France éternelle (Presse)

« France Gall a rejoint le paradis blanc le 7 janvier (2018), après avoir défié durant deux ans, avec discrétion et dignité, la récidive de son cancer. »

C’est par ce communiqué que les Français apprenaient la disparition de la muse de Michel Berger.

Ils avaient beau savoir la chanteuse souffrante, depuis fin décembre, rien n’avait filtré laissant deviner une issue tragique.

Et si l’on ne l’avait plus revue depuis 2015 et la création hommage de la comédie musicale Résiste, c’était probablement parce que cette nomade discrète naviguait entre sa maison normande du Clos Saint-Nicolas, et Ngor, au Sénégal.

Refuge acquis il y a trente ans avec Berger, où elle vivait la moitié de l’année : « Sur cette île, disait-elle, il n’y a ni route ni électricité, juste le sable et les oiseaux. »

C’est pourtant à l’Hôpital américain de Neuilly que France Gall est décédée, dans les bras de son fils Raphaël et au cimetière de Montmartre qu’elle repose désormais, auprès de son mari et de leur fille Pauline. Ses bonheurs. Son malheur, aussi. Des sentiments entremêlés tout au long de sa vie.

Née à Paris en 1947, Isabelle est la fille de Robert Gall, qui écrit des chansons pour Piaf et Aznavour. Aussi se met-elle naturellement au piano à 5 ans, à la guitare à 11, avant de créer, avec ses deux frères, un orchestre.

Elle a 16 ans quand elle enregistre un disque : Ne sois pas si bête. « Le succès est venu très vite, confiera-t-elle. Et moi, je me suis lancée dans le métier comme un enfant qui se laisse emporter. »

Par le triomphe, en 1964, de Sacré Charlemagne. Et la consécration en 1965 à l’Eurovision, d’une Poupée de cire, poupée de son confectionnée par son premier Pygmalion Serge Gainsbourg métamorphose la jeune fille sage en lolita mi-pop mi-yé-yé, moins allumeuse qu’acidulée. Et blessée. Son producteur ne l’a-t-il pas rebaptisée du prénom France qu’elle déteste, pour ne pas qu’on la confonde avec la blonde Isabelle Aubret ? Et son amoureux Claude François ne l’a-t-il pas répudiée, jaloux, le soir même de sa victoire à l’Eurovision ? Jusqu’à la découverte tardive, par France, du double sens des Sucettes que Gainsbourg lui fit perversement avaler au point de la traumatiser, dira-t-elle, « changer [son] rapport aux garçons. »

Cette première carrière n’a pourtant rien de déshonorant.

« France, jugera Françoise Hardy, a toujours eu beaucoup de goût et a su choisir ses chansons, y compris celles des débuts qu’elle n’aimait plus. »

Sauf qu’une traversée du désert l’attend, en même temps qu’elle s’installe à la campagne avec Julien Clerc. Jusqu’au coup de cœur éprouvé à l’écoute, en 1973, d’une chanson de Michel Berger. L’osmose professionnelle, concrétisée par « La déclaration d’amour » ; devient vite sentimentale. Ils se marient en juin 1976, l’été de leur duo « Ça balance pas mal à Paris », alors que Michel offre à sa muse les pépites pop, profondes et légères : « Musique », Si maman si », « Viens je t’emmène ».

« France avait des facultés vocales et rythmiques, analysera Alain Chamfort. Elle swinguait et savait faire tourner des mélodies comme les jazzmen. Michel avait cette volonté que les mots rebondissent et n’altèrent pas la musique. Il avait trouvé son interprète ; elle, son moteur. »

On retrouve cette complémentarité dans leur vie privée : lui, mélancolique, détaché du quotidien ; France, que ses proches appellent Babou, les pieds sur terre, aimant les soirées entre copains. « Ce petit bout de femme pouvait être dirigiste, pointera Fabienne Thibault. « Très drôle, elle était aussi, parfois, difficile à cerner et se repliait sur elle-même. »

Des drames en sont la cause. Parents en 1978 de Pauline et, trois ans plus tard, de Raphaël, le couple apprend, en 1982, que leur fille est atteinte de mucoviscidose. Désormais, rien ne sera comme avant. Même si la décennie, entre actions humanitaires et concerts à guichets fermés, leur appartient, France inspire à Michel une tonalité plus sombre et engagée, de « Résiste » à « Diego, libre dans sa tête », de « Ella, elle l’a » à « Évidemment ».

Après l’album Babacar (1 million d’exemplaires écoulés), France se retire pour s’occuper de Pauline et traverse, avec Michel, une période délicate que semble clore leur album-duo, « Double Jeu ». Lequel précède de quelques mois, en 1992, la disparition de Berger. Dévastée, mais battante, la chanteuse affronte un premier cancer du sein avant de remonter sur scène. Jusqu’à la mort, en 1997, de Pauline. « Ce n’est pas le bonheur qui nous fait évoluer, déclarait-elle en 2001, mais ces choses incroyables qu’on nous donne à surmonter. »

Auprès de son ultime compagnon, le musicien Bruck Dawit, et de son fils Raphaël, France aura passé ses dernières années à valoriser l’héritage de Berger. Mais sans rechercher la lumière dont elle affirmait « ne pas avoir besoin pour être heureuse ». Quant à la postérité, disait-elle, « cela m’indiffère totalement. »

Il est probable toutefois que l’on se souvienne de sa voix unique et qu’après elle « on rit encore, pour des bêtises, comme des enfants ». Mais pas comme avant …


France Gall, elle les a tant inspirés …

Avant de rejoindre son paradis blanc, notre poupée de cire fut l’amie, l’amour et souvent la muse de quelques hommes qui comptèrent pour elle.

Serge Gainsbourg

En 1964, France Gall explose avec Ne sois pas si bête et Sacré Charlemagne, succès au hit-parade mais comptines un poil nunuches. Gainsbourg le coquin décide de détourner la candeur marketing de la nymphette et lui écrit « N’écoute pas les idoles », texte ambigu sur les lolitas. Il reprendra cette fausse ingénuité avec « « Poupée de cire, poupée de son et surtout dans « Les Sucettes », récit à double sens que France Gall prétendra n’avoir pas compris. Elle prendra ses distances avec le compositeur … qui lui écrira malgré tout quelques chansons jusqu’en 1972.

Claude François

Elle a 17 ans, la star yé-yé en a huit de plus. Double dose d’interdit : elle est mineure, il est marié ! Les voilà amants de l’ombre mais Clodo lui mène la vie dure, d’autant qu’il est jaloux de son succès. Ce soir du 20 mars 1965, quand France reçoit le prix de l’Eurovision, elle ne pleure pas des larmes de joie mais de chagrin car le chanteur malheureux vient de la plaquer au téléphone. Vaguement rabibochés, ils se quittent pour de bon en 1967. Clodo hurle la douleur de cette séparation qui lui donne l’idée d’une chanson appelée à devenir le hit que l’on sait : « Comme d’habitude ».

Julien Clerc

Deux ans après Cloclo, France craque pour un chanteur de son âge au look hippie, qu’elle rencontre dans les coulisses de la comédie musicale « Hair ». Julien est en pleine gloire, ce que vit assez mal une France Gall alors aux creux de la vague. En 1974, elle quitte son amoureux à qui son chagrin inspire « Souffrir par toi n’est pas souffrir ». Il espère son retour mais un autre a déjà investi le cœur de la demoiselle.

Michel Berger

A-t-il été son Pygmalion après avoir été son sauveur, à une époque où la chanteuse doutait de sa longévité ? En 1973, elle a un coup de foudre pour lui, d’abord musical lorsqu’elle entend Berger chanter « Attends-moi ». « J’aurai ce mec et j’aurai ses chansons », aurait-elle dit, selon le biographe Alain Wodrascka.

Il la remet en selle avec « La déclaration d’amour », puis les sentiments s’en mêlent. Suivront presque vingt ans d’amour, deux enfants et des tubes à n’en plus finir, jusqu’à la mort du chanteur en 1992.

Coluche

L’homme à la salopette était d’abord l’ami de Michel Berger qui l’invitera à chanter avec lui un tube créé par France en 1977, « Si maman, si ». C’était en novembre 1980, dans une émission des Carpentier. Coluche deviendra du même coup un proche de la chanteuse qui soutiendra son action humanitaire en venant chanter pour les Restos du cœur dans « Les Enfoirés chantent Starmania » en février 1993, aux côtés de Goldman, Bruel, Dutronc et les autres.

Daniel Balavoine

 L’ami, le frère, le compagnon des combats. Il jouait son amoureux en 1979 dans Starmania ; et il est vite devenu un proche, un double, notamment dans leur combat commun pour les peuples africains en détresse. En 1986, sa mort lui arrache le cœur. La douleur comme muse : Elle demandera à Berger de lui écrire un hommage à Balavoine.

Ce sera « Évidemment », en 1988.

Bruck Dawit

En 1995, elle rencontre cet ingénieur du son qui s’est illustré auprès de Sting, Prince, les Rolling Stones … Devenu son compagnon, il écrira avec et pour elle « Résiste », la comédie musicale hommage à Michel Berger.


L’hommage des stars

Dès l’annonce de sa disparition, une pluie de témoignages rendait hommage à France Gall. En voici quelques-uns.

Julien Clerc

« France, nous avions vingt ans, des bonheurs, des chagrins. Une part de ma vie s’en va avec toi. Julien »

David Hallyday

« Quelle fin et début d’année difficile ! Je ne repenserai jamais assez à ces moments passés avec toi, France, cette belle rencontre artistique. Quelle belle personne tu as été, nos conversations sur la vie en général, sur la musique … merci ! Mes condoléances à la famille, en vous souhaitant beaucoup de courage et beaucoup d’amour. »

Louane

« Une très grande artiste s’en va. Sûrement France Gall est-elle heureuse de retrouver Michel Berger au paradis blanc. Ils nous laissent tellement de chansons éternelles, tellement que j’aime et cette « Fille de Shannon » pour toujours dans mon cœur. »

Elton John

« Très triste d’apprendre le décès de France Gall. C’était une chanteuse et une femme incroyables. Ce fut une joie d’avoir collaboré avec elle. RIP. »

Nagui

« Quelle tristesse de perdre France Gall, sa voix, son talent, son rire, ses yeux brillants. Ayons une pensée pour son fils Raphaël »

Sylvie Vartan

« France Gall était une grande artiste. Sa disparition est une immense tristesse pour tous. Je pense bien sûr à son fils et à sa famille auxquels je présente toutes mes condoléances »

Amir

« Ton cœur est gravé dans tes chansons … pour l’éternité. Adieu poupée de cire. »

Laetitia Millot

Aucune déclaration n’est assez forte pour exprimer mon émotion. Comme beaucoup France Gall a bercé mon enfance. Merci pour cet héritage musical extraordinaire »

Magazine : Télé Star
Par Olivier Rajchman et Olivier Petit
Date : du 20 au 26 janvier 2018
Numéro : 2155

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