France Gall : La belle leçon de courage (Presse) France-Soir

Malgré son opération d’une tumeur au sein, elle continuait à préparer Bercy. Aujourd’hui, à bout de forces, elle renonce. Mais, promis, elle reviendra en septembre.

Elle n’annule pas son spectacle à Bercy, elle le reporte. Une nuance d’importance pour France Gall qui ne baisse jamais les bras, que ce soit après une traversée du désert, après la disparition de Michel Berger et maintenant, à l’annonce d’une très mauvaise nouvelle médicale.

France l’a révélé hier. Le 22 avril dernier, elle a subi une intervention chirurgicale dans un hôpital parisien. L’ablation d’une tumeur du sein. Durant deux mois, elle doit suivre un traitement de radiothérapie qui devrait assurer sa guérison. France, là encore, croyait pouvoir faire face à toutes ces difficultés. Mais ce traitement lui demande finalement plus d’énergie qu’elle n’aurait pu le croire. Car la belle blonde voulait continuer … Ne plus y penser.

Il y a moins d’une semaine, elle se démenait sur la scène du Théâtre de Paris sur l’air de « Mlle Chang », un titre du répertoire de Michel Berger qu’elle enregistrait pour le sortir le lendemain même, soit vendredi dernier.

Mince dans un caleçon long noir et un grand pull blanc, elle montrait une énergie féroce et riait à la moindre blague : « J’adore travailler entre copains, nous disait-elle alors. Ce disque est un petit événement. Il représente bien ce que sera mon spectacle le mois prochain. »

Aujourd’hui, si elle décide de s’arrêter jusqu’en septembre, de se reposer loin de Paris, au calme et au vert, ce n’est pas de gaieté de cœur mais parce que, parfois, il faut être raisonnable pour mieux vivre le futur. « Les répétitions du spectacle l’ont fatiguée, confie une amie proche de la chanteuse, et c’est la raison unique pour laquelle elle doit reporter le spectacle de juin. »

« Avant-hier, les médecins lui ont conseillé de se reposer durant trois mois et de se refaire une santé. Mais elle est en forme et elle a un moral d’acier. »

Jusque-là France a toujours su se relever de tout : même du passage de la quarantaine difficile, une période où elle ne savait plus que faire. La scène, la musique, plus rien ne lui plaisait. Il n’y avait que l’Afrique pour l’apaiser, un pays où elle passait de longues périodes pour faire le point sur sa vie, sur son passé. Puis il y eut ce disque à deux voix, ce « Double jeu » avec son époux-compositeur, un disque qui a su lui redonner l’envie de revenir prendre ses marques derrière un micro : « Si j’ai voulu recommencer, confiait-elle en juin 92, lors de la sortie de cet album commun, c’est parce que j’ai vraiment envie qu’on me donne de l’amour. Parce que cela me manquait. »

Le départ de Michel Berger pour son « Paradis blanc », le 2 août dernier, aura malheureusement mis un terme à cette magnifique aventure. Mais « le petit caporal », comme la surnommait son père, avait encore su rester debout. Et plus que tout, elle ferait cette scène : « Aujourd’hui, j’éprouve moins le besoin de tout cacher, avouait-elle récemment, j’ai l’impression très nette d’ouvrir les portes.

Depuis quelques mois, elle répétait ce spectacle prévu pour deux, qu’elle voulait assurer seule, avant de faire ces examens médicaux qui lui demandèrent une hospitalisation : « Il n’y a aucune prédisposition familiale, poursuit son amie, pas d’antécédent dans sa famille, il y a un an, elle n’avait rien. Les médecins pensent que le mal a été provoqué par un choc qu’elle a subi il y a huit mois avec la disparition de Michel Berger. Comme si son chagrin s’était concrétisé par cette tumeur. Mais il n’y a rien d’alarmant, d’ailleurs nous avons repris des dates pour son spectacle. Ce sera en septembre et elle y sera.

Un spectacle pour lequel elle avait annulé toutes ses émissions de promotion télé afin d’être prête pour sauter dans l’arène de Bercy dès le 1er juin. Qu’à cela ne tienne, elle se prépare à reprendre les rênes dès le mois d’août pour de nouvelles répétitions. Un mois d’été qu’elle attend avec impatience car, ces derniers temps, elle aurait tout donné pour sentir les planches sous ses pieds. Valérie Domain


« Je suis toujours obligée de me bagarrer pour n’en faire qu’à ma tête ! », nous confiait encore France Gall la battante.

Pas du genre qui désarme, ce petit bout de femme qui a toujours mené de front sa vie d’artiste et de mère de famille, souvent au triple galop, mais avec un sens inné de l’harmonie. Pas du style qui s’étiole, cette passionnée, dont le seul but avec ses concerts est de continuer à faire vivre Michel Berger. Et d’y puiser une autre raison de vivre. Mais elle a présumé de ses forces en imaginant pouvoir concilier rayons X, promo, répètes, tout en gardant un œil aiguisé sur les moindres détails de mise en scène, son, lumières et autres artilleries de ses concerts.

Action

Même entre deux scènes ou deux enregistrements, France Gall est toujours en action. C’est ce qu’elle appelle sa « période de travail obscur ». Toujours un album live à mixer, un tournage de concert à monter, une émission de télé à préparer.

Que ce soit sur les dons d’organes ou sur la lutte pour l’eau potable en Afrique (son grand cheval de bataille à l’époque de Balavoine, action qu’elle prolongea avec Michel Berger), France, c’est plus fort qu’elle, a besoin de faire avancer les choses. A présent que Michel n’est plus là, elle est sur tous les fronts dans le monde où « Starmania », le spectacle musical de Berger-Plamondon, fait des petits.

La force de France, en fait, c’est d’être douée pour le bonheur. « C’est simple, pour moi, la vie représentant 90 % de soucis et 10 % de joie, la mise au monde d’un spectacle c’est le vrai moment de récré, déclarait-elle malicieuse, juste avant son Zénith de 1987. Mais 10 % de joie, ça n’est pas rien, quand on les dresse en montagne », précisait-elle aussi sec.

« C’est très important de vivre à fond chaque instant fort. C’est bon, aussi, après l’excitation de la scène, le contrepoint avec le marché, la cuisine, les grandes tables d’amis … Le bien-être, ça rejaillit sur l’entourage et je veux que Pauline et Raphaël (neuf et six ans, à l’époque) soient aussi heureux que moi, petite fille, quand je partais en roulotte avec toute ma famille. »

Rêveur

Et lorsqu’on l’interrogeait sur Michel : était-il aussi doué qu’elle pour le bonheur ? Elle éclatait de rire : « Michel ? En dehors de sa création, c’est un rêveur. Partout où il se trouve, il a toujours l’air d’être de passage. Lorsque je l’ai connu, il vivait dans un studio avec un vieux canapé marron, un frigo vide, mais un superbe piano blanc qui occupait tout l’espace. Heureusement que, côté pratique, c’est moi qui mène le jeu ! »

Le jeu, elle l’a toujours mené avec talent. Même à l’époque des « Sucettes à l’anis » et de « Poupée de cire, poupée de son », de Gainsbourg, où sa voix de sucre Candy et sa silhouette yéyé BCBG lui firent remporter à dix-sept ans le prix de l’Eurovision 65. Après la victoire, elle s’était retrouvée seule à Naples dans le grand appartement où ses frères, victimes d’un accident sans gravité, n’avaient pu la rejoindre.

« C’est fou, on n’a pas l’impression, comme ça, mais à l’époque, déjà, je n’arrêtais pas. J’avais enregistré une vingtaine de disques en allemand et sans accent. A tel point qu’on finissait là-bas par croire que j’étais de chez eux. »

Enfants

Sacrée par ce « Sacré Charlemagne », l’ex-Lolita devenue une maman responsable et une chanteuse qu’on adore n’a rien perdu de son sourire qui fleure encore la cour de récré, même si le doux brin de ses yeux se voile bien souvent d’une tonalité grave. Une chose est sûre, tant qu’il y aura des enfants – pas seulement les siens – autour d’elle et dans le monde, tant qu’il y aura de la musique – celle de Michel bien sûr, mais aussi le jazz dont elle raffole – France Gall irradiera partout avec ce même appétit de vivre qu’elle a toujours affiché.

« C’est parce que j’adore les enfants que j’ai imaginé cette scène ovale, légèrement inclinée et surmontée d’une passerelle en contrechamp, expliqua-t-elle lors de son dernier spectacle au Zénith. Comme ça « la meute » pourra m’entourer complètement. » Monique Prevot

Journal Le Figaro
Par Valérie Domain et Monique Prevot
12 mai 1993
Numéro : 15 163

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