France Gall – Larmes pour Pauline

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Elle avait 19 ans, elle était belle et douce, elle a été emportée par la mucoviscidose, qui, depuis son enfance, la menaçait sans cesse.

Cinq ans après la mort de Michel Berger le destin frappe à nouveau la chanteuse du bonheur de vivre, à travers sa fille.

Toute sa vie, Pauline s’est battue. Contre la mucoviscidose qui lui coupait le souffle et l’épuisait peu à peu. Pourtant, c’était une petite fille comme les autres, une artiste qui aimait dessiner et peindre. Mais cette jeune fille si délicate était forte. Avec Raphaël, son frère, c’est elle qui a porté France Gall au moment de la mort brutale de Michel Berger. Malheureusement, si elle protégeait tout le temps sa mère, cette semaine, ni France ni le groupe nombreux des copains fidèle de l’adolescente n’ont rien p faire pour l’arracher au dernier as saut de la maladie. Une fois de plus, la tragédie s’acharne su France Gall, dont les chanson incarnent envers et contre tout l’amour de la vie et des couleurs. Aujourd’hui, avec le départ de Pauline, c’est le noir de la mort qui efface les lumières de “Cézanne peint”, l’hymne à l’art et à la beauté écrit par son père e chanté par sa mère.

Dimanche dernier, France Gall a rassemblé les amis de ses enfants. Elle leur a demandé de prier : Pauline se mourait. Ils sont allés au Sacré-Cœur puis tous, les croyants et les autres, ont uni leurs pensées pour tenter d’arracher la jeune fille à la mort. Mais cet ultime complot de l’amour n’a pas pu enrayer la fatalité. Pauline s’est éteinte à 19 ans, dans la nuit de lundi à mardi.

La fille de France Gall et de Michel Berger avait 2 ans lorsqu’un médecin a diagnostiqué le mal dont elle allait souffrir toute sa vie : la mucoviscidose. Une affection dont on ne guérit pas mais que des soins contraignants permettent d’apprivoiser. Petite-fille du Pr Hamburger – le père de Michel-, pionnier de la greffe du rein et des techniques de réanimation, l’enfant était particulièrement bien soignée. Chaque jour, Pauline subissait une séance de kinésithérapie qui l’aidait à respirer; elle suivait un régime alimentaire sévère et restait en contact étroit avec une équipe médicale traitante. Mais son père et sa mère tenaient aussi à ce qu’elle vive le plus normalement possible. Elle est allée à l’école, comme son frère, Raphaël, de deux ans son cadet, au collège privé Fénelon dans le 8e arrondissement parisien, tout près de chez elle. Une insertion réussie, parce que cette petite fille que l’on savait si fragile était soutenue tant par les siens que par un clan de camarades qui la protégeaient. Seul le cercle des intimes connaissait la vérité. Et sa discrétion formait autour de Pauline comme un cocon de tendresse.

Douce, délicate, diaphane, Pauline ressemblait de plus en plus à sa mère et se sentait très proche de son père. Elle avait 13 ans lorsque Michel Berger a été foudroyé par une crise cardiaque, le 2 août 1992, au cours d’une partie de tennis à Ramatuelle. Tout son univers s’est effondré et, du jour au lendemain, devant tous les admirateurs du chanteur au cimetière de Montmartre, elle est devenue un personnage public. C’est à ce moment-là, celui de son entrée dans l’adolescence, qu’elle s’est révoltée.

Elle ne voulait plus accepter son traitement, si lourd, si dur. A quoi bon ?

France, mère courage, à qui l’amour de ses enfants a donné la volonté de surmonter son chagrin puis de vaincre le cancer du sein qui s’était déclaré huit mois après la mort de son mari, a su lui insuffler la force de continuer.

La chanteuse s’est exilée pendant une année entière à Los Angeles, avec Pauline et Raphaël, qu’elle avait inscrits au lycée français : « Je ne serais jamais partie s’ils ne l’avaient pas souhaité, confiaitelle alors. Mais ils le désiraient comme des fous.»

Au soleil de Californie, ils ont pansé leurs blessures. Ils sont rentrés pleins de vigueur et prêts à faire de nouveau confiance à la vie, soudés dans le souvenir et dans l’espérance.

“Entre nous, expliquait France, c’est l’amour fou. Pour la première fois, j’ai envie de parler d’eux tellement ils m’éblouissent. Quand je les vois évoluer, je me dis que ce n’est pas possible d’avoir mis au monde deux merveilles pareilles.”

Et, malgré un nouveau coup dur – Raphaël renversé par une voiture et grièvement blessé, qu’il faut aussi aider à guérir-, elle se promettait une renaissance, dans un tourbillon d’énergie et de chaleur qui emportait Pauline. « Les quatre années qu’elle vient de passer, reconnaissait France, ont été très dures pour elle. Elle est beaucoup plus gaie maintenant, elle a fait son propre chemin toute seule, même si, quelquefois, je suis sûre qu’elle cache son chagrin.”

Pauline avait trouvé sa voie. Inscrite dans une école d’art, elle dessinait sept heures par jour, avec passion et talent. L’an dernier, premier grand bonheur dans sa jeune vie, elle était tombée amoureuse d’un jeune homme qui l’aimait.

Mais sa maladie s’est aggravée. Ces derniers mois, elle devait porter en permanence un tube qui permettait d’aspirer les mucosités qui l’étouffaient. Ses amis faisaient comme si de rien n’était et, d’ailleurs, tendus dans leur effort pour l’aider à lutter, ils ne remarquaient même plus le carcan médical qui soulageait de moins en moins Pauline. Accablée de souffrance et de fatigue, la jeune fille se voûtait, ses crises se multipliaient.

Au début de la semaine dernière, elle a attrapé une angine, ce qui, dans son état, était une catastrophe. Il fallait guérir très vite, sinon … Vendredi soir, quand on a dû l’hospitaliser à Necker, dans le service du Pr Lenoir, les médecins n’ont pas caché à sa mère que, si l’infection n’était pas jugulée en trois jours, Pauline ne survivrait pas. France a voulu réunir autour de sa fille tous ceux qui l’aimaient. Avec France, avec Raphaël, les dix meilleurs amis de Pauline, ceux qui avaient prié pour elle la veille au Sacré-Cœur, ont dormi à l’hôpital dans la nuit de lundi à mardi. Afin de l’aider pour la dernière fois, non plus à vivre, mais à partir, comme un soupir, comme un sourire. Comme un souffle, celui qui lui a tant manqué.

La mucoviscidose, un fléau que la thérapie génique espère vaincre.

La mucoviscidose est une maladie héréditaire pouvant se manifester dès la naissance. Elle est caractérisée par une tendance aux infections pulmonaires chroniques et par une non-absorption des graisses et d’autres éléments nutritifs. Le développement de la mucoviscidose et sa sévérité varient considérablement d’un sujet à l’autre, mais, en général, la croissance ne se déroule pas normalement, et l’enfant souffre d’infections broncho-pulmonaires persistantes, provoquant toux et difficultés respiratoires permanentes. Les pneumonies et bronchites répétées finissent par endommager les poumons. Le pancréas ne produit pas les enzymes qui interviennent dans la dégradation des graisses et dans leur absorption par l’intestin.

La mucoviscidose est due à un gène défectueux situé sur le chromosome n°7, mais, pour que la maladie se déclare, l’anomalie doit avoir été héritée de deux parents. Les sujets ayant hérité du gène défectueux par un seul de leurs parents sont porteurs du gène, mais ne souffrent d’aucun symptôme. Grâce aux avancées de la recherche, on peut aujourd’hui localiser le gène impliqué, et même détecter la maladie in utero (cette exploration est proposée aux parents qui ont un enfant atteint et envisagent une autre grossesse). Chez les individus de race blanche, on considère que cette anomalie touche environ 1 enfant sur 2 000 (chez les autres races, elle est très rare).

Des traitements hautement spécialisés aux antibiotiques permettent aux deux tiers de ces malades d’atteindre l’âge adulte. Peu d’entre eux sont cependant bien-portants : la plupart souffrent de lésions pulmonaires permanentes, avec une espérance de vie considérablement raccourcie. Le décès survient dès lors que le poumon ne peut plus fournir d’oxygène à l’organisme. Chez certains malades, des traitements par transplantation pulmonaire ou cardio-pulmonaire ont donné des résultats encourageants. Et les essais de thérapie génique se multiplient, en France comme aux EtatsUnis. Désormais, pour les familles frappées, s’entrouvre un avenir porteur d’espoir.

Sabine de la Brosse

Magazine : Paris Match
Date : 25 décembre 1997
Numéro : 2535

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