France Gall se livre dans une émouvante confession (presse) Télé Loisirs

Il y a eu les bonheurs, les succès et les malheurs, hélas ! trop nombreux, mais aujourd’hui, derrière la chanteuse, c’est enfin la femme qu’elle révèle …

« Le 9 octobre prochain, j’aurai cinquante-quatre ans », dit-elle un rien agacée en fronçant son nez, avant de laisser éclater son rire cristallin.

On a bien du mal à le croire. Et ce ne sont pas seulement ses baskets noire et blanche et ses fossettes au creux des joues qui lui confèrent cette aura juvénile. Non, derrière les apparences, l’impression est bien plus ancrée que ça. En fait, il émane de France Gall une spontanéité qui d’ordinaire se censure avec l’âge adulte. Quand elle veut quelque chose, en général elle le fait ; quand elle pense quelque chose, en général elle le dit. Sans s’encombrer de formules de politesse inutiles, elle fonce droit vers la vérité. Elle qui, depuis l’âge de seize ans, évolue dans cet univers artistique où les paillettes et l’illusion font office de religion, cherche, paradoxalement, à se rapprocher le plus près de l’authentique.

« Si je parle lentement, dite le, c’est parce que je cherche toujours le mot juste. Celui qui exprimera au plus près ma pensée. »

Elle ne triche pas et sait être la même, dans la vie de tous les jours, avec ses amis comme devant les caméras d’Éric Gueret qui a réalisé ce portrait, peu ordinaire, diffusé, coïncidence, ce 9 octobre précisément sur France 3. Ainsi, après quatre années de discrétion absolue, nécessaires à sa reconstruction après la disparition de sa fille de dix-neuf ans, Pauline, elle s’est laissé tenter par cette émouvante introspection. Beaucoup d’artistes auraient été flattés qu’on leur consacre près de deux heures d’antenne, pas France : « Personne ne m’avait encore proposé un tel projet, raconte-t-elle lovée dans son canapé blanc, et c’était très confortable au fond. Parce qu’une fois que vous avez dit oui, il s’agit vraiment d’aller au plus profond de soi et cela ne se fait pas sans se mettre en danger. » Mais, « pour mille raisons », en juin 2000, après quinze jours d’hésitation, elle a dit oui. Mieux, elle s’est impliquée dans cette aventure nuit et jour pendant près d’un an. Confiant ses albums photo et ses films seize millimètres personnels. Plongeant dans ses souvenirs les plus lointains, les plus sombres comme les plus joyeux. Ouvrant surtout son cœur en grand.

« Avant de commencer le tournage, j’ai montré au producteur, Olivier Amiot, une photo que j’avais découpée dans un magazine. On y voyait un homme allongé, les bras en croix sous un microscope géant. Voilà comment je concevais de faire ce portrait. En ne cachant rien de moi. »

Alors, forcément, on s’étonne. Elle, jusqu’alors si discrète, au point, des années durant, de toujours refuser que soit exposée en public sa vie de famille, pourquoi soudain soulever le voile ? Pourquoi nous offrir ces merveilleuses images d’un bonheur flagrant, tandis qu’elle et Michel Berger se roulent dans l’herbe, insouciants et tellement amoureux ? Pourquoi, lors d’un récent voyage à Dakar, nous faire pénétrer dans cette maison qu’elle a conçue de toutes pièces ? Pourquoi évoquer ses débuts et la difficulté qu’elle eut, adolescente, à exercer ce métier qu’elle n’avait pas encore appris à aimer ? France sourit, elle s’attendait à cette question, bien sûr. « J’ai un vrai sens du devoir envers le public. C’est ma façon à moi de lui donner de mes nouvelles. Au lieu de faire un spectacle, j’ai tourné cette émission. Au 18e siècle, j’aurais probablement écrit un livre ! »

Elle allume une cigarette, fait une pause dans cette maison calme. Jimmy, le chat, vient la distraire un instant, puis elle reprend : « Les gens ne me connaissent et c’est tout ce qu’il y a de plus normal. Jusqu’à présent, je n’ai accepté de montrer que la chanteuse. Aujourd’hui, c’est la femme que je dévoile. » Une femme si gracile qui, malgré ou plutôt à cause des épreuves que la vie lui a fait traverser, est aujourd’hui remplie de force. « Plus rien ne me fait peur », confesse-t-elle.

Et après qu’elle nous a offert cette incroyable leçon de vie, on se prend presque à l’envier, à l’admirer, en tout cas, d’avoir su trouver le chemin de la sagesse. En nous raccompagnant, dans l’entrée de cet appartement où elle vit depuis plus de quinze ans et dont elle a fait taguer de couleurs multicolores les murs par un jeune grapheur, elle glisse une dernière confidence : « Ce portrait, c’est comme s’il fallait que je le fasse, pour pouvoir, ensuite, aller de l’avant. Même si je n’ai pas encore de projet. Je vis au jour le jour. Ce que je sais, c’est que je vais bien et que j’ai des envies de faire, ça me suffit. »

Et paraphrasant des paroles que Michel Berger lui avait écrites dans sa chanson « Papillon de nuit », elle ajoute :

« Ce qui compte, c’est d’avoir envie … »

Et, elle rit.

Magazine : Télé Loisirs
Par Véronick Dokan
Photos (certaines) Thierry Boccon-Gibod
Du 6 au 12 octobre 2001
Numéro : 814

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