France Gall résiste et signe (presse) Paris Match

La chanteuse a co-écrit « Résiste », une comédie musicale autour des tubes composés par Michel Berger qui se jouera au Palais des Sports à Paris, en novembre prochain.

Elle nous raconte en avant-première la genèse de ce projet qu’elle porte avec passion.

Elle nous reçoit chez elle, dans un appartement parisien spacieux et chaleureux où des peintures aux motifs colorés côtoient des meubles en provenance du Sénégal. Sur le piano à queue sont alignées les unes post-attentats de « Libération », « Charlie Hebdo » et du « Parisien ». « J’accroche dans une pièce les unes encadrées des moments qui ont bouleversé le monde. Je suis rentrée de Dakar pour la marche ». La chanteuse est décontractée, heureuse d’évoquer « Résiste », ce vieux projet qui prend forme cette année : une comédie musicale rythmée par les tubes de Michel Berger. Elle a écrit le scénario, surveillé de près le casting, les costumes, la chorégraphie de ce « Mamma Mia » made in France. Enthousiaste, elle montre la petite mallette où elle a consigné depuis quatre ans des notes, des coupures de presse, des images qui l’ont inspirée … Elle fume quelques cigarettes, confesse préférer la nuit au jour ; veut vous faire découvrir sa chaîne préférée, MyZen TV. Marrante, vive, France Gall parle avec émotion mais sans pathos de Michel Berger de Dakar; de son futur: « J’ai des projets pour quinze ans ».

Paris Match. L’idée de cette comédie musicale est née après que vous avez vu « Mamma Mia ! » à Londres. Mais quel fut le déclic pour que vous vous lanciez ?

France Gall. La réaction de la salle ! J’ai deviné une autre manière de faire vivre le répertoire. On avait sorti tous les best of, intégrales, livres possibles sur la musique de Michel… Il était temps de créer de la nouveauté. Mais il fallait un bon auteur. J’ai pensé à Jean-Pierre Bacri. Nathalie Baye m’a donné son numéro de téléphone. Elle est souvent à l’origine des événements puisque c’est grâce à elle que Johnny et Michel se sont rencontrés … Mais Jean-Pierre était trop immergé dans l’écriture de son film avec Jamel Debbouze. Il fallait que ce soit moi l’auteur de la trame …

PM. Vous n’avez jamais écrit de chansons. De l’appréhension ?

FG. Je m’en croyais incapable. Je déteste raconter des histoires. Je n’ai jamais été actrice à cause de cela, je ne peux pas incarner une autre personne que moi. Dans « Starmania », je n’étais pas heureuse de jouer Cristal, car ce n’était pas moi.

PM. C’est la chanson « Appelez-moi Maggie » qui a tout déclenché.

FG. Je l’avais enregistrée en 1976, pour le disque « Dancing Disco ». D’un seul coup, pendant la remastérisation, Bruck Dawit, mon ingénieur du son, a compris. On va la créer nous-mêmes, cette comédie ! Maggie serait le lien entre le public, la musique de Michel et moi. Maggie ne croise que des gens déglingués, danse, s’éclate. Elle est fragile, rêve d’autre chose, on s’est mis à imaginer sa vie. Toute l’action se déroule dans une boîte de nuit. On insérait au fur et à mesure les morceaux de Michel qui correspondaient à l’histoire de notre héroïne. « Musique », « Quelques mots d’amour », « La groupie du pianiste », « Débranche », « Résiste » et d’autres chansons moins connues …

PM. Vous souvenez-vous de l’écriture du tube « Résiste » ?

FG. C’était en 1981, on avait terminé notre album. On rentrait à Rueil-Malmaison, on habitait alors une maison que l’on louait à Adamo. On réécoute le disque. Michel me dit : « Il manque deux titres ! ». Son piano était dans un garage, à côté, il est parti plusieurs heures et est revenu avec « Tout pour la musique » et « Résiste ». On a filé les enregistrer deux jours après.

PM. Comment faisait-il ?

FG. Je ne sais pas ! Après notre premier album, je lui ai demandé : « On va aller où avec ce disque ? » Je ne savais rien. Lui m’a répondu : « Je le sais très bien ! » Il m’a construit une carrière. Chaque album apporte une facette de moi. Je m’en rends compte maintenant. Les années 1980 ont été des années de folie absolue, mais je n’avais aucun plan de carrière. Je l’attendais !

PM. Il a tout de suite su que vous étiez son interprète idéale …

FG. Non. Après le départ de Véronique [Sanson], il cherchait tout sauf une interprète. Il souhaitait chanter ses textes. Il avait donné « Message personnel » à Françoise Hardy, mais c’était Françoise ! Il n’a jamais pu refuser, comme pour Johnny, ou Michel Sardou, avec qui il était question d’un disque ensemble avant sa mort. Quand j’ai débarqué, ce n’était pas son truc ! C’est mon producteur Bertrand de Labbey qui lui a suggéré l’idée au bout de six mois. Il constatait une telle alchimie entre nous … Et Michel m’a offert « La déclaration d’amour », qu’il s’était écrite pour lui. On était amoureux, donc on pouvait la chanter l’un et l’autre. Ce qui nous a portés pendant ces dix-huit années, c’est notre complicité extraordinaire.

PM. Ce qui explique que vous ne chantez pas les mots des autres depuis lui … Si Benjamin Biolay vient vous proposer un disque ?

FG. Non, je n’ai plus envie de chanter. Ce n’est pas d’actualité. Et plus le temps passe, moins il y a de chances que cela se produise.

PM. Mais vous monterez tout de même sur scène avec la troupe ?

FG. J’apparaîtrai, oui, vous verrez !

PM. Êtes-vous directive avec vos interprètes ?

FG. Je ne suis pas dure, j’enseigne ou je rectifie, je leur apprends à chanter la musique de Michel. Ce n’est pas évident. A la télévision, quand je vois des jeunes reprendre “Musique” sans trop d’efforts, ça me fait rire. Lorsque je chantais “Musique” au Palais des Sports, j’avançais vers les gens, j’y allais, je menais une sorte de guerre.

PM. Qu’est-ce que vous écoutez aujourd’hui ?

FG. J’adore Rihanna ! « Nobody’s Business » avec Chris Brown est une chanson extraordinaire. Elle incarne la femme forte par excellence, puissante. J’ai regardé le match du Super Bowl, Katy Perry aussi est formidable, c’est l’américaine dans toute sa splendeur. Beyoncé ? Je ne suis pas fana, elle est trop bling bling. J’aime beaucoup Nach aussi. Je l’ai vue cet été à Noirmoutier en allant passer huit jours chez ma mère. Elle était sur scène avec ses frères Matthieu et Joseph Chedid, sa voix vous transporte. Et j’ai tellement écouté Stromae … Le dernier disque de Christophe Willem contient une belle chanson de Carla Bruni, un futur tube aussi, écrit par Goldman. Et, en ce moment, je redécouvre les chansons de mon père.

PM. Avez-vous envisagé de chanter en anglais pour conquérir l’Amérique et faire découvrir vos chansons là-bas?

FG. J’ai détesté chanter en anglais. Dans les années 1990, j’ai imaginé sortir un disque pour le marché anglo-saxon, puis je me suis souvenue que j’avais des enfants, et ce n’est pas l’idéal de parcourir le monde en étant le seul parent. J’ai beaucoup voyagé, je bouge de moins en moins. Je suis entre Dakar et la France maintenant. Je n’ai pas mis les pieds aux Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre, alors qu’avant je m’y rendais deux fois par an. Je m’organise une existence où je sors très peu. Depuis toujours, je vis mieux la nuit ! Vous me verriez à 5 heures du matin, je suis au top !

PM. Y a-t-il des périodes où vous vous laissez vivre ?

FG. Lorsque je suis au Sénégal, je déconnecte. Sinon je ne peux pas m’arrêter. Je suis toujours chez moi et, chez moi, j’ai sans cesse quelque chose à faire. A Dakar j’ai monté un restaurant de plage, le Noflaye Beach, ce qui signifie « se la couler douce » en wolof. J’ai engagé 14 personnes de mon village. Et ça marche, on va l’agrandir.

PM. Votre fils, Raphaël, ne participe jamais à vos projets ?

FG. Non. Il vient d’acheter un studio d’enregistrement, il a créé une radio, un label de disques, et supervise des musiques de films … Il ne montera pas sur scène avec un micro, il ne recherche pas la célébrité. C’est important qu’il fasse des choses par lui-même.

Magazine : Paris Match
Entretien avec Aurélie Raya
Photos de Marianne Rosensthiel
Du 26 février au 4 mars 2015
Numéro : 3432

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