Face amère (Presse)

L’article retranscrit

Absente mais pas l’indifférence surtout pas l’indifférence.

Le temps, dit-on, corrige, répare, atténue les mesures de l’âme, « Évidemment », la route poursuit son linéaire et inaltérable parcours mais l’oubli ne peut et ne doit pas s’installer.

“Bala” n’est plus, mais Daniel demeure en nous, pour toujours sobre, pudique, émouvant, intimiste. Le clip d’« Évidemment» n’exploite pas les doses missives de bons sentiments pleurnichards, ce n’est décidément pas le créneau du tandem Berger-Gall ! Ici, tout n’est que grâce, suggestion et impressionnisme. Berger, le scénariste, auteur-compositeur et réalisateur, peint, dresse, portraitiste la mort d’un ami, le plus simplement possible … Il a calqué ses images aux mots, sans commentaires surannés, déplacés …

Tourné en Italie, en quatre jours, Berger, le perfectionniste s’est efforcé de reconstituer le puzzle de ses émotions.

Un ami, campé par Etienne Chicot (le comédien entre autres de « Garde à vue ») partage, l’essentiel ainsi que les détails d’un quotidien « soleil » auprès de sa famille de cœur, et puis il disparait, il s’estompe tout à coup du tableau en laissant bien évidemment derrière lui des traces, des moments, des empreintes, des souvenirs indélébiles d’un passé hélas sans lendemain.

Berger a donc revêtu une fois de plus, le costume du clippeur avec inscrit à son générique, son actrice favorite, France Gall, elle-même.

Pas toute seule sur sa liste, il a aussi recruté des apprentis comédiens pour les services d’une figuration des plus « intelligentes ». En ce qui concerne l’équipe technique, elle était de nationalité exclusivement italienne. Tout se serait déroulé dans le meilleur des climats possibles, si les lois d’un timing « serré » n’avaient composé une course contre l’horloge « infernale » et puis autant l’évoquer, le laxisme des techniciens, toujours en retard aux rendez-vous du travail, ça n’a guère arrangé les affaires de l’ami Berger. Des journées bien remplies, lever 7 heures du mat « j’ai des frissons », coucher à l’aube « j’ai des palpitations ». Une ambiance spartiate pas vraiment touristique. « Rome ville ouverte » affirme la légende, en l’occurrence, là il s’agissait d’un « tournage very fermé » et Michel Berger n’a pas lésiné sur les moyens de nous faire rêver …

C’est ainsi qu’il a squatté la poste du village de Sabadia, transformée pour la circonstance en « maisonnée de villégiature » ensuite. « Maniaco non dépressif », il n’a pas hésité à « importer » du sable afin d’illustrer les séquences ballades sur la plage. Une entreprise lourde de remue-ménage et de casse-têtes italiens que Berger le stratège a mené à bon port ! Tendu, le pianiste sans groupies, a quand même tenu le choc et a affiché durant ces quatre jours un self contrôl digne de nos voisins british … il grogna parfois, à l’encontre des lambineurs ritals !

Mais jamais, on ne le coince en flagrant délit de mauvaise humeur.

Une attitude qu’il fallait souligner, les non caractériels de ce métier se raréfiant, n’est-ce pas. France, quant à elle, donnait dans le créneau « concentration ». Maquillage, coiffage, habillage, on se serait cru sur le tournage d’une superproduction made in Hollywood.

Au détour des coulisses de Cinecitta, on croisa aussi des visages non inconnus à notre mémoire, Fellini en personne, Mastroianni, en chair et en charme … Manifestement, on vibrait en plein cœur d’une mythologie bel et bien vivante.

Côté bouffe, ce ne fut pas une partie de plaisir. On engloutissait plutôt qu’on dégustait. Un quart d’heure chrono pour le ravitaillement, pas de quoi noircir en effet les pages du guide Michelin. Extérieur-jour, intérieur-nuit, ou l’inverse. Un chef opérateur ponte dans son genre, collaborateur en titre de Luc Besson (Subway). Berger ne s’entoure jamais des plus mauvais. « Évidemment » que la qualité d’images est irréprochable … Touche à tout, pluridimensionnel, ce maître à chanter de sa génération, deviendra-t-il demain, un réalisateur notoirement recherché.

C’est le mal qu’on lui souhaite en attendant son prochain album … et ses créations, sûr qu’il se situera à proximité de Miss Gall, en tournée … elle promène son spectacle du Zénith en province.

Donc, si elle passe par chez vous, foncez-la voir et l’écouter, évidemment !

Magazine : Graffiti
Date : Mars 1988
Numéro : 41

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