Enregistrer un disque ! Pouvoir entendre sa voix à partir d’un petit cercle de vinylite noire et, peut-être, devenir une vedette ! …
Le rêve, pour beaucoup, le plus extraordinaire , pour d’autres, une déjà solide réalité , pour certains encore, ceux qui débutent (France Gall, Michele Torr, Audrey, Monty, par exemple), le tout premier stade d’une expérience bizarre et fantastique : l’apprentissage du métier de chanteur.
Un disque, vous savez ce que c’est – une pochette, des sillons, une étiquette, de la musique , mais vous êtes-vous demandé comment tout cela fut fait ? Par quelles étapes on dut passer d’abord, avant que l’objet fini ne parvint, tout, frais, tour neuf, sur le plateau de votre électrophone ? Pour répondre a ces questions, Guy Abitan a suivi pas à pas France Gall, pendant une vingtaine de jours, à la veille de la publication de son premier enregistrement : “Ne sois pas si bête”.
1/ France Gall est née à Paris, le 9 octobre 1947. Le jour de ses seize ans, Robert Gall, son père, lui offre une guitare. “Puisque tu chantes tout le temps, lui dit-il, cet instrument te permettra de t’accompagner ; tu auras l’air d’être une vraie chanteuse, ainsi !
2/ France apprit bientôt par cœur toutes les chansons de Françoise Hardy et de Sylvie, et suivit les leçons de la méthode de guitare de Mickey Baker. Bientôt, elle fut prête et fit à ses parents l’aveu suivant : “J’ai décidé d’essayer d’enregistrer un disque. “Tu es folle !” répliqua Mme Gall. “Je connais un éditeur, dit M. Gall. Tu pourrais aller le voir de ma part …
3/ C’est un jeudi matin, à onze heures, que France fit la connaissance de ses futurs “patrons” et grands amis, Brigitte Berthollier et Denis Bourgeois. Elle, s’occuperait d’accompagner France partout, lors des reportages qu’elle aurait à faire, des émissions de radio ou de télévision auxquelles elle se trouverait invitée ; lui, deviendrait tout à la fois son directeur artistique, son imprésario, son conseiller … France leur plut, comme eux lui plurent dès cette première visite, ils lui remirent quatre chansons, qu’elle aurait à apprendre rapidement. Toutes ne furent pas ensuite enregistrées; mais France emportait déjà … “Ne sois pas si bête”.
4 Rendez-vous avait été précisé pour la semaine suivante, chez Philips (où l’on projetait de faire une brève séance d’essai en studio, afin de pouvoir “tester” la voix de France). La jeune fille arriva à l’heure. “L’exactitude est ma loi” dit-elle parfois.
5/ L’essai avait été favorable : la maison de disques décidait de compter France Gall au nombre de ses poulains. Ce fut alors un mois de travail soigneux, de répétitions. France apprit jusque dans le plus apprit jusque dans le plus léger détail les phrases de ses chansons. Enfin, arriva le jour de la séance d’enregistrement.
6/ N’est-ce pas impressionnant, la première fois, de se trouver soudain devant un petit microphone ovale, tandis qu’en face de vous, dans la cabine située de l’autre côté de la verrière, s’agitent le preneur de son, l’éditeur, le directeur artistique, les assistants-techniciens ? Souvent, il faut refaire, refaire encore l’enregistrement, jusqu’à ce qu’aient disparu (autant qu’il est possible) tous les défauts. Et il n’est pas rare qu’une séance commencée à deux heures de l’après-midi ne s’achève, parfois, qu’au beau milieu de la nuit. Ou même le matin.
7/ La bande magnétique est prête, le disque doit paraître dans une dizaine de jours. France pose devant un photographe, et, ensuite, on choisira la meilleure photo, la plus amusante : ainsi naîtra sa première pochette.
8/ France est ensuite convoquée aux laboratoires où l’on doit procéder à la gravure, puis au pressage de son disque. Le plateau de gravure est un lourd et vaste cercle de métal gris clair, creusé d’une multitude de trous, qui sont de petits aspirateurs destinés à y faire bien adhérer la vinylite. A mesure que, sur un magnétophone de format “professionnel”, c’est-à-dire énorme, la bande magnétique se déroule, le plateau gris tourne, une aiguille inscrit sur un disque épais, de large diamètre, les sillons qui, reproduits au pressage, permettront de composer l’objet final. “Ce jour-là, dit France, j’ai écouté quarante fois mes chansons”.
9/ Le lendemain, le disque définitif sort de la presse : étiquette collée, frange de vinylite bien rognée, il est prêt à être vendu. Il faut que France aille le faire écouter aux programmateurs de radio. Inquiète, la voici qui arrive à “Europe n° 1” : “Pourvu qu’on ne le trouve …. pas trop mauvais !” se dit-elle. On le trouvera, bon, huit jours plus tard, grâce à “Ne sois pas si bête”, France n’aura-t-elle pas gagné ?
10/ Mais un premier disque, ce n’est pas le bout du monde. Ce qui compte, c’est toujours ce qui va se passer, ce qu’on va pouvoir réaliser après; France Gall a déjà conscience de ce problème : dès la sortie de son disque, elle entreprit d’écouter beaucoup, beaucoup de chansons nouvelles, afin d’essayer de trouver ses prochains titres. Son frère lui conseilla de retenir : “N’écoute pas les idoles” ; ce fut un choix parfait …
Magazine : Salut les copains
Date : Mai 1964
Numéro : 22