’on m’entraîne n’importe où. J’ai eu trop à en souffrir à une époque”.

Référence aux « années Gainsbourg », lorsqu’elle n’était qu’une poupée de cire à qui l’on coupait vite le son : « J’ai longtemps fait ce métier inconsciemment. Je suis passée de l’enfance à l’âge adulte sans transition. Je suis restée « bébé ” très tard. J’adorais vivre chez mes parents en musique – (son père a écrit notamment « La Mamma » pour Charles Aznavour.) J’ai habité avec eux jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans et, finalement, ce sont eux qui sont partis vivre ailleurs … Alors, il a bien fallu que je prenne ma vie en main». France, le « Bébé Requin », doit montrer les dents pour écarter les poissons pilotes : « Je ne savais pas ce que je voulais, mais je savais ce que je ne voulais plus. J’aurais pu être détruite à ce moment-là.

“Le spectacle c’est un métier qui peut vous laisser très mal en point”. De 1970 à 1974, France Gall traverse plus de bas que de hauts. li lui vient l’idée de tout abandonner. Résultat : une dépression nerveuse, mais sans drogue ni alcool qui ont, souvent, été les recours des idoles déchues.

“J’ai pu éviter le pire. Souvent, je pense à des gens comme Janis Joplin, la chanteuse de rock américaine morte d’une overdose. Moi, grâce à mon enfance choyée, je m’en suis bien sortie parce que j’étais mieux armée. Je suis vraiment douée pour le bonheur”.

La preuve ? Sa rencontre avec Michel Berger. Un hasard provoqué. “Trop timide pour lui téléphoner, je savais que je le croiserais un jour ou l’autre dans une émission de télé …”

Et elle ose lui demander : “Écrivez pour moi”. Berger se montre un peu réticent : “Michel est quelqu’un qui déteste l’échec. Il craignait de ne pas parvenir à me remettre en piste. Moi j’offrais un optimisme inébranlable”.

France a gagné. Dix ans de travail commun le confirment et… l’amour en plus. « Il n’existe aucun rapport de force entre nous. Cela peut s’expliquer parce que chacun réussit. Une année, et cela nous amusait beaucoup, nous avons été en alternance pendant des semaines numéro un et deux des ventes de disques, lui avec « Mademoiselle Chang » et moi avec “Il jouait du piano debout”. Mon public, c’est vrai, est plus étendu que le sien mais, si j’avais le choix, je préfèrerais être Michel Berger, c’est-à-dire écrire et composer ».

Créateur, Michel Berger l’est exclusivement pour sa femme : « S’il écrivait pour d’autres, cela m’ennuierait vraiment, et quel intérêt pour lui ? » dit France avec fermeté.

« Il me voit beaucoup mieux que je ne le fais, sans cesse il me révèle à moi-même. Je ne sais pas m’analyser et, sauf sur scène, je ne suis pas du tout sûre de moi”.

Cherchant soudain du regard Pauline et Raphaël, qui joue avec une petite camarade de leur âge, France ajoute : « Je serais, sans doute, une vedette beaucoup plus importante si je n’avais pas deux enfants mais j’ai choisi d’équilibrer ma vie ainsi. J’ai voulu, même si je travaille beaucoup, privilégier toujours ma vie de femme et je ne le regrette pas. Bien au contraire. Et, dans dix ans, j’arrête de chanter ».

Décision irrévocable qu’elle mûrit depuis un certain temps. « Je veux partir dignement. Tout le monde ne peut pas réaliser l’itinéraire d’une Barbara. Comme je ne veux chanter que la musique que j’aime, je ne me vois pas chanteuse de rock à cinquante ans ! Mais, le jour où je m’arrêterai sera très triste ».

Songeuse, elle reprend aussitôt : « Je ne quitterai jamais le monde de la musique. Je me lancerai dans la production, j’aiderai les jeunes et je chercherai de nouveaux talents et cela me passionnera ».

Une « Déclaration ” de celle qui se veut douée pour le bonheur et donnera toujours « Tout pour la musique» …

Martine de RABAUDY – Photos Henri Tullio

Magazine : Télé 7 Jours
Date : 8 au 14 Septembre 1984
Numéro : 1267

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