France Gall, un disque pour Babacar, son bébé Sénégalais

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Elle fait son grand retour, après trois années de silence.

Avec un nouvel album, intitulé “Babacar” : le nom d’un petit Sénégalais qu’elle a décidé de prendre en charge. France Gall n’a pas que du talent, elle a aussi du cœur.

Après trois années sabbatiques, France Gall a enregistré un nouvel album, et prépare le spectacle qu’elle donnera à la rentrée, au Zénith. “La scène me manque terriblement, et j’ai du mal à freiner mon impatience. J’aurais préféré retravailler plus tôt, mais Michel Berger était très occupé durant ces trois années : il a fait ses disques, puis il a écrit l’album de Johnny. C’était important pour lui. »

Et puis, un beau matin, le tour de France est arrivé.

« Quand il compose, il n’est pas à prendre avec des pincettes, c’est un moment que je redoute. Il rêve de partir deux mois loin, pour s’isoler, mais il a plein de choses à faire à Paris, alors il passe le plus clair de son temps dans son studio à la maison et nous ne sommes plus du tout branchés sur la même ligne. Si j’ai envie d’organiser un grand goûter pour les enfants, cela l’agace. Il lui faut un silence absolu. Il écrit un couplet, un refrain, et me les montre. Il me connaît tellement bien qu’en général cela correspond exactement à ce que j’ai envie de chanter. De temps en temps, je ne suis pas d’accord, alors il jette le texte au panier et me menace de trouver une autre interprète ! Elle rit à cette idée, forte de sa conviction que leur association est si solide que rien ne pourra jamais la troubler. Depuis “La déclaration”, la première chanson écrite pour France par Michel Berger il y a dix ans, chaque album composé par l’un, interprété par l’autre, est couronné de succès.

“Mon bébé, je te le donne”

Le dernier donc s’appelle « Babacar ». En hommage à ‘un petit Sénégalais que France a rencontré il y a un an. « J’étais déléguée par “Action Ecole” au Sénégal pour voir, sur place, ce que l’on pouvait faire pour aider les gens. Dans un village très pauvre, je suis entrée dans une case pour me reposer un instant. Il y avait là une jeune femme superbe, assise sur la terre battue. Elle tenait un tout petit enfant dans ses bras et, comme je lui faisais des compliments sur la beauté du bébé, elle m’a dit: “Je te le donne!” J’ai ri parce que je croyais qu’elle plaisantait. En fait, elle était très sérieuse.

«Elle avait dix-huit ans, elle était étudiante à Dakar, et elle était revenue pour accoucher, dans son village, de cet enfant dont le père avait disparu. Elle l’allaitait, mais elle savait que, bientôt, elle ne pourrait plus le nourrir, car elle était très pauvre. Elle voulait repartir à Dakar finir ses études et, plutôt que de laisser son fils mourir de faim dans son village, elle préférait me le donner. Tout naturellement j’avais envie d’accepter sa proposition, de partir avec le bébé, de l’élever au milieu de mes enfants. Il s’appelait Babacar, et il avait alors deux mois. J’ai pris des photos de lui, et j’ai beaucoup discuté avec Michel, qui m’a convaincue que je n’avais pas le droit de l’arracher à son pays, ses habitudes, sa famille. J’ai réalisé qu’il avait raison, et j’ai abandonné l’idée de l’adopter, mais j’en ai beaucoup souffert, j’avais des remords. J’avais déjà imaginé notre vie avec Babacar.

« Michel a écrit une chanson très triste, qui correspondait parfaitement à ce que j’ai ressenti à l’époque. Parmi les neuf titres de l’album, c’est celui que je voulais défendre en premier. Le mois dernier, nous sommes allés à Dakar pour tourner le clip de “Babacar”, dès le premier jour, j’ai confié à quelqu’un de l’hôtel le nom du village de l’enfant, et celui de sa mère. J’espérais, sans trop y croire, avoir de leurs nouvelles. Mais la distance de Dakar au village était grande, plus de cinq heures de route, et j’avais peu d’espoir. Le lendemain, nous avons tourné de sept heures du matin à huit heures du soir, mais lorsque je suis arrivée à l’hôtel, on m’a prévenue qu’ils étaient là!

“Toute la famille de Babacar m’attendait depuis quatre heures de l’après-midi. Ils étaient venus m’apporter l’enfant, et ce, malgré le conseil du village, qui avait décidé qu’il devait rester. Fatou, sa mère, s’est approchée de Michel et de moi et a dit à son fils : “Voilà ton père et ta mère”. J’ai appris que c’était chose courante, au Sénégal, de donner un enfant pauvre à une famille riche. Babacar est un petit garçon superbe. J’ai expliqué à la famille que je préférais assurer son avenir et celui de sa mère au Sénégal, et j’ai pris des dispositions pour leur acheter un appartement, des meubles, et leur fournir l’argent nécessaire à leur vie quotidienne. Fatou veut, après ses études de couture, ouvrir une boutique, et vendre ses propres modèles. Je l’y aiderai.”

De retour à Paris, France a parlé de Babacar à Pauline et Raphael, ses enfants qui le considèrent désormais comme leur petit frère.

“Dans quelques années il viendra faire ses études à Paris, ajoute France. J’ai reçu hier une lettre de son oncle, qui me dit : “Ton fils va bien”.

Je suis très heureuse.»

CHANTAL VAN TRI

Magazine : Télé Star
Date : 4 au 10 avril 1987
Numéro : 548

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