France Gall va vous émouvoir avec Babacar (Presse) France-Soir

Son regard rieur s’assombrit, son visage d’enfant fragile se fige, sa gorge se noue quand elle évoque Babacar, ce bébé du Sénégal qu’une mère lui offrit en janvier 1986 dans un village de brousse.

Un souvenir déchirant pour France Gall que Michel Berger a fait revivre par la magie de ses mots pastel et de ses notes qui vous mettent la tête à l’envers et vous vont droit au cœur.

Cette chanson pas comme les autres, que France Gall présentera ce soir à « Champs-Élysées » (A2, 20 h 35), marque son retour après deux années sabbatiques. Deux années pendant lesquelles elle s’est pleinement consacrée à sa vie de femme, de mère et d’épouse. Vingt-quatre mois qu’elle a mis à profit pour répondre à tout son courrier, pour s’occuper d’une manière active d’Action École, ce mouvement en faveur de l’Afrique qu’elle créa avec Berger et Daniel Balavoine, l’ami de toujours, et pour vivre en témoin attentif les nombreuses activités de son mari (disque pour Johnny Hallyday, disque pour lui, préparation du spectacle du Zénith puis tournée et enfin disque pour France).

Aujourd’hui la spectatrice qu’elle était se prépare à rentrer dans sa peau d’actrice. Avec au fond d’elle, une terrible envie de retrouver la scène du Zénith qu’elle occupera à l’automne prochain. Et une espèce de force incontrôlée et un enthousiasme tout neuf à l’idée de défendre les titres d’un nouvel album qui sortira début avril et le clip de Babacar réalisé par Berger, qu’elle présentera ce soir chez Drucker.

Un drame

Plus qu’une simple chanson, Babacar est une histoire bouleversante vécue au Sénégal voici maintenant plus d’un an. Une rencontre qui se transforme en drame, des instants de douleur, une décision arrachée par la réflexion et la curieuse impression d’avoir laissé là-bas un bout de son cœur, une partie d’elle-même.

« L’histoire de Babacar est triste reconnaît France Gall. Je revois cette mère me donner cet enfant. Pas pour s’en débarrasser mais pour qu’il soit élevé décemment. Une formidable preuve d’amour pour cette femme qui aimait son bébé, mais qui était prête à s’en séparer pour qu’il vive mieux. »

Ce geste plein d’espoir, ce cadeau de chair et de sang, le visage de cette mère, le regard de cet enfant restent autant d’images poignantes gravées à tout jamais dans la mémoire de France Gall. Immédiatement la surprise et l’embarras s’effacent devant d’innombrables questions qui reviennent dans sa tête comme des vagues de plus en plus fortes.

« Je n’ai pas voulu le mettre à table avec un couteau et une fourchette. Je n’ai pas pu envisager de l’habiller d’un costume, dit-elle. D’un autre côté, refuser c’était désavouer cette mère. Je ne m’imaginais pas le déraciner, le soustraire à sa terre, à son pays, à sa famille. A quinze ans que m’aurait-il dit ? »

Quand l’avion quitte la piste, France ne sait pas, ne sait plus si cette décision dictée par la sagesse et le bon sens est vraiment celle qui s’imposait. Soudain tout chavire. Ce qu’elle croyait bien devient mal et inversement.

« J’étais complètement perturbée, se souvient-elle. Tant que je n’ai pas eu de ses nouvelles, je ne savais pas si j’avais bien fait ou pas. »

Des moments très forts

Si aujourd’hui, il semble que France soit parvenue à y voir clair, je ne parierais pas que certains soirs elle ne s’interroge pas encore. Car sous ses dehors de femme heureuse, toujours prête à s’amuser de tout et de rien, sommeille une angoissée. Une hyper sensible qui subit son environnement, capable de joies intenses mais aussi de sérieux moments de déprime.

« J’aime la vie explique-t-elle. J’aime la bouffe et je me réjouis que ça m’arrive deux fois par jour. J’aime parler avec des gens, rentrer dans leur univers quand je vais faire mon marché dans le midi. Il y a dans la vie des moments très forts. Il suffit de les voir. Pour cela il faut se montrer attentif. »

Pudique, réservée, entière et authentique, France n’est prête à aucun compromis et à déroger à sa façon de vivre. Comme un « papillon de nuit » la lumière l’attire mais un solide instinct de conservation l’empêche de se brûler les ailes. Un papillon qui se transforme en cigale quand elle chante et en fourmi organisée quand elle se métamorphose en femme au foyer. Avec en prime un sens de l’organisation innée qui inspira son père qui n’hésita pas à lui attribuer le surnom de « Petit Caporal ».

Journal : France-Soir
Par Rodolph Hassold
Date : 21 mars 1987

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