Elle a réappris à vivre

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Michel Berger n’est plus, mais la vie, différente certes, continue. Pour France Gall, encouragée par ses enfants, la meilleure façon d’honorer la mémoire de son mari est d’interpréter les chansons qu’il lui a laissées.

France Gall est de ces femmes qui, derrière leur fragilité apparente, cachent une grande force de caractère. A la voir souriante, ses cheveux blonds en bataille, l’air juvénile, on croirait qu’elle est née pour le bonheur. Pourtant, les épreuves de la vie ne l’ont guère épargnée.

Bien sûr, il y a eu la disparition de Gainsbourg, celui qui lui a concocté un tube inoubliable, Les sucettes, pour lequel la voix acidulée de l’adolescente d’alors, susurrant les paroles à double sens de Serge, a fait merveille. Début de carrière fracassant, que France, avec le recul, n’aime guère à se remémorer : « J’étais très jeune, trop jeune, pour assumer toute cette pression, tout ce vedettariat. J’avais tout juste 16 ans, l’âge où l’on rêve du prince charmant, et j’en¬trais dans un tourbillon qui faisait de moi quelqu’un d’autre, qui ne me ressemblait pas. » Il lui faudra plus de dix ans pour s’en remettre. Jusqu’à ce que Michel Berger entre dans sa vie. « Grâce à lui, j’ai pu me libérer de cette période que j’aurais préféré ne jamais connaître », aime-t-elle à répéter.

Avec Michel, ce sera la paix intérieure, la sérénité enfin trouvée, la confiance en elle, qui lui a tant fait défaut des années durant. Le succès de l’un et de l’autre est à son apogée, quand survient le terrible drame du 2 août 1992. Alors qu’en plein soleil Michel dispute un match de tennis, il s’effondre soudain, victime d’une crise cardiaque. Malgré les secours, rien n’y fera. Certaines injustices sont ineffaçables. Perdre l’être le plus cher au monde est bien évidemment de celles que le temps ne gomme jamais. Meurtrie dans son âme, France se doit de ne pas sombrer dans le désespoir. Parce que Michel ne l’aurait pas voulu. Parce que ses deux enfants, Pauline (née en 1979) et Raphaël (né en 1981), ont besoin que leur maman soit forte pour deux. Du courage, il lui en faut d’autant plus qu’un vilain mal, comme on dit pudiquement, l’a prise pour cible. Un cancer du sein, qui, heureusement, n’est plus aujourd’hui qu’un mauvais souvenir. Comme elle l’a confié récemment : « Ça va très bien. Pour moi, la parenthèse est refermée. Je n’y pense jamais. »

Un héritage merveilleux.

Le travail est sans doute la meilleure thérapie contre l’angoisse. Petit à petit, France a repris le chemin de la vie. Et elle a pu profiter du merveilleux cadeau que Michel lui a légué – ses mélodies, ses textes – pour peaufiner France, l’album de chansons qui vient de paraître et que la jeune femme interprète sur la scène de l’Olympia jusqu’au 17 novembre. Parmi les treize titres de ce CD, on retrouve les succès d’hier, Débranche, Laissez passer les rêves, mais aussi La minute de silence et le très beau Message personnel, que Michel avait écrit pour et avec Françoise Hardy. « Peut-être, dans les années à venir, pourrais-je travailler avec d’autres auteurs, d’autres compositeurs. Mais il m’est encore difficile de l’imaginer. Michel a écrit de si belles musiques que je n’ai qu’à puiser dans ce formidable trésor.» Dans l’ancienne imprimerie parisienne transformée en loft avec l’aide d’un éminent architecte, « une idée de Michel, qui s ‘était occupé de tout, de l’aménagement à la décoration », France Gall a installé ses bureaux, là même où Michel avait son studio d’enregistrement. Nul doute que, pendant son spectacle à l’Olympia, l’ombre de son pygmalion flottera au-dessus du vénérable music-hall. Après, le grand rideau rouge refermé, elle signera des autographes pour ceux qui, depuis tant d’années, la suivent, apprécient son talent, l’aiment. Discrète, comme elle l’a toujours été, préférant l’ombre à la lumière, elle retrouvera les deux phares de sa vie, ses enfants. Pauline prépare une grande école d’art. Raphaël, après avoir tâté du piano et de la batterie, s’est mis à la guitare. Qui sait ? Peut-être marchera-t-il sur les traces de ses illustres parents … « Bien sûr, je ne contrarierais pas une vocation, si tel était le cas. Il connaît bien, pour les avoir vécues de l’intérieur, les difficultés de ce métier. A lui de décider. »

Jacques Girendet

La chanson : une affaire de famille

Bien que paraissant toute jeune, France Gall fêtera, eh oui ! son demi-siècle en 1997. Fille d’un antiquaire, elle a hérité de son père un goût prononcé pour tout ce qui touche à l’art de la maison et du jardin … mais aussi de la chanson. C’est en effet Robert Gall, beaucoup l’ignorent, qui a signé le premier succès de France, Sacré Charlemagne. Auteur de chansons interprétées par Piaf (Les amants merveilleux) et Aznavour (La Mamma), lui-même chanteur, il a su communiquer à sa fille son amour pour la musique. Une passion que semble partager aujourd’hui le fils de France, Raphaël, musicien et fan inconditionnel de Metallica. A lui, comme à Pauline, sa fille, la chanteuse a tenu à rendre hommage dans son dernier album, France. C’est ainsi qu’on peut lire, sur le livret de présentation : « Je remercie tous ceux qui ont suivi ce projet à mes côtés, et plus particulièrement Pauline et Raphaël. » Tout est dit.

Magazine : Nous Deux
Date : 12 au 18 novembre 1996
Numéro : 2576

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