France Gall, de lolita à icône (Presse) La Nouvelle République

En plus de trente ans de carrière, France Gall a créé une œuvre qui lui ressemble : libre et créative.

Elle est retracée dans un riche ouvrage qui ausculte sa discographie.

Plus de trente-cinq ans sur scène, quinze albums enregistres en studio, neuf en live, une dizaine de collaborations, une vingtaine de compilations … La discographie de France Gall pourrait donner le tournis si elle n’offrait pas une parfaite visite guidée de son univers artistique. De la lolita des années yéyé à la « power girl » des plus grandes scènes, en passant par le « petit caporal » des années 80, France Gall a su construire une œuvre a son image. Dans France Gall l’intégrale, Norman Barreau-Gely en fait une démonstration documentée et visuelle. Grace a l’immense collection de Pascal Derolez, désormais entre les mains de son neveu Stéphane Lumbroso, l’ouvrage ausculte cette riche discographie album par album, pochette par pochette.

« J’ai voulu remettre l’artiste au centre de son œuvre, en laissant de côté l’aspect people, qui se dévoile en filigrane », explique l’auteur, déjà rompu à l’exercice biographique avec des travaux sur Serge Gainsbourg et Boris Vian.

Des jeunes années « orchestrées par un état-major »

« À ses débuts, France Gall n’a que 15 ans et demi », rappelle celui qui est aussi collectionneur de trésors de la chanson française. Son image de lolita ingénue, avec Sacré Charlemagne en bande-son, est façonnée par ses parents, son père en tête. Ses jeunes années sont « orchestrées par un état-major », écrit Norman Barreau-Gely.

Elle se fait gifler par son producteur Denis Bourgeois pour avoir dit, au micro d’une radio, qu’elle comptait rester chanteuse seulement cinq ans. « C’est pas facile d’être une fille », dit-elle en chanson en 1966. Chanter « Les Sucettes » sans en comprendre le sous-texte sexuel n’aide pas.

« Ça m’a humiliée en fait, a-t-elle fini par dire, des années après, au Parisien. C’était horrible ! Horrible ! Ça a changé mon rapport aux garçons. »

« Artistiquement, il ne faut pas jeter un voile de discrédit sur cette période, tient à préciser Norman Barreau-Gely, son implication d’artiste et sa façon de chanter, toujours avec beaucoup de dignité et de classe, presque un peu en décalage avec la chanson, lui permettent de faire passer beaucoup de choses. »

En revanche, côté vie personnelle, la chanteuse dira ensuite qu’on lui a « volé » son adolescence. « C’est resté une grande blessure chez elle », appuie l’auteur.

Une carrière parallèle

Dès la fin des années 60, France Gall prend la main, s’émancipe de son parolier et manageur de père et change de répertoire. Forte de son succès a l’Eurovision en 1965, elle entame une carrière en Allemagne deux ans plus tard. Là-bas, elle ne chante pas des traductions de ses morceaux français mais bel et bien des créations originales. « C’est très surprenant de voir qu’elle a réussi à mener deux carrières complètement hermétiques entre deux pays si proches », relève Norman Barreau-Gely,

En France, au début des années 70, la lolita « Gainsbourienne » se metamorphose. Sur la pochette de Caméléon, caméléon, elle est méconnaissable, Cigarette entre les doigts, casquette et col roulé bleus, elle affiche une certaine décontraction derrière ses fines lunettes rondes. « Elle a su imposer au fur et à mesure des décennies son évolution, de femme comme d’artiste, sans capitaliser sur des succès passés dont elle ne voulait plus », analyse Norman Barreau-Gély.

Exit les « Sucettes », les « Baby pop », les « Poupées de cire et de son ». Place aux déclarations d’amour, au « Dancing disco » et au « Piano debout ».

Un couple mythique

Sa rencontre avec Michel Berger, qu’elle provoque en 1973, tombe à pic. Ensemble – un piano, deux voix et une histoire d’amour – ils construisent une œuvre intemporelle. « France Gall fait désormais complètement partie du processus créatif. Elle est la preuve qu’on peut ne pas être créditée en tant qu’autrice ou compositrice mais être un véritable maillon de la chaine de création », pointe l’auteur.

Sur scène, elle bouscule les habitudes de l’époque, avec l’air de ne pas y toucher. En 1978, elle est accompagnée de quatorze musiciennes et trois danseuses. A un journaliste retors qui l’interroge sur ce choix juge militant, elle retorque, rusée : « C’est une idée comme une autre car je trouve que ça manque, les idées. » « Elle ne se laissait jamais faire, d’où son surnom de « petit caporal » dans les années 80 », précise l’écrivain.

C’est d’ailleurs elle qui, au moment de la création du spectacle Starmania, pousse Michel Berger à rencontrer Luc Plamondon pour qu’il en soit le parolier à sa place. « Comme pour leur dernier album commun, dont elle est coproductrice et pour lequel elle a poussé Berger à se renouveler, elle est encore une fois un rouage indispensable », souligne Norman Barreau-Gély.

Ce dernier ne manque pas non plus de relever son « excellente intuition ». Quarante ans après le succès initial de cet « opéra-rock-cyber-punk », Starmania a réussi brillamment son retour sur scène, sous l’impulsion de … Raphael Hamburger, le fils du couple Gall-Berger. Évidemment.


France Gall l’intégrale / L’histoire de tous ses disques
Editions EPA
Format : 218 x 279 mm
240 pages, plus de 250 illustrations
En librairie le 14/06/2023

France Gall, l'intégrale, le livre référence de l'histoire des disques de France Gall illustré avec les pochettes du du site France Gall Collection. Les éditions EPA publient un beau livre qui raconte l’histoire d’une carrière exceptionnelle et de disques qui ont marqué leur époque.

Journal : La Nouvelle République
Par Ambre Philouze-Rousseau
Date : 11 août 2023

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