France Gall, rythme et malice (Presse)

L’article retranscrit

On avait crié à tue-tête ” Haro sur le Yé-yé”. Maintenant que la vague a perdu sa violence, on devient moins formel et l’on dresse un bilan : il nous a apporté de bonnes choses, cet ouragan de chansonnettes. De très bonnes mêmes. Dont une délicieuse jeune fille prénommée France …

Depuis mes premiers pas, je rêvais de faire quelque chose de peu banal. Entreprendre ce que tout le monde ne peut pas faire. Avoir une vie passionnante, quoi … Je n’aurais sans doute pas été chanteuse, malgré tout, si je n’avais pas eu du monde autour de moi pour m’épauler. Mais j’avais tout pour m’aider dans cette carrière : toute petite, j’allais dans les coulisses écouter mon père, Robert Gall, chanter. Maintenant, il est auteur de chansons. J’ai toujours baigné dans l’atmosphère du spectacle.

Lorsque, en 1963, France redouble sa troisième au lycée Paul-Valéry, elle a deux excuses valables : elle déteste les mathématiques (alors qu’elle est bonne élève en français et en langues étrangères) et, depuis déjà quelques mois, elle passe une bonne partie de son temps à enregistrer sa voix au magnétophone. Papa a déjà fait écouter les bandes à des collègues, et ils ont été unanimes :  La petite France, il faut la faire chanter … « Les choses sérieuses commencent très exactement le 11 juillet 1963. Présentée par Jacques Datin (compositeur-ami-de-papa), à M. Denis Bourgeois, directeur des Éditions Bagatelle, France subit un « essai de voix ». A Bagatelle, on ne s’était jamais occupé de jeunes chanteurs, mais on décide tout de suite de faire exception à la règle, bien persuadés qu’avec ses cheveux blonds, ses yeux verts et sa voix de collégienne, la fille de Robert Gall peut amener la fortune.

Le premier 45 tours sort en décembre. Titre vedette : Ne sois pas si bête. Démarrage excellent. Peu de temps après, deuxième disque : N’écoute pas les idoles, les Rubans et la Fleur. Le succès devient foudroyant avec le troisième 45 tours : Jazz à gogo, qui révèle à quel point France peut être excellente dans cette spécialité, aidée d’ailleurs par le fait que son accompagnateur, Alain Goraguer, est un excellent jazzman ; Mes premières vraies vacances, Soyons sages, et une chanson qui est une petite merveille de jeunesse et de gentillesse : la Cloche. Une chanson qui colle à sa voix, à sa personnalité.

Ceux qui mènent la carrière de France Gall sont vraiment des maîtres du métier. Le public vient à peine de déguster ce disque qu’on en sort un autre. Du rythme, encore : Laisse tomber les filles, On t’avait prévenue. Mais surtout une chanson douce et nostalgique qui va définitivement conquérir ceux qui ont passé l’âge de « balancer » en tapant dans les mains : Christiansen.

On n’en restera pas là, d’ailleurs. Quelques semaines après, c’est la sortie d’une chanson qui aurait pu ne faire que trois petits tours et disparaître dans la grande nuit des banalités : Sacré Charlemagne. Je n’hésite pourtant pas à dire que cette chanson-bébé (dixit France), gonflée de rythme, interprétée avec gentillesse et malice, est une des meilleures produites en France durant ces derniers mois.

BERTRAND PEYREGNE : Comment voyez-vous votre carrière, dans dix ans, dans vingt ans ?

FRANCE GALL : On m’a souvent posé cette question, et elle m’embarrasse toujours beaucoup. Parce que, justement, je ne me vois pas du tout telle que je serai dans quelques années. Peut-être que dans dix ans je serai mariée, j’aurai des enfants. Je le souhaite fermement, parce qu’après cette vie mouvementée, ce sera précieux de trouver le calme d’un foyer.

BERTRAND PEYREGNE : Vous resterez chanteuse, si vous vous mariez ?

FRANCE GALL : Non, absolument pas.

BERTRAND PEYREGNE : Vous pensez que ce sera possible d’abandonner d’un seul coup la scène, le succès ?

FRANCE GALL : Oui. Pas tout de suite, bien sûr. Mais je sais que pour moi ce sera possible : ce que je fais actuellement, c’est une passion, mais je veux un mari et des enfants, et je tiens à élever ceux-ci normalement.

BERTRAND PEYREGNE : Vous vous marierez avec un chanteur ?

FRANCE GALL : Oh ! pas du tout. Peut-être avec quelqu’un de ce métier quand même, parce que je l’aime beaucoup. Et puis, on arrive ainsi peut-être à se comprendre mieux …

BERTRAND PEYREGNE : Qui choisit vos chansons ?

FRANCE GALL : M. Denis Bourgeois, papa et moi. Beaucoup de mes chansons ont d’ailleurs été écrites par mon père. Le choix fait, Alain Goraguer me donne une bande magnétique avec l’accompagnement, et je travaille dessus, jusqu’à deux ou trois heures chaque jour.

BERTRAND PEYREGNE : Que faites-vous, à vos rares moments de loisirs ?

FRANCE GALL : J’aime faire du sport, aller au cinéma, jouer de la musique (piano, guitare et batterie), faire la cuisine (spécialité : gâteau au chocolat), et, surtout, retrouver mes amies de classe d’autrefois. Une, surtout. Elle s’appelle Catherine. Elle a 16 ans. Nous sommes les meilleures amies du monde.

BERTRAND PEYREGNE : Le fait que vous soyez une vedette, maintenant, ne change rien à cela ?

FRANCE GALL : Non, au contraire. Parce que, à cause des galas, des tournées, etc., nous nous voyons beaucoup mains souvent. Alors, à chaque retrouvailles, c’est encore plus agréable !

Merci de cela aussi, France Gall. De nous avoir prouvé que l’on peut être une grande jeune vedette et ne pas jouer les monstres sacrés …

Magazine : HELLO
Propos de Bertrand Peyregne
Mensuel du 15 mars 1965
Numéro : 28

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