Retour vers le Zénith (Presse)

L’article retranscrit

1987 France Gall Presse France Gall retour vers le Zénith Cool N° 35 005

Elle a décidé de faire rêver avec des mots simples, des sentiments vrais, parce que la chanson n’est pas forcément futile, elle trimballe, via la musique ses idées, ses coups de cœur et ses révoltes.

En fin psychologue, le couple Michel Berger / France Gall s’est calqué sur le langage d’une génération teenager.

Mêmes préoccupations, mêmes angoisses face à la vie, mêmes refus des intolérances, ils sont à l’unisson de leur public. Chansons Intelligentes plutôt qu’engagées, elles sont pour son interprète : « Des chansons d’expressions qui reflètent ce que l’on a en soi. Les chanteurs sont des peintres de leur époque et moi je n’ai pas envie de faire des disques de distractions. »

Le message est passé cinq sur cinq, et depuis quelques galettes vinyliques France fait coïncider ses disques avec ses états d’âme, ses expériences. La Plus belle preuve en est sans doute le titre « Babacar » et sa petite histoire que tout le monde, ou presque connait aujourd’hui : « J’ai connu Fatou en 1986 à /’occasion d’un voyage pour Action École qui lutte contre la sécheresse dans le Sahel. Je lui ai dit que son bébé était beau. Elle a voulu me le donner … » Face à cet acte émouvant France et Michel ont choisi de s’occuper à distance de Babacar et de sa mère. Sauvés des problèmes de pauvreté, ils sont aujourd’hui à Dakar dans un appartement décent. France réalise à présent que « me donner cet enfant était un acte d’amour. Ç’en était un aussi de le refuser. »

De ses voyages en Afrique, le couple d’artistes n’en a pas retiré que de l’inspiration. Autre regard sur une autre vie. Incroyable réalité. Envie de faire quelque chose. « La dignité et la beauté de ces gens qui chaque jour se demandent ce qu’ils vont manger sont une belle leçon pour nous autres privilégiés … Depuis mon retour je regarde l’eau qui coule d’un robinet avec une conscience différente. Chaque goutte est si précieuse là-bas. Et Je ne supporte plus que mes enfants ne finissent pas leur assiette !»

En gardant une oreille à l’écoute des autres, l’ex-« poupée de cire », qui a grandi s’est en quelque sorte enrichie. « Je suis plus agréable à vivre. On se fait beaucoup de bien à soi en s’occupant des outres. »

Les autres, c’est aussi la petite famille, Pauline et Raphael, sur qui France veille avec une troublante attention maternelle. Battante sur tous les fronts, elle a « le sentiment profond de ressembler à toutes les femmes d’aujourd’hui qui font un métier, veulent réussir leur vie de couple et l’éducation de leurs enfants. »

Un rien féministe, elle avoue. « Ce qui m’étonne chez les femmes, est qu’elles finissent par y parvenir. » Le planning grignoté par toutes ces occupations, France ne néglige pas pour autant son métier. Son nouvel album qui regarde plus loin que les précédents est tout aussi attachant.

« C’est un album qui a la pêche, même si les chansons sont plutôt graves. » A l’écouter chanter, on pourrait croire qu’elle est auteur compositeur interprète. Union parfaite des deux talents, Michel Berger a sans doute des dons de voyance, de télépathie et de dédoublement de personnalité. France en est pleinement convaincue : « Ce que Michel écrit pour moi est si totalement en accord avec ce que je suis, ce que je sens, que c’est presque incompréhensible. Lorsqu’il m’a écrit « Cézanne peint », par exemple, il me l’a chantée au piano pour la première fois et je me suis mise à pleurer. C’était une émotion esthétique mais aussi quelque chose que je vivais si intensément moi-même que ça tient du surnaturel.

Admirative elle atteste le talent de son compagnon de vie : « Avec Michel, notre travail tient pleinement du miracle. Lui seul sait retranscrire des émotions fortes avec des mots simples, faire swinguer la syntaxe et deviner la moindre de mes pensées. En fait c’est la seule personne avec laquelle j’ai toujours voulu travailler parce que je me sens comme un poisson dans l’eau au milieu de ses chansons. »

Serait-ce une déclaration ? Surement, d’autant que le nouveau spectacle au Zénith sera encore une affaire de famille, des lumières à la mise en scène. « Ce que j’aimerais, c’est retrouver l’ambiance qu’on peut avoir dans un théâtre en plein air ou sur une place de marché. »

En tout cas, ce sera quelque chose de très différent de mon précédent show. Pas de danseurs, mais une section de cuivre, celle d’Earth Wind and Fire, et des surprises … » Fraiche et naturelle, elle sera telle qu’on l’imagine. « Pour moi la scène n’est qu’une pièce de plus dans ma maison. Je passe sans transition de ma cuisine au plateau, comme je passe de ma chambre à ma salle de bains. Je suis la même. Par exemple, Je ne porte jamais de costume de scène … » Équilibrée, France est comme elle le dit aujourd’hui en harmonie avec elle-même. Rêveuse mais réaliste aussi, elle se détache du cliché classique de la gentille petite femme-enfant qui ne parle pas trop haut. « C’est vrai je parviens bien à sauvegarder mon oasis familiale et je collectionne les disques d’or. Mais je ne suis pas une « bienheureuse », pour autant. Qui peut l’être aujourd’hui ? A moins de fermer les yeux, la bouche, et les oreilles comme les trois petits singes … »

Magazine : Cool
Date : Octobre 1987
Numéro : 35

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