Chère France (Presse) Elle

Opérée le 22 avril d’un cancer du sein, France Gall a reporté ses concerts de Bercy au mois de septembre.

En attendant ses retrouvailles avec son public, nous voulions juste lui écrire pour dire à quel point nous pensons à elle.

On est ainsi fait qu’on a envie d’écrire « Douce France », juste pour faire genre, mais c’est idiot ; vous êtes d’une autre trempe. La mièvrerie, ce n’est vraiment pas votre truc. Passons. En matière de jeux de mots, vous êtes imbattable ces jours-ci ; on a reçu la dépêche officielle qui signale que vous avez été opérée, le 22 avril, d’une « tumeur maligne, de bon pronostic ». Merci de nous rassurer.

« De bon pronostic », comme on dirait « de bon augure », « de bonne compagnie » … Ça en deviendrait presque enviable, ma parole !

Bref, traduction du message : encore une tuile, mais pas de quoi en faire un fromage. Il y a trois mois, vous m’avez dit : « En ce moment, je me sens bousculée par la vie. Pas ballottée, non, c’est beaucoup plus fort que ça … »

La tempête n’est pas finie. Mais si l’on vous souhaite du courage, vous allez risquer l’overdose, tant vous en avez déjà. Vous portez à l’oreille l’anneau invisible de ceux qui ont passé le cap Horn du malheur, et le bateau où vous avez embarqué vos enfants n’est pas près de perdre le nord.

Enfin, je vous parle de vous comme une exégète, alors que nous ne nous sommes vues qu’une fois … Vous aviez choisi ELLE, pour parler en premier de votre rentrée après le départ de Michel. C’était un lundi, fin janvier, chez vous, à Honfleur. Votre maison avait ce côté un peu grognon qu’ont les maisons d’été quand on les ouvre en hiver. Vous parliez boutures en mélangeant des œufs mollets et des tomates pelées, les mains plongées avec jubilation jusqu’au coude dans un saladier, parce que sinon « ça serait moins bon » … Indéracinable, comme une mère de famille. On est un peu sur la pointe des mots avec les gens en deuil, par peur de réveiller le chagrin au détour d’une phrase maladroite. Mais vous parliez avec une absence totale de comédie. Franche comme une poignée de main. Vous racontiez la construction de votre vie comme celle d’une maison, à force de travail, de volonté, de détermination. Certes, la maison avait été sinistrée, et les dégâts se verraient toujours, mais vous étiez en plein chantier de restauration.

Vous disiez : « J’ai été quelqu’un d’extraordinairement heureux. Et je vais l’être encore. J’aime énormément la vie. Et je veux une vie gaie. Pour moi et pour mes enfants. »

Le rendez-vous de juin est remis à septembre. Bercy, ce mot-là vous faisait briller les yeux. On allait voir ce qu’on allait voir. C’était un pari inouï et « un grand rendez-vous d’amour » … Je suis sûre que les 55 000 billets, déjà vendus pour cette partie remise, vous sont autant de billets doux sous les rayons hospitaliers. On va vous écrire de vraies lettres aussi, pour vous dire combien nous sommes persuadées que vous avez un don aussi grand pour la musique que pour le bonheur, et qu’il vous attend là, tout près. Et nous aussi, à Bercy.

Toutes avec France Gall !

Si vous êtes une admiratrice de France, ou plus simplement si vous êtes émue par la façon dont elle fait face aux coups du destin, vous avez déjà sûrement appris avec soulagement qu’elle nous donnait rendez-vous au mois de septembre, à Bercy, pour une série de concerts de remplacement qui promettent d’être exceptionnels.

En attendant, nous vous proposons de lui écrire, dès maintenant, par notre intermédiaire, pour lui dire avec vos mots le respect et l’amitié que vous lui portez. Envoyez vos lettres à France Gall, c/o ELLE, 61 rue Ancelle, 92525 Neuilly-sur-Seine Cedex.

Magazine : ELLE
Par Alix de Saint-André
Date : 17 mai 1993
Numéro : 2472

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