France Gall

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Elle a débarqué dans les années soixante. Avec ses cheveux jaune paille, sa jolie frimousse, son air mutin, sa silhouette menue et ses chansons piquantes et acidulées.

Fraiche spontanée, un brin naïve, elle a alors collectionné les tubes, de “sacré charlemagne” à “Annie aime les sucettes”.

Après une brève période de trou, elle a retrouvé le succès en rencontrant en 1973 son auteur, son compositeur, son producteur, son pygmalion et … Son mari, Michel berger.

Il a su trouver les mots qu’elle avait envie de chanter France Gall, l’ex-idole des yéyés, est devenue une femme des années quatre-vingt, mure, réfléchie, révoltée, combative. En aout 1992 juste après “double jeu”, le premier album qu’ils avaient enregistré ensemble, Michel a été rattrapé par son destin. Un cancer du sein a retardé sa rentrée au printemps mais elle sera bel et bien, seule sur scène, à Bercy, en septembre.

LES DEBUTS D’UNE VOCATION

“Près du lycée, il y avait un café appelé “Chez Bonald”. J’y retrouvais avant ou après, et même parfois pendant les cours, toute une bande de garçons et de filles qui préféraient comme moi écouter sur un juke box les nouveaux enregistrements venus d’Amérique plutôt que de suivre les rythmes mystérieux de l’algèbre. A mon tour, j’ai eu envie de gratter les cordes d’une guitare. Je m’entraînais toute seule, en sortant de la classe, sur celle de mon frère. Mon père, qui écrivait à cette époque les plus belles chansons d’Edith Piaf, m’a conseillé de jouer plus souvent afin d’acquérir une certaine souplesse des doigts. Maman n’avait pas l’air très heureuse de me voir, pendant des heures, faire une gamme, chercher des accords. Un jour, à table, j’ai annoncé brusquement à ma mère que je voulais apprendre à chanter. Elle a été scandalisée. Mon père, lui, n’a rien dit. Il a simplement téléphoné à un de ses amis, Quelques minutes après, il est revenu dans la salle à manger et m’a souri en disant: “Tu as rendez-vous demain chez un professeur de chant. Nous verrons ce que l’on peut faire de ta voix”. France Gall, Salut les copains, octobre 1969.

L’EUROVISION

Pour sa dixième année, le Grand Prix de l’Eurovision de la chanson organisé à Naples et transmis en direct toute la soirée pour 100 millions de téléspectateurs européens nous a montré une télévision de l’avenir. Et c’est ainsi qu’une jeune fille blonde, voix verte, robe blanche, jeune insolente de sourires arracha rapidement avec une chanson, “Poupée de cire, poupée de son”, qui ne sera qu’une parmi celles qu’elle chantera, le premier prix. Willy Guiboud, mars 1965.

LA PERIODE GAINSBOURG

A ses fulgurants débuts, quand elle chantait “Les sucettes à l’anis” pour la télévision, il y avait toujours 500 personnes sur le plateau. Elle ne comprenait pas pourquoi. “C’est normal, j’avais 16 ans. J’ai fini par demander à quelqu’un. Il m’a expliqué. J’en ai été malade. Jusqu’à 22 ans, j’ai eu peur des hommes à cause de cela, Je voyais des horreurs dans toutes les chansons, même quand il n’y en avait pas”. France n’a pas de rancune contre ses managers. “Ils pensaient faire ce qu’il fallait : battre le fer tant qu’il est chaud. Combien de fois ai-je entendu cette phrase ? Je ne crois pas qu’on puisse travailler plus que je ne l’ai fait entre 16 et 20 ans, je n’ai pas pris un jour de vacances, je suis allée dans le monde entier sans jamais m’arrêter, sans rien voir”. Jean-Pierre Cerquant, Libération, le 11 janvier 1982.

LA RENCONTRE AVEC MICHEL BERGER

“Quand j’ai entendu pour la première fois Michel chanter, j’ai eu un grand choc”, racontera France Gall. Il disait des choses que je ressentais complètement. C’était comme si c’était moi qui avait écrit des chansons”. Quand elle le rencontre au hasard d’un plateau de télévision, elle se lance: “Ecrivez pour moi!”. Seulement voilà: il refuse tout net. Il n’a besoin de personne. “Je voulais interpréter mes chansons moi-même. Ça me gonflait d’écrire pour les autres et quitte à le faire ce n’est pas pour France que je l’aurais fait”. France Gall représente en effet tout ce qu’il déteste : l’idole fabriquée à la chaine et en kit. “Son image me faisait peur, se souviendra-t-il. A la télévision, on finissait par l’appeler pour faire de la décoration. Dans ses interviews, elle ne parlait plus jamais de chanson, seulement de concombres. Je ne lui trouvais aucun point commun avec mon inspiration”. En réalité, France Gall arrive au bon moment pour Michel Berger. Il est sensible au fait qu’une femme s’intéresse à lui alors qu’il a la tête dans le sac après sa rupture avec Véronique Sanson. Ses mots le touchent et le rassurent et son charme ne le laisse pas indifférent. Il craque pour son “physique miniature”, “sa façon gracile de passer sa main dans ses cheveux longs”, “sa petite voix”, “sa spontanéité cocasse”. Il se remet à aimer et à créer. “France m’a sauvé” reconnaîtra-t-il. L’une des premières chansons qu’il lui offre est tout un programme : “La déclaration d’amour”. Loïc Sellin et Bertrand Tessier, Paris-Match, août 1993.

LE COUPLE BERGER-GALL

A 30 ans, à la veille de cette épreuve indispensable pour qui veut, dans le show-business français, accéder à la catégorie des premiers numéros, l’épreuve du Palais des sports, France Gall offre la physionomie d’un être parvenu à un grand bonheur d’exister. Elle ajoute : “bonheur de faire, bonheur de donner”. Car, pour elle, le spectacle, c’est donner, se donner, et, comme le dit le titre de son nouveau disque, titre symbole de sa vie, et de celle de son auteur : “Tout pour la musique”. Lorsqu’on entend France Gall parler de ce spectacle, puis de sa conception de la musique et de la vie au cours desquelles reviennent sans arrêt les termes “aimer” et le souci de faire face à un “monde égoïste”, on ressent souvent l’étrange impression qu’une double voix s’adresse à vous. Car c’est aussi Michel Berger qui s’exprime. Il y a entre ces deux humains une osmose rare, et ce n’est faire injure ni à l’un ni à l’autre que de l’écrire puisque, si chacun possède sa personnalité et son talent propre, ils ont cette chose que l’on ne rencontre que rarement dans les couples et encore plus rarement dans l’univers de la chanson : les gens qui s’aiment finissent par se ressembler. Philippe Labro, Paris-Match, janvier 1982.

SON DERNIER ALBUM : DOUBLE JEU

Il y a eu de la douleur dans l’élaboration de ce disque, c’est la première fois que cela nous arrive. Jusque là, je chantais tout ce qu’il me donnait sans éprouver le besoin de discuter, j’étais à l’aise sur ses chansons, c’était magique. Mais, ces dernières années, j’ai changé. Je voulais des textes plus violents, énergiques. Pas des chansons d’amour. C’est vrai que nous avons une vie agréable. Nous sommes célèbres, nous évoluons dans un décor de rêve, mais ce n’est pas cela qui nous rend profondément heureux. Il y a des épreuves ? Je ne voulais pas faire comme si elles n’existaient pas, jusqu’à maintenant, nous avions toujours marché côte à côte. Mais, moi, j’ai pris un nouveau chemin. La quarantaine, tout comme l’adolescence est une période bouleversante ( .. ,). Michel n’a pas encore totalement accepté que je sois devenue différente de la femme qu’il a connue. D’autant que lui m’offre moins l’image d’une pérennité absolue. Mais j’ai vaincu quelques-uns de mes démons. J’ai plus confiance à l’avenir”. France Gall, interview à Patricia Gandin, Elle, juin 1992.

LA MORT DE MICHEL BERGER

Il appelle France Gall. “J’ai à nouveau mal à la poitrine”. Michel Berger est dans son bain, Dimanche soir, 20h30. Il est inquiet. Il vient de jouer au tennis, une petite heure comme chaque jour depuis qu’il est à Ramatuelle. Mais cette fois-là, il a dû interrompre sa partie, premier élancement au coeur, cela ne dure pas longtemps, il rentre dans sa maison. Pense que c’est la chaleur et c’est vrai qu’aujourd’hui il a fait spécialement chaud. Second élancement dans le bain, France Gall téléphone à un médecin de garde, dix minutes plus tard, il est au chevet du compositeur. Il appelle SOS médecins et le Samu. Il se retourne vers Michel Berger. Brusquement, le chanteur pâlit, il porte de nouveau la main à son coeur. Le médecin lâche le téléphone, lui fait une injection. Michel Berger s’étend sur le lit, France Gall s’assied près de lui. Maintenant les gestes du chanteur sont lents, il pose doucement la main sur l’épaule de France. Lentement, ses yeux se ferment. Lentement, sa main sans force quitte l’épaule de sa femme et tombe sur le lit. Michel Berger est mort. Arnaud Bizot, Paris-Match, 13 août 1992.

BREVES
  • Une vraie famille de musiciens que la famille Gall/Philippe, le frère aîné de France, a lui aussi enregistré un disque, sans succès.
  • La première rencontre entre France Gall et Michel Berger remonte en réalité au 12 avril 1966. Ce jour-là, Jean-Marie Périer avait réuni toutes les idoles des années soixante pour une photo à paraître dans “Salut les copains”, Michel et France s’étaient à peine parlé.
  • C’est après sa rupture avec France Gall que Julien Clerc a demandé à son parolier, Etienne Roda-Gil, d’écrire un texte sur la souffrance d’un homme quitté par une femme. Résultat: “Souffrir par toi n’est pas souffrir”, qui figure sur l’album “N°7” du chanteur.
  • France Gall a toujours eu un faible pour les chanteurs : le troisième homme qui compte dans sa vie est Claude François.
  • C’est le 22 juin 1976 que Michel Berger et France Gall se sont mariés à la mairie du 16ème arrondissement. Ils s’installent alors près du bois de Boulogne dans une isaba construite pour l’exposition universelle de 1889.
  • France Gall a interprété en duo avec Elton John “Donner pour donner” en 1980. Musique de Michel Berger, évidemment.
  • Quand France Gall veut décompresser et déconnecter, elle s’envole, seul, pour l’Afrique. “J’ai au Sénégal une maison sur une île quasiment où l’on n’accède qu’en pirogue”.
Georges DUROY

Magazine : Générations Nostalgie
Date : Octobre 1993
Numéro : 2

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