France, l’étoile du Berger (Presse)

L’article retranscrit

Michel Berger et France Gall ne se quittent pratiquement plus. Ensemble, ils ont filé à l’anglaise… à Londres. Est-ce la naissance d’une idylle ? C’est surtout la naissance d’un disque …

Londres sous la pluie, c’est normal. Un studio anglais plein de musiciens anglais de qualité, c’est normal aussi.

Mais le même studio pris d’assaut par trois Français aux idées bien arrêtées, c’est plus inha­bituel. Les personnages ? Michel Berger, France Gall, Michel Bernholc.

Le premier dirigeant les deux autres et leur insufflant son talent d’auteur-compositeur à la fois riche, écorché et profondément roman­tique, Michel, dont le dernier 30 cm était un petit chef-d’œuvre, ne se contente pas d’interpréter ce qu’il a au fond du cœur. Il crée pour les autres, et depuis qu’il a rencontré France Gall, est née entre eux une belle idylle musicale.

La voix de France, longtemps inemployée (ou mal employée), a trouvé à s’exprimer avec « La déclaration». Aujour­d’hui, cela va beaucoup plus loin. A quelle alchimie se livrent-ils dans ce studio perdu de la banlieue de Londres où l’on risque à chaque instant de croiser Rod Stewart, Cat Stevens ou Paul McCartney ? Ce serait simplifier à l’excès de dire qu’ils font un disque. Michel Berger, en effet, a écrit une véritable histoire à partir d’un fait divers qui a boule­versé, voici quelques mois, toute l’Amérique : l’enlèvement de Patricia Hearst, la fille du milliardaire William Randolph Hearst, magnat de la presse américaine. Inspiré par cette tragédie « de notre temps », Michel a créé – textes et musiques – une série de chan­sons reliées les unes aux autres, où son héroïne (qui s’appellera Ange­lina Dumas), pour lutter contre le système bourgeois dont elle est le fruit, acceptera d’assumer des sentiments amoureux vis-à-vis de l’un de ses ravisseurs. Dans ce disque-choc, Michel et France se don­neront la réplique, et la richesse musicale (et vocale) de l’ensemble devrait être tout à fait originale.

France, dont la voix très typée et la large tessiture sont indiscutables, semble enthou­siasmée par cet album, dont il sera extrait un 45 t interprété par elle et un autre interprété par Michel. Alors, voilà pourquoi France et Michel ont filé à l’anglaise. Ici, à Londres, où tout est possible grâce à un preneur de son génialement fou (Mike Bobak) et des musiciens aussi précis que talentueux, est en train de naître une œuvre au sens le plus classique du mot. Troi­sième larron : Michel Bernholc. C’est l’arrangeur de Michel. Et aussi son confident (musical), son ombre, son ami, son double. Ils ont toujours tra­vaillé ensemble. Ils se comprennent sans parler. Ils parlent le même lan­gage, celui de la musique. Bernholc est allé travailler à Los Angeles. N’ayant pas de piano dans sa chambre d’hôtel, il écrivait ses arrangements en pianotant sur une table ! Michel, lui, ne crée que dans l’angoisse. Dans le taxi qui l’emmène au studio, il écrit, rature, écrit de nouveau. Il fignole les mots et les phrases. Il ne supporte rien, excepté la perfection. France vocalise doucement, en regar­dant les rues mouillées. Il y a identité parfaite entre la fraîcheur de son visage et celle de sa voix. Aujourd’hui, deux nouveaux compères sont arrivés de Paris pour faire les chœurs : Ber­nard llous et Gregory Ken. Tous deux sont très connus dans le show biz français. Vingt instrumentistes à cordes – anglais – sont prêts, devant leurs pupitres. Michel (Bernholc) a écrit pour eux une partition violente en forme de rifts. Ces cordes sonne­ront comme des cuivres. C’est ce qu’a voulu Michel (Berger). Derrière la vitre, Mike Bobàk, bien défoncé, se bagarre en toute sérénité avec vingt-quatre pistes, quarante-huit vu­-mètres, quatre magnétos géants et trois cent quatre-vingt-douze cur­seurs. Dehors, il ne pleut plus. La nuit tombe. La lumière rouge est mise. La chanson, en rythme médium, que va interpréter France, commence ainsi : « Le bonheur est là qui vient et qui s’en va … »

Magazine : Salut les copains
Date : Novembre 1974
Numéro : 147

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