France Gall sauvée par l’Afrique

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Cet endroit m’a délivrée de mes tristesses et de mes angoisses.

Là-bas, tout est simple et magique.

Télé 7 Jours : Vous semblez avoir retrouvé le goût de vivre.

France Gall : Je vais bien, mes enfants et la musique sont suffisamment importants pour me faire vivre.

T.7J.: Et l’Afrique ?

F.G.: Je m’y sens chez moi, en paix avec moi-même, hors du temps. Si je dois écrire un jour des chansons. c’est là que je le ferai. J’ai l’impression d’avoir toujours vécu là, comme si j’y avais habité dans une vie antérieure. Cet endroit m’a sauvée de mes tristesses et de mes angoisses. Là-bas, tout est simple et magique. J’y ai dominé mes peurs et séché mes larmes. C’est là que je me suis reconstruite peu à peu.

T.7J.: Après le décès de Michel Berger ?

F.G.: Après sa mort, j’ai été confrontée à une forme de solitude très dure à vivre. Je me suis demandé pendant des mois ce qu’on venait faire sur terre. J’ai cherché des réponses dans les bouquins, en discutant avec des amis. Je ne me suis pas enfermée dans une religion, mais j’ai découvert que j’avais la foi. Aujourd’hui, j’ai envie de me tourner vers les autres.

T. 7J. : Depuis que vous êtes seule, gérez-vous l’aspect financier de votre carrière ?

F.G.: Oh la la! Ce n’est pas du tout mon truc. Là encore, j’ai eu beaucoup de chance. Mon ancien P-DG de chez Warner, qui vivait à Los Angeles, est revenu en France pour raisons personnelles. Il cherchait du boulot et moi quelqu’un de sérieux pour me manager. Il s’occupe de tout maintenant et j’en suis soulagée.

T. 7J. : Comment vous organisez-vous, avec vos deux enfants, quand vous partez en tournée ou dans votre refuge du Sénégal ?

F.G.: J’ai deux personnes clés dans ma vie qui s’occupent de ma maison à Paris et de mes enfants. Il y a Nane, une Cambodgienne qui gère l’intendance et qui a élevé Raphaël, et puis Annie, qui travaille à mon secrétariat et qui s’occupe beaucoup de ma fille. J’évite de partir plus de quinze jours. Cela les amuse quelquefois, ils peuvent recevoir des amis et vivre une liberté d’adolescents. Moi, j’ai un besoin viscéral de les voir et en même temps, j’essaie de leur apprendre à vivre seuls.

T.7J.: Comment vont-ils aujourd’hui ?

F.G. : Ils vont merveilleusement bien. Nos rapports sont exceptionnels mais ont du caractère. On s’aime trop. Souvent, ils sont inquiets pour moi. Ils ont peur que je n’arrive pas à me débrouiller seule. Raphaël a 15 ans, il est en seconde. Il est très soutenu par ses professeurs et ses amis. C’est un enfant original. plein d’énergie, qui a du mal à être assis dans une classe toute la journée. Il joue de la batterie. du piano, il est très fort aux échecs, incollable avec un ordinateur, et a pratiqué à peu près tous les sports. Pauline est dans une école d’art. Elle fait sept heures de dessin par jour. Déjà toute petite, je savais que c’était son avenir, mais je n’ai jamais voulu la forcer. Les quatre années qu’elle vient de passer ont été très dures pour elle. Perdre son père à 13 ans, c’est affreux pour un enfant. C’est un tel manque, un tel vide ! Elle est beaucoup plus gaie maintenant. Elle a fait son propre chemin toute seule, même si, quelquefois, je suis sûre qu’elle cache son chagrin.

T. 7J. : Pauline et Raphaël vous suivent-ils dans vos voyages en Afrique ?

F.G. : Ils aiment bien y aller, mais les trois quarts du temps, j’y vais seule. En France, je dois m’occuper de tellement de choses que je n’ai plus de liberté. Dans mon île, je suis au milieu des éléments naturels. Il n’y a pas d’électricité, chez moi tout fonctionne à l’énergie solaire. Les systèmes de canalisation sont archaïques, les habitants ont tiré des câbles du continent et l’eau vient de là-bas.

T.7J. : Sur votre île, comment est votre maison ?

F.G. : En fait, il y a deux maisons côte à côte. Dans l’une, il y a le living, la cuisine et la salle à manger, dans l’autre la salle de bains et des chambres qui sont très grandes. Je les ai achetées en 1990 à un Libanais qui en avait fait une maison normande à colombages. J’ai tout cassé. J’avais très envie d’une maison avec une façade rouge. J’ai demandé à Oumoussie, une fille qu’on appelle “la femme au chapeau” parce qu’elle porte toujours un casque colonial, de faire les rideaux et les canapés et j’ai confié les travaux internes à. un architecte local qui a eu l’idée de recréer des paillotes, à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison. Michel y venait très souvent, il aimait beaucoup ma façon de décorer et de chiner pour donner de l’âme à l’endroit.

T.7J.: Pourquoi avez-vous décidé de remonter sur la scène de l’Olympia ?

F.G. : Je suis une boulimique de spectacles. Il y a toujours un risque de se ramasser dans notre métier, alors je bosse énormément. Là, j’ai bétonné mes arrières. Je vais chanter avec les musiciens de Prince et de Stevie Wonder. C’est une équipe de Blacks américains avec qui je suis en « love story » professionnelle. Certains étaient en rupture de boulot : Prince, qui est devenu papa, est en train d’écrire des chansons pour enfants. C’était le bon moment pour moi et pour eux.

T.7J.: Vous allez reprendre les chansons de Michel Berger, mais le répertoire n’est pas inépuisable.

F.G.: C’est un trésor, il y a encore des chansons de Michel qui sont inédites. A l ‘Olympia. je chanterai “A qui donner ce que j’ai”, que l’on n’a pas encore entendue. Dans l’avenir, je vais sortir mon album en Allemagne, au Japon et au Brésil. Et puis.je vais m’occuper de produire « La Légende de Jimmy » en anglais, je ne veux pas passer à côté, comme je l’ai fait pour « Starmania ». Je prépare aussi une version très différente de la chanson « Les Uns contre les autres».

T. 7J. : Y a-t-il une chanson de Michel que vous préférez à toutes les autres ?

F.G. : Oui, c’est “Lumière du jour”. Michel l’a écrite en 1981 pour exprimer son amour pour moi. “Tu es ma lumière du jour, tu es mon ultime amour. Et si le poids se fait trop lourd, j’appelle ton nom à mon secours”. C’est un compliment merveilleux qu’aujourd’hui je lui retourne.

T. 7J. : Vous n’avez jamais envisagé d’écrire vos propres chansons ?

F.G. : J’y pense. Si je veux continuer à rester dans la lumière, je vais peut-être devoir en passer par-là. C’est une affaire à suivre, mais je ne sais pas si j’ai vraiment ce don. Michel était la personne qui me connaissait le mieux. Ça me semble impossible de retrouver une telle osmose avec quelqu’un.

T. 7J. : Pourriez-vous partager votre maison d’Afrique avec un homme que vous aimeriez ?

F.G.: Probablement. J’ai un besoin viscéral d’être aimée, mais en même temps, c’est difficile pour moi de trouver l’homme idéal après Michel. J’ai une vie affective comme tout le monde, mais je ne souhaite pas en parler encore, c’est trop récent. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il me serait impossible de vivre avec quelqu’un qui ne soit pas dans le métier et qui ne comprenne rien à la musique.

T. 7J. : Le mot de la fin ?

F.G. : Il est simple. Dans Sénégal, il y a mon patronyme, « Gall ».

E. GIRARDIN-BRIAND – Photos MEYLAN/SYGMA

Magazine : Télé 7 Jours
Date : 9 novembre au 15 novembre 1996
Numéro : 1902

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