Ma rencontre avec Babacar a bouleversé ma vie (presse)

L’article retranscrit

Elle vient de passer quelques jours à Los Angeles avec Michel Berger, pour choisir les musiciens de son prochain spectacle au Zénith.

Parmi ses nouvelles chansons, « Babacar », qui n’est pas seulement au sommet du Top 30 mais le prénom d’un enfant du Sénégal dont elle s’occupe à distance, en espérant le voir très souvent chez elle en France.

France Gall rêve face au Pacifique sur la plage de Malibu. Elle est venue sur la côte Ouest avec Michel Berger pour choisir les musiciens de son prochain spectacle, dans lequel elle chantera bien sûr « Babacar », qui fait d’elle la première Française du Top 30, le classement des meilleures ventes de 33 tours. Une chanson mais aussi une rencontre qui a changé sa vie, dans un village de brousse au Sénégal. France était là-bas pour perpétuer sur le terrain l’œuvre d’Action École, ce mouvement en faveur de l’Afrique, qu’avait créé Daniel Balavoine, leur ami :

« C’était en janvier. J’ai vu ce petit bébé de 6 mois dans les bras de sa mère. Je me suis approchée pour lui dire combien je le trouvais beau. « Alors prends-le, m’a-t-elle dit-bouleversée. Je te le donne ». Cette femme aimait son enfant. Elle ne voulait s’en séparer que pour lui épargner une existence misérable. Je ne pouvais le lui enlever. Aussi, j’ai choisi de veiller sur lui de loin. Nous l’avons installé dans un appartement à Dakar, avec sa mère qui suit des cours de broderie. Il viendra nous voir régulièrement. Les enfants l’attendent avec impatience, ils sont heureux d’avoir un petit frère africain ».

Celui-ci a inspiré à Michel l’une des plus belles chansons de France, qui semble plus rayonnante que jamais : « Je suis plus agréable à vivre. On se fait aussi beaucoup de bien à soi en s’occupant des autres. Lorsqu’on découvre les conditions de vie des gens du Mali, on est à la fois écrasé par tout ce qu’il faudrait faire et porté par l’action. Depuis mon retour, je regarde l’eau qui coule d’un robinet avec une conscience différente. Chaque goutte est si précieuse là-bas. Et je ne supporte plus que mes enfants ne finissent pas leur assiette ».

A son retour des États-Unis, Pauline, 8 ans, et Raphaël, 6 ans sont partis avec elle en vacances à Ramatuelle, où une maison toute neuve les attendait : « Avec encore les peintres dedans précise France. Michel, qui a trop de travail avec la préparation de mon spectacle et celui de Johnny dont il est le metteur en scène, ne nous rejoindra que quelques jours … ».

Après quelques années passées à Rueil-Malmaison, la famille Berger est revenue dans Paris : « Nous avons souvent déménagé mais, cette fois, j’aimerais terminer mes jours ici. Michel, lui, est indifférent aux lieux. Il n’est chez lui nulle part. A chaque déménagement, il ne s’inquiète que de la place réservée à son piano. Pour tout bagage, il emporte ses notes de musique et ses rimes … ».

Ils auraient pu vivre à Los Angeles : « A un moment, nous avions envisagé de nous y installer pendant un an. Seulement, avec les enfants petits, cela nous a semblé trop compliqué. Peut-être plus tard. Los Angeles est une ville formidable pour les gens qui font notre métier. Je n’ai jamais eu de rêve américain mais je reconnais que, là-bas, on trouve une énergie et une émulation bien plus fortes entre les musiciens ». France a engagé les « cuivres » du célèbre groupe américain Earth Wind and Fire.

1987, c’est l’année publique de France. Dans le couple qu’elle forme maintenant depuis douze ans avec Michel Berger, l’alternance musicale fonctionne avec la rigueur d’un métronome : si l’un est en scène, l’autre reste en coulisses : « Mais, cette fois, trois ans se sont écoulés depuis mon dernier spectacle au Zénith, en septembre 1984 ».

Dès le mois d’août, elle commencera les répétitions du spectacle qu’elle présentera, pendant trois semaines, à partir du 12 novembre, au Zénith, également. Ensuite, France partira pour une tournée d’un mois, en mars, dans toute la France. « C’est la première fois, maintenant les enfants sont assez grands pour le comprendre et Michel restera près d’eux. Finalement, c’est pendant la durée d’un spectacle que je me repose le plus. Je me concentre sur une seule activité, même si je suis à la tête d’une petite usine qui emploie presque deux cents personnes. Mais je n’ai plus à courir faire des courses, à rencontrer les directrices d’école ».

Oui, France est à la fois plus grave et plus sereine. Une impression que l’on retrouve dans les nouveaux textes que lui a écrits Michel Berger. Son album, en forme de carnet de voyage, ce sont ses rencontres avec ces oubliés lointains. « J’ai vécu au Mali dans les conditions physiques les plus dures de toute mon existence mais je me sentais en accord avec moi-même ».

France Gall n’a pas pour autant l’intention de porter en bandoulière une charité exotique : Restons lucides et décents, dit-elle.

Être artiste, c’est d’abord porter en soi une dose obligatoire d’égocentrisme et de narcissisme. On est si gâté quand la vie vous permet de réussir et de faire ce que l’on aime : ce que je préfère, c’est travailler avec les musiciens sur scène ou en studio ».

A 39 ans, elle compte déjà vingt-deux ans de carrière et, si on lui demande pourquoi elle chante, France n’a qu’une réponse : « C’est comme me demander pourquoi je mange ou pourquoi je dors. Chanter est mon élément naturel. La scène est une pièce supplémentaire dans ma maison. J’y vais comme on entre dans sa chambre … »

Magazine : Télé 7 Jours
Article de Martine de Rabaudy
Date : du 11 au 17 juillet 1987
Numéro : 1415

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