Les tours de France (presse)

Une nouvelle compilation des années 1975-1997 de France Gall est sortie le 5 octobre, la première entièrement supervisée par la chanteuse, qui a également suivi de près la réalisation de son intégral en studio et live, parue le même jour.

A cette occasion, et pour la première fois depuis la disparition de sa fille, la chanteuse a accepté de se raconter aux lecteurs d’un magazine. Elle a choisi les plus fidèles.

JPP : Pour illustrer votre intégrale studio et live, et aussi cet article, vous avez tenu à mettre beaucoup de photos de vous sur scène. Pourquoi ?

Qu’est-ce que vous voulez que je montre comme photo de studio d’enregistrement ? Je n’en ai pas. Et puis, cela n’évoquera rien à personne, car ce ne sont pas des moments publics, alors que les photos de scène, avec mes looks différents pour chaque spectacle, qu’on a vues partout, rappellent beaucoup de choses aux gens … En plus, j’ai fait beaucoup de lives, autant que d’albums studio, il y en a huit de chaque dans l’intégrale.

JPP : A ce propos, dans le coffret, il y a deux lives inédits en CD : Le théâtre des Champs-Élysées 1978 et le Palais des Sports 1982, ainsi qu’un live 100% inédit : Pleyel 1994. Pourquoi n’est-il pas sorti à l’époque ?

On n’a pas eu le temps …. Après « Pleyel » et la tournée qui s’est achevée en novembre 1994, je suis partie le 26 décembre vivre aux États-Unis et j’y suis restée la majeure partie de l’année 1995 pour préparer l’album « France ». Et quand je suis revenue, on a sorti l’album et l’on ne pouvait pas sortir en même temps le live.

JPP : Si l’on compare vos derniers live : « Bercy 93 », « Pleyel 1994 », « L’Olympia 1996 », comment qualifieriez-Vous chacun d’eux ?

Entre Bercy et Pleyel, c’est la même différence qu’entre le jour et la nuit, aussi bien dans le fond que dans la forme. Bercy était comme un passage obligé après tout ce qui s’était passé, après le départ de Michel. J’ai dû le faire car la salle avait été réservée pour Michel et moi et que, contrairement à toutes les autres salles prévues pour notre tournée, on n’a pas pu l’annuler. Ce spectacle a été très lourd pour moi – Bercy est un gros bateau -, c’est une des choses professionnelles les plus lourdes de ma vie. Mais c’est un spectacle – chargé d’émotion – que j’ai voulu très digne … Michel y était très présent, ses musiciens étaient sur scène avec moi … Finalement, il est très rock et blues : les musiciens jouent blues, moi je chante blues … De plus, c’est le premier spectacle que j’ai mis en scène seule. D’ailleurs, j’avais invité au final des jeunes des banlieues – grâce à l’association « Droit de cité » dont j’étais la marraine – qui permettait au spectacle de finir sur une note éblouissante, grâce à la manière de s’habiller ; de bouger de ces jeunes … Il faut dire qu’on était en 1993 et qu’on ne savait pas encore tout ce qui se passait dans les banlieues. Grâce à eux, j’ai même découvert un autre monde, une autre musique, qui m’ont rendu la vie plus gaie et m’ont poussée à expérimenter ce que ces rythmes programmées – le Hip-Hop, le RnB … -, pouvaient faire sur la musique de Michel. C’est là que j’ai eu envie de passer du temps avec une partie de ce groupe et de refaire une scène avec eux. Ça a été Pleyel qui a été un spectacle beaucoup plus léger ; beaucoup plus dansant. C’est le dernier spectacle dans lequel j’ai dansé ou tout au moins bougé. Pour moi, c’était une respiration, une bouffée d’oxygène après toutes ces douleurs. C’est un spectacle que j’ai fait sans promotion, sans publicité, c’est pour ça que j’avais choisi une petite salle, Pleyel, après une série de très grandes : Bercy en 1993, le Zénith en 1984 et 1987 et le Palais des Sports en 1982.

JPP : Pleyel a été un peu improvisé, car les musiciens de Michel Berger, Jannick Top, Serge Perathoner, Claude Salmieri, Denys Lable … Vous ont lâchée deux mois avant ?

Oui, car quand je suis arrivée avec des programmations RnB et des choses comme ça et que je leur ai demandé de jouer bip-bop, ça a été la cassure. Je me dis que la rupture vient vraiment de là, mais, de toute façon, il fallait qu’ils partent. Comme moi, je n’aime pas les affrontements, je n’aurais jamais osé leur dire de partir. Surtout qu’on avait traversé des choses extrêmement fortes ensemble et que, dans ce métier, les musiciens sont les personnes que l’on voit le plus. Ce sont à la fois comme des collègues de travail et des amis car, dans ce métier, on ne voit que des gens avec qui on travaille, étant donné que la vie privée et la vie professionnelle ne font qu’un. C’étaient des gens très proches et il fallait que ce soit eux qui partent pour qu’on se sépare, et que je puisse évoluer vers autre chose. Je voulais surtout des oreilles fraîches et nouvelles à propos de la musique de Michel, ce qui était très difficile, voire impossible pour des gens qui la jouaient depuis 15 ans.

JPP : De son vivant, Michel Berger aurait pu aller vers d’autres musiciens plus jeunes et il ne l’a pas fait. Il est quand même resté 15 ans avec Jannick Top et sa bande …

Non, à chaque album, Michel travaillait avec des jeunes musiciens dont il avait entendu parler. Il mélangeait ses « fidèles » et quelques nouveaux. Et même plus, quand il travaillait à Los Angeles, il ne faisait pas venir ses musiciens français, mais il travaillait avec des musiciens locaux. Michel se remettait toujours en question. Par exemple, pour « Débranche ! » (1984), il a totalement changé le son de groupe et il n’a plus voulu jouer de piano. D’ailleurs, à partir de là, il n’a plus joué de piano sur aucun disque, car pour lui le son allait vers d’autres choses. C’est là qu’il a engagé des programmateurs et qu’il a utilisé beaucoup de synthés. En studio, mais aussi sur scène, où j’avais deux claviers sur scènes et des programmations batterie.

JPP : Comment s’est décidée la liste des titres pour Pleyel avec vos succès, mais aussi ceux de Michel Berger pour lui – « Les princes des villes » -, ou pour d’autres – « Message personnel », « Les uns contre les autres “, « Quelque chose de Tennessee » ?

Toutes les chansons de Michel ne se prêtent pas aux nouveaux sons, donc je n’ai pas pu tout reprendre. Les chansons qui s’y prêtent sont avant tout les chansons rythmiques, et encore pas toutes. Par exemple, « Le piano debout » ne pourra jamais vraiment être modernisé, car c’est une espèce de « galop » (sourire) que l’on ne peut pas changer. Sur certaines chansons, j’ai vraiment insisté pour leur donner un nouveau son pour Pleyel et ensuite pour mon disque « France » (1996). J’ai voulu notamment refaire une nouvelle version de « Ella », qui n’a rien à voir avec la version de Michel, j’avais même changé un peu la structure … Et je sais que mon public ne l’a pas vraiment aimée. Tout ça pour dire que je suis contente d’avoir essayé des choses, mais que j’en suis revenue et qu’aujourd’hui je pense qu’il ne faut jamais oublier la version originale, parce qu’il y a toujours quelque chose de magique dans les premières versions.

JPP : Est-ce qu’on peut alors dire que Pleyel vous a servi de laboratoire d’essai pour l’album « France » ?

C’est absolument ça … C’est ce qui m’a donné le courage d’aller aux États-Unis faire un disque avec des musiciens américains … Mais il ne faut pas oublier que pour cette expérience de Pleyel, j’ai été accompagnée de musiciens français comme Christophe Deschamps, Jean-Yves d’Angelo et son copain David Rhodes, qui était et est toujours le guitariste de Peter Gabriel … il n’a d’ailleurs rien à voir avec les Engel et les Lable, c’est une toute autre façon de jouer. Ils ont tous accepté l’aventure au dernier moment. Je les ai appelés en plein milieu de l’été 1994, alors que j’étais encore sous le choc de mes anciens musiciens qui m’avaient lâchée. En une semaine, ils ont accepté de jouer avec moi à Pleyel et en tournée.

JPP : aux USA, en 1995 pour « France », vous travaillez donc avec les musiciens de Zappa, de Prince, de Miles Davis. Comment ont-ils réagi à la musique de Michel Berger ?

Je savais que la musique de Michel dépassait les frontières, mais j’ai quand même testé des producteurs pour ce projet « France », puisqu’entre « Pleyel » et la tournée, je suis allée passer trois jours en novembre à Paisley Park, où je devais finaliser mon choix de producteur. Quelques jours avant mon départ j’avais même envoyé, à un des principaux producteurs, Ricky Peterson, un DAT sur lequel j’avais enregistré la version du « Prince des villes » qu’on avait faite à Pleyel en lui demandant de penser à quelque chose. Et, quand je suis arrivée là-bas, tout s’est enchaîné, et ça s’est très bien passé. Il m’a donné une puissance, une énergie dans le son que je voulais pour les chansons de Michel. Et quand je suis arrivée et que je lui ai montré les partitions des chansons, avec les harmonies de Michel, Ricky a été très impressionné, il a même eu les larmes aux yeux et il me disait : « My God, it’s Mozart !» (Rire), tant pis si c’est bête à dire …

JPP : Michel Berger avait ce côté symphonique qui le rendait universel…

Absolument. La musique de Michel est universelle. Je l’ai senti aux USA car j’ai vraiment eu un échange sur ses chansons, même si je ne parlais pas anglais. Il faut dire que Michel le parlait couramment, je n’avais jamais eu besoin d’apprendre.

JPP : Pourquoi avoir refait le mix de « France » à New-York ?

Parce que, quand on a tout réécouté avec la maison de disques, j’ai trouvé ça pas possible et la maison de disques était d’accord. J’ai demandé à recommencer moi-même le mix afin que ce soit comme je voulais. Avant ça, je ne m’étais jamais intéressée au mixage, car mon avant-dernier album studio, « Double jeu » (1992), avait été fait avec Michel. Là j’ai dû m’y mettre et j’ai fait le son contraire de celui qu’il y avait dans le premier mixage. Pour cela, j’avais engagé quelqu’un qui parlait français parce que je voulais qu’il comprenne les mots de Michel que je chantais. Je lui ai d’ailleurs demandé, alors qu’il était un mixeur pour les radios qui aimait les choses touffues, chargées, de mettre les basses à un niveau inhabituel, de me faire un son dépouillé, dénudé. Je suis une des premières à avoir fait une voix sans réverbe, sans écho, totalement sèche et très près de l’essence de la chanson. Aujourd’hui, même si c’est devenu courant, les orchestrations de cet album, comme « Plus haut », ne ressemblent à rien de ce qui existe. Toujours aujourd’hui.

JPP : Lors de notre dernière interview, vous m’aviez confié vouloir que cet album s’exporte afin que la musique de Michel soit connue partout. Même si France est sorti en Allemagne et aux USA, y êtes-vous arrivée ? Il semble que les Français aient toujours du mal à s’exporter …

C’est normal que les Français aient eu du mal car, par rapport aux États-Unis notamment, on est très différent. Cependant, Michel, lui, n’a pas eu de mal à s’imposer aux USA quand il l’a voulu, notamment avec son disque « Dreaming Stone » qui est arrivé dans le Top 10 là-bas. Pour en revenir à « France », je pensais que cela allait m’amuser d’aller dans le monde entier faire connaître la musique de Michel, et finalement, c’était impossible. Ça n’allait pas du tout avec ma vie. J’avais deux enfants et ce n’était pas la bonne idée. J’ai donc tout arrêté.

JPP : Avez-vous commencé une promo, ne serait-ce qu’en Allemagne où vous êtes connue ?

Non, je n’ai rien fait, je crois.

JPP : Pour en revenir à l’intégrale, on y trouve un inédit de 1987 qui est beaucoup passé en radio cet été : « La seule chose qui compte » … pourquoi sortir cet inédit et pas un titre plus récent. Il doit y avoir des inédits de « France » ?

Oui, mais sur « France », je n’ai enregistré que des chansons déjà connues. « La seule chose qui compte » est une chanson que personne ne connaissait. J’aurais pu mettre les versions anglaises que j’ai faites pour « France », mais c’est moins excitant. Il y a même failli y avoir un duo avec Seal …

JPP : Pourquoi cette version anglaise de « Les uns contre les autres » n’a-t-elle pas vu le jour ?

Cela ne s’est pas fait parce qu’à ce moment-là, il est devenu une superstar avec le truc de la rose (Ndlr :« Kiss From A Rose ») … De plus, comme je ne voulais plus voyager, je n’ai pas insisté.

JPP : « La seule chose qui compte », en tout cas, sonne très actuel pourquoi n’était-elle pas sortie sur l’album « Babacar » en 1987 ?

A cause de la durée des titres. Il n’y a que 9 titres mais ils sont assez longs et les vinyles étaient plus limités en longueur. De plus, Michel, qui comptait cette chanson parmi ses préférées, trouvait cependant qu’elle n’était pas dans la couleur des autres car le texte est optimiste alors que l’album est sombre et lourd, les textes sont graves … Michel, en bon professionnel, préférait que l’album se tienne avant de se faire plaisir. Finalement, c’est peut-être mieux que ce titre sorte maintenant car ce titre aurait peut-être été noyé dans l’album à l’époque, d’autant plus qu’il y a eu cinq singles : « Babacar », « Ella, elle l’a », « Évidemment » … Et cinq singles pour un album de neuf titres, ça veut dire qu’un titre s’est même retrouvé deux fois sur un single !

JPP : L’album « Babacar » doit être votre plus grosse vente, certifié triple platine en 1993, soit plus de 900 000 exemplaires … Étiez-vous consciente à l’époque que cet album était sombre ?

Complètement. Je n’étais pas très à l’aise. En plus, ce n’était pas ce que j’avais envie de chanter.

JPP : Après cet album, vous avez arrêté pendant quelques années. Étiez-vous vraiment arrivée au bout d’une époque ?

Oui … Et Michel aussi. Je ne sais pas pourquoi il a fait « La seule chose qui compte », cette chanson « gaie », qui pousse à chercher le bonheur à ce moment-là.

JPP : Avez-vous eu une explication avec lui sur le pourquoi de cette chanson au milieu des autres ?

Moi, j’étais habitué au positif chez Michel, car il n’était jamais anéanti … Pourquoi le reste est-il sombre ? Je crois qu’on ne peut pas maîtriser l’inspiration.

JPP : En général, quand il produisait vos albums, Michel écrivait-il tout à ce moment-là ?

Oui, même « Ella » qu’il avait en tête depuis dix ans, il l’a concrétisée, paroles et musique, à ce moment-là.

JPP : Dans les années 80, pourquoi vous fait-il chanter des textes plus engagés, par exemple « Résiste » et « Diego » en 1981, ou « La chanson d’Azima » en 1987, sur le problème du désert qui avance …

Il avait toute une personne à faire découvrir, un personnage à recréer, quand j’ai commencé à travailler avec lui en 1974. Il fallait le faire progressivement il savait qu’il ne pourrait pas changer mon image en un album, surtout que j’avais dix ans de carrière derrière moi, de chansons un peu de tout le monde, y compris certaines qui ne me correspondaient pas, qui donnaient de moi une fausse image, comme « Les sucettes ». A partir du moment où il a réussi à me montrer telle que j’étais, il a pu aller plus loin. Faire des choses un peu plus sérieuses. Surtout que durant les années où on a été ensemble, il a aussi continué à découvrir le monde.

JPP : Il semble évident que c’est votre voyage pour action-école au Sénégal en janvier 1986 qui ont influencé ces chansons.

Il n’y était pas, mais j’en ai beaucoup parlé en rentrant. Comme tous les créateurs, il se nourrissait de ce qu’il voyait, de ce qu’il entendait, de la vie, de la vérité. Il ne se contentait pas de raconter des histoires, il mettait le doigt sur des problèmes, ceux de l’Afrique, afin de faire avancer les choses. Michel avait des tas d’amis, comme lui, qui se nourrissaient du monde et il souffrait de tout ce qui se passait il était spectateur et considérait que sa mission était de le ‘décrire comme un peintre … Ses chansons sont une peinture de son époque.

JPP : L’autre inédit de l’intégrale provient de l’album « Dancing Disco » en 1977 : « Une femme, tu sais ». Alors que tous les autres artistes du disco français sont kitsch, de Karen Chéryl à Ottawan, cet album, et cet inédit, sont eux aussi très actuels ?

(Rires) Je n’arrive même pas à comprendre comment ils ont pu faire une rythmique pareille en 1977 ! C’est tellement incroyable ! Sur cet enregistrement avec de vrais musiciens, des cuivres, on entend qu’ils ont vraiment du plaisir à jouer et moi aussi à chanter là-dessus.

JPP : Vous souvenez-vous de cette chanson ?

Non, pas du tout, mais quand on l’a retrouvée et qu’on me l’a fait écouter, je m’en suis tout de suite souvenue, alors que 1977, ça fait un bail ! Ça, ce sont vraiment des bonnes surprises. Mais je ne sais même pas pourquoi on l’avait mise de côté.

JPP : Y-a-t-il d’autres inédits que vous n’avez pas mis dans cette intégrale ?

Probablement.

JPP : Est-ce qu’on vous a proposé des inédits que vous n’avez pas aimés et donc refusés de mettre sur l’intégrale ?

Oui, des choses plus ou moins finies, ou plus ou moins bien chantées, pas mixées … Mais j’assume tout, car tout est bien, chaque chanson a quelque chose. Je n’ai honte de rien alors que, lorsque j’écoute des choses des années 1960, je trouve certaines chansons épouvantables, enfin, c’est nul.

JPP : Revenons à 1977. Sam Goody d’Atlantic USA vous remet votre premier disque d’or pour ce deuxième album avec Michel Berger. Pourquoi, après Véronique Sanson, Michel Polnareff au milieu des années 1970, Atlantic USA ne vous a-t-il pas lancée sur le marché américain ?

A cause d’un truc très bête que vous n’allez même pas croire. Je vais vous donner un scoop : j’avais enregistré « Musique » en anglais, d’ailleurs je ne sais pas si on a mis cette version dans l’intégrale …

JPP : Non, malheureusement, elle n’y est pas.

D’un autre côté si je commence à mettre toutes les versions que j’ai faites en anglais, allemand, japonais, espagnol, italien …

JPP : Ne me dites pas que dans les années Berger, vous en avez faites autant que dans vos années 60 chez Philips ?

Ah oui, c’est vrai, vous avez raison …, je confonds les deux époques, les versions en toutes les langues, c’était chez Philips ! Bon, en tout cas, j’ai chanté « Musique » en anglais, au Studio Gang comme d’habitude. Après plusieurs prises, je me souviens avoir dit à Michel : « C’est épouvantable, je ne peux pas chanter en anglais, ça me donne envie de vomir ». (Rires) La façon que j’avais de chanter en anglais me donnait mal au cœur (rires) « Je veux bien finir « Music », mais pas question que je fasse tout un album en anglais ». C’est idiot car à cause de ça, on n’a même pas essayé de faire une percée aux USA, surtout qu’aujourd’hui je parle anglais sans problème.

JPP : Michel berger a dû être déçu ?

Peut-être, mais il a dû aussi se dire que ce n’était pas la vie qu’il voulait, toujours dans les avions, d’un continent à un autre …

JPP : Faisait-il déjà attention à votre équilibre professionnel-privé, alors que vous n’aviez pas encore d’enfant ?

Absolument, même si nos horaires ont toujours été décalés. On se couchait très tard et on se réveillait donc très tard. Je me souviens qu’après plusieurs années, afin de ne plus se lever en fin de journée, on avait décidé de se coucher tous les jours au maximum à 2 heures du matin quand on était en studio (Rires). Sans ça, c’était tous les jours parti jusqu’à 6 heures du matin ! Quand on est jeunes, on peut tout vivre.

JPP : Revenons au tout premier album éponyme en 1975. Pourquoi, à l’époque, le deuxième 45 tours, « Mais, aime-là », n’y figurait-il pas, alors qu’il est dans l’intégrale comme la face b du premier, « Si l’on pouvait vraiment parler » ?

Je pense que Michel voulait vraiment faire un album de chansons nouvelles, à l’exception de « La déclaration d’amour », qui avait été la première chanson de son époque et surtout un gros succès. Il avait besoin de place pour parler de moi …

JPP : « Comment lui dire », « samba mambo », « Big fat Mamma », « Je saurai être ton amie » …

Cette dernière chanson est une chanson sur les fans, sur le public … Et même plus, c’est une chanson qui est adressée à quelqu’un, on ne sait à qui … Ce qui est important, c’est la façon dont je me dévoile en la chantant, dont il se dévoile probablement lui aussi.

JPP : Y avait-il dans ce premier album, et même dans les suivants, des chansons que Michel avait écrites pour lui et qu’il vous a finalement données ?

Non. Jamais, à part la première, « La déclaration d’amour ».

JPP : Pour ce premier album en 1975, vous travaillez avec Michel Berger, mais aussi avec toute une équipe : Engel, Padovan, Chantereau, Kawczynski… Cela a dû vous changer par rapport à ce que vous faisiez en Allemagne chez BASF depuis cinq ans ?

A ce propos, puisque je vous tiens, je voudrais vous dire que « Les fêtes de la bière en Allemagne » dont vous avez parlé chez Fogiel au printemps (Ndlr : 18 avril dans « On ne peut pas plaire à tout le monde » sur France 3), c’est n’importe quoi ! (rires) Ca vient d’où ce truc ? En plus je l’ai revu dans la presse il n’y a pas longtemps : « France Gall et ses fêtes de la bière ». Alors, je tiens à préciser que je ne suis pas une galérienne. Oui, j’ai chanté une fois un titre à la fête de la bière à Munich, et pas sur une table devant quelques buveurs de bière, mais sur un énorme podium devant des milliers de gens car, dès 1969, j’ai eu un énorme succès avec une chanson qui s’appelait « A banda ».

JPP : Pour cette émission, j’avais même dit que Michel Berger vous avait reproché en 1974 d’avoir posé pour « Mademoiselle Age Tendre » avec des concombres sur la figure, mais savait-il tout ce que vous aviez fait en Allemagne ?

J’ai vécu pratiquement cinq ans en Allemagne, où je faisais des grands shows, mais je ne crois pas que Michel l’ait su. Il savait déjà tout ce que j’avais fait en France, comme les émissions des Carpentier où je chantais « Tea For Two » en pyjama dans un lit avec les Carpentier, les couvertures de “Mademoiselle Age Tendre”, c’était suffisant ! (Sourire). J’étais jolie comme un cœur, mais il n’y avait aucune profondeur de rien. C’était normal, j’étais totalement légère et vide, comme tous les adolescents de l’époque. (Rires)

JPP : Alors pourquoi, dans votre nouvelle bio officielle signée Richard Cannavo, à l’occasion de cette intégrale, passez-vous sous silence ces années en Allemagne ?

C’est vrai que je l’ai lue et je n’ai pas eu envie de rectifier.

JPP : Pourquoi ? Il y a quand même prescription 30 ans plus tard … Surtout que ces chansons sont ressorties sur de nombreux CD en Allemagne …

Ah bon ? Je ne savais pas. J’aimerais vraiment réécouter tout ça … C’est vrai que je ne suis pas très fière de ma carrière en Allemagne, mais tout compte fait, ce n’est pas très grave, même si ça prouve que ma carrière, c’était un peu n’importe quoi. Comme l’ensemble du métier dans les années 60. Mais je sentais qu’il y avait une autre façon de travailler – qui me conviendrait mieux – et quand je suis allée vers Michel, j’en ai eu la preuve. Pour moi, il y a eu de grands moments dans ma carrière de chanteuse de disques : ma première séance avec Michel pour participer à son disque avec « Mon fils rira du Rock’n’roll », et ensuite pour mon propre 45 tours … L’autre grand moment a été ma toute première séance en studio pour mon premier disque. Il y avait quatre pistes à l’époque et quatre musiciens autour d’Alain Goraguer : Christian Garros à la batterie, Pierre Michelot à la basse, René Utreger, et Eddy Louiss au clavier. J’ai été aussi impressionnée en 1963 que dix ans plus tard avec Michel Dès 1963, comme je faisais du jazz, je sentais que ça jouait ! J’avais d’ailleurs fait mon premier essai de voix avec ces mêmes musiciens en juillet 1963 sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées. Ce fut également la même équipe quand j’ai travaillé avec Gainsbourg.

JPP : Vous m’impressionnez ! Comment vous souvenez-vous de la date : juillet 1963 ?

(Éclat de rire) Celle-là, je ne sais pas pourquoi, je ne l’ai jamais oubliée. Je crois que c’est parce que c’était au milieu de mes vacances à Noirmoutier et que j’ai été obligée de les couper en deux.

JPP : Vous en êtes-vous souvenue quand vous êtes revenue au théâtre des Champs-Élysées pour votre première grande scène en 1978 ?

C’est vrai ! Ça aussi je ne l’avais jamais réalisé ! On n’avait pas choisi cette salle avec Michel pour ça, car il ne connaissait même pas cette histoire, mais parce qu’on avait été y voir des artistes qu’on aimait bien comme Kate Bush. A l’époque, tous les concerts sympas se passaient là … C’est drôle tout ça, parce qu’en ce moment, je reviens sur la carrière de mon père et je découvre plein de choses. Je pensais ne remonter le temps que dans les années 1960 pour Michel, et finalement je le remonte jusqu’aux années de mon père.

JPP : Hormis « La Mamma » que vous avez enregistrée pour M6 en 1997, vous n’avez jamais rendu un hommage à votre père ni sur disque, ni sur scène ?

Rien du tout, mais ça va changer. Je m’y engage : je vais me rattraper. Vous savez, j’ai une boîte à partitions et il suffit qu’on en tire une et on se met à chanter la chanson. Vous me direz qu’il faut être de ma génération.

JPP : Vous pensez ? Quand on voit que grâce à Bruel, tous les jeunes chantent les chansons des années 30, pourquoi pas ressortir celles des années 1950 ?

Mon père c’est aussi les années 1940, d’ailleurs j’ai quelques 78 tours que je vais graver sur CD. Et je vais demander à mes frères s’ils n’en ont pas d’autres. Ce qui est amusant quand j’écoute mon père, c’est que toutes ses chansons sont des chansons rythmiques, hormis « La Mamma ».

JPP : Quand vous entendez les reprises de « la Mama », est-ce devenu banal ou avez-vous toujours une émotion ?

Oh non, j’ai toujours beaucoup d’émotion, car d’abord mon père y racontait la mort de ma grand-mère. Je trouve cette chanson magnifique. D’ailleurs quand je l’ai chantée avec Charles Aznavour pour mon « Concert privé », pour moi, c’était un peu la boucle bouclée …

JPP : Avez-vous entendu la version inédite de Dalida, qu’Orlando a sortie il y a quelques années ?

Ah, non ? Je ne l’ai pas entendue.

JPP : Et quand vous entendez les jeunes artistes reprendre Michel Berger, comme Lââm avec « Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux » qu’en pensez-vous ?

(Silence). Pour Lââm, je suis très partagée car tout le monde a adoré sa version et moi je ne l’ai pas aimée. Heureusement que je ne l’ai pas entendue avant la sortie car je l’aurais faite interdire. Le problème ce n’est pas le son ni les arrangements qui sont bien, mais c’est la mélodie qu’elle a changée. Ça, c’est plus grave car tous les jeunes l’ont apprise avec une mélodie qui n’est pas celle que Michel a écrite. Et ça s’est dangereux.

JPP : Et « Musique » par la Star Ac 2 ?

Ça, ça ne me dérange pas … il faut bien qu’on passe le relais … Surtout qu’ils ont respecté la mélodie et le texte. Il y avait juste le phrasé et le rythme qui n’allaient pas et ils l’ont refait avant que ça sorte.

JPP : Parmi les autres surprises de l’intégrale, des extraits de « Angélina Dumas » (1974), le « brouillon » de « Starmania » et du conte pour la télé, « Émilie ou la petite sirène » (1976), produit par les Carpentier. Michel aimait-il les variétés télé populaires ?

Faire les Carpentier, ce n’était pas comme faire Guy Lux … On ne rentrait pas dans leur univers, on apportait le nôtre, surtout avec ce conte qui n’était pas un « Top à … » ou un « Numéros Un » mais une émission exceptionnelle. D’ailleurs, c’était dangereux pour eux de nous donner une heure de musique, car Michel n’était pas tellement connu. Il a d’ailleurs dit aux Carpentier, qui lui avaient proposé de lui consacrer l’émission, qu’il valait mieux qu’elle soit autour de moi- avec lui aussi bien sûr -, car il pensait qu’il n’était pas encore assez connu pour la porter seul. Il était d’une grande lucidité. Plus tard, il a cependant eu un « Numéros Un » pour lui …

JPP : « Ça balance pas mal à Paris », qui en est extrait, a été un single au même titre que les autres, alors qu’il avait été enregistré pour la télé avec certainement un petit budget ?

Cette chanson pour moi n’était pas destinée à sortir du conte. C’est vrai qu’on avait un budget son qui était limité par la télé, mais on a quand même travaillé au studio Gang avec les musiciens proches, dont le Système Crapoutchik … C’est vrai que c’est intimiste, qu’on n’est pas allé à Londres, qu’on n’a pas de cuivres, qu’on a moins eu de temps, que le mix n’est pas parfait, ce n’est pas sophistiqué comme « Musique » mais c’est propre.

JPP : Revenons à votre première scène au théâtre des Champs-Élysées en 1978. Pourquoi avez-vous dit oui, alors qu’après dix ans, vous disiez partout que vous en aviez assez ?

La confiance. Et puis, Michel me disait que j’allais aimer ça, que c’était un plus pour moi. En plus, Claude Wild, le producteur de scène, avait un enthousiasme formidable. Je suis très sensible à ça. Michel et Claude étaient tellement sûrs d’eux que j’ai accepté. En plus, Claude n’avait rien des producteurs des années 60 que j’avais connus. Et avec 18 filles musiciennes qui m ‘accompagnaient sur scène, je voyais bien la différence avec les scènes que je faisais avant : je ne me sentais pas lâchée, du genre « Démerde-toi ! ». J’étais prise en main, entourée en plus avec un bon son, de belles lumières …

JPP : Les lumières, c’était déjà Jacques Rouveyrollis qui fera avec vous beaucoup de spectacles ?

Non, au début, j’avais pris un metteur en scène québécois qui avait amené son équipe. C’est la même qui travaillait sur « Starmania » (Ndlr : créé sur scène quelques mois plus tard).

JPP : Ce spectacle a-t-il été filmé ? Et les suivants ?

Oui, le Théâtre des Champs a été filmé en entier, mais, en 1978, on n’a commercialisé que trois titres en film super 8 sonore … Ne vous inquiétez pas, ça va faire l’objet d’un DVD. Comme les autres spectacles qui ont tous été filmés avec plusieurs caméras professionnelles. Tous, sauf Pleyel, qui a juste été filmé par une petite caméra amateur de face. Ce n’est pas terrible, mais au moins j’ai des images …

JPP : Votre zénith 1984 tient sur un double CD, alors que le Théâtre des Champs et le Palais des Sports sont sur un simple avec 16 titres pour le premier. Est-ce l’intégralité ?

Oui, je pense … mais tout compte fait, je ne sais pas. C’est amusant mais ce premier live n’est pas celui qui m’intéresse le plus. Je trouve que c’est le seul qui fait un peu démodé, notamment dans ma manière de m’habiller : ma chemise de grand-mère, le nœud pap’ …

JPP : Mais ce n’est pas un DVD, juste un CD audio … Vous pensiez-vous au point à l’époque ?

Ah non non, je chante de mieux en mieux au fil des lives. Et surtout, comme c’est l’époque où Michel jouait du piano dans mes spectacles, et comme il voulait que ça sonne – y compris son piano, il choisissait toujours des tonalités trop hautes pour moi … Un jour, j’ai demandé que les tonalités soient redescendues car je n’en pouvais plus. Et, par la suite, j’ai toujours baissé, pour en arriver à chanter dans les graves, car j’ai une voix grave même quand je parle, alors que les gens pensent que j’ai une voix haut-perchée … à cause du piano de Michel ! (Rires)

JPP : Déjà dans les années 60, vous chantiez haut ?

C’est vrai, mais là c’est parce que c’était la mode. Je me souviens quand j’ai rencontré un jour Vanessa Paradis, qu’on faisait aussi chanter très très haut sur ses premiers disques, je lui ai dit : « Ne te laisse pas faire ! » (Rire) Elle a dû en prendre conscience car, aujourd’hui, on se rend compte qu’elle a une voix extrêmement grave.

JPP : Que pensez-vous de vos différents looks ? Cheveux raides et mi-longs dans les années 70, courts et frisés dans les 80 ?

Les 80, c’est une catastrophe, pour la coupe de cheveux, la manière de s’habiller. (rires) Remarquez pas que pour moi, mais pour tout le monde.

JPP : Y a-t-il de bonnes photos que vous trouvez catastrophiques pour le look que vous y avez ?

Non, je ne trouve rien d’abominable. Justement, dans l’intégrale, j’ai mis des photos de chacune de mes tenues de scène. D’ailleurs, au Palais des Sports, où j’avais une tenue pour la première partie et une tenue pour la deuxième partie, la même mais de couleur différente, je me souviens que les ouvreuses avaient dit :« Oh la la, c’est nul, elle ne se change jamais, ce n’est pas comme Sylvie Vartan qui avait quinze somptueuses robes. » (Rires)

JPP : Quel est votre spectacle préféré : le Palais des Sports 1982?

Je crois … avec ce décor merveilleux et moderne en damier, ces néons de couleur, ce grand tableau … C’est là que j’ai compris que la scène était la chose la plus incroyable, la plus extraordinaire, qu’un artiste pouvait vivre. Cet échange d’amour fou entre des milliers de gens et un être humain, je me le suis pris en pleine figure. Après ce spectacle, j’ai eu pendant des années besoin de la scène. J’attendais ce moment avec impatience. Au bout d’un an et demi sans scène, je piétinais.

JPP : Passer du Théâtre des Champs au Palais des Sports et, à l’inverse, de Bercy à Pleyel ne vous a pas fait peur ?

Non … car Pleyel, c’est comme l’Olympia, il y a 2200 places. La seule chose que je n’ai pas aimée, c’est Bercy que j’ai trouvé trop difficile à bouger comme salle. On n’entend pas les gens, ils sont trop loin. C’est la plus grande que j’ai faite, peut-être était-elle trop grande ? Pour moi, le Zénith, c’est parfait, le Forest National de Bruxelles, c’est l’idéal.

JPP : Quelle différence entre le Zénith 84 et 87 ?

Le premier Zénith est le moins joli de mes spectacles, il n’y avait pas de décor, la salle venait d’ouvrir. En plus, le metteur en scène nous a lâché la veille, on a jeté tous les costumes quelques heures avant le spectacle. Ça a été un moment d’angoisse terrible. D’ailleurs, après ça, Michel a décidé qu’il n’y aurait plus de metteur en scène et qu’il s’en chargerait. Et pour le deuxième Zénith, c’est moi qui ai eu l’idée du décor de place de village avec des gens autour. C’est notre décorateur habituel qui l’a réalisé. Je faisais aussi « Big Fat Mama » dans une ambiance de bar à New-York des années 40 avec des cuivres.

JPP : C’est vous qui aviez pensé à reprendre ce titre de 1975 ?

Avant Bercy 1993, je ne me souviens pas avoir fait une liste de chansons pour un de mes spectacles, c’est Michel qui s’en chargeait. Comme il le faisait bien, je n’avais rien à rajouter ou à enlever. Et s’il m’avait demandé de la faire, j’aurais sûrement soufflé. (Sourire)

JPP : Vous êtes-vous lassée de certains titres ?

Non, avec Michel on savait que les gens attendaient certaines chansons et on ne pouvait pas les en priver. Un spectacle, on le fait surtout pour le public (sourire).

JPP : Pourtant, « La déclaration » disparaît au zénith 1987 …

Car, en dix ans, il y a eu des chansons qui sont devenues plus importantes pour le public.

JPP : Finalement, ce n’est pas la scène qui vous a conduite à arrêter en 1988 ?

Je n’ai pas arrêté par lassitude, mais parce que je ne voyais pas ce que je pouvais faire de mieux. Je déteste me copier.

JPP : Après vos « adieux » en 1988, c’est vous qui demandez à Michel de refaire un album. Ce sera « double jeu » en 1992. Pourquoi ?

Parce que je n’étais peut-être pas aussi bien dans ma « retraite », que ce que je pensais. Et heureusement, car vous vous rendez compte si Michel était mort sans qu’on ait fait cet album ? C’est merveilleux pour moi d’avoir ce disque.

JPP : Parce que vous lui avait fait plaisir … Il parait qu’il était malheureux que vous arrêtiez ?

Ce n’est pas de ça dont je parlais, mais du fait qu’il est parti après un disque où on était tous les deux. On a refait des photos ensemble, nos voix ont été enregistrées ensemble … Cet album et cette chanson, « Laissez passer les rêves » sont vraiment des cadeaux du ciel.

JPP : L’intégrale compte aussi de nombreux remixes, notamment des « Princes des villes » ?

Ça se faisait comme ça à l’époque, en 1994, mais ça ne m’éclate pas particulièrement. Aujourd’hui, je ne m’amuserais plus à ça.

JPP : Il y aussi des remixes pour les marchés étrangers : Angleterre, Allemagne. Vous rappelez ainsi que vous avez eu une seconde carrière en Allemagne à partir de « Ella, elle l’a », qui a été n°1 et est resté 24 semaines dans le top 10 – 5ème titre le plus vendu outre-rhin en 1988 -, suivi de « Babacar » qui a été n°5 avec 3 semaines au top 10.

« Ella, elle l’a » a été aussi n°1 dans toute l’Europe : en Hollande, en Scandinavie, et même en Israël.

JPP : Une nouvelle carrière s’ouvrait. Que vous ne puissiez pas aller plus loin en France, ok, mais à l’étranger ?

Je ne voulais pas plus que ce que j’avais. Il faut comprendre la vie de fous que nous avions dans les années 1980 et surtout je voulais m’occuper de ma famille et de la santé de ma fille, c’est aussi simple que ça (Ndlr : Pauline, née en 1978, décédée à 19 ans d’une maladie génétique). J’étais très atteinte moralement par sa maladie.

JPP : Était-ce plus la souffrance morale ou le regret de ne pas vous en occuper assez ?

Les deux. Je voulais être avec eux et la seule manière c’était d’arrêter. Dans ce métier-là, on ne peut pas faire les choses un petit peu. Même pour cette intégrale, je me suis investie à fond : j’ai écrit la petite histoire de chaque chanson – alors que dans l’intégrale de Michel, j’avais ressorti des phrases qu’il avait dites çà et là -, j’ai aussi choisi les photos, je fais un peu de promo … Pour moi, c’est important, c’est ce qui restera de ma vie avec Michel, car, même si on me pose souvent la question, jamais je ne ferai un livre sur ma vie, mon autobiographie, c’est l’émission de deux heures que j’ai faite à la télé.

Interview : Jean-Pierre Pasqualini (propos recueillis le 20 septembre 2004)
Photos : Jean-Louis Rancurel, Murielle Bisson et Frank Faignot
Magazine : Platine
Date : Octobre 2004
Numéro : 114

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