France Gall : Je me battrai jusqu’au bout (Presse) VSD

Huit mois après la mort soudaine de Michel Berger, elle a le courage de dire la vérité sur le cancer qui l’oblige à annuler ses concerts à Bercy. Chez elle, elle se prépare à affronter un combat qu’elle sait long et difficile. Après un traitement de deux mois, elle reprendra le travail et promet : « Je reviendrai sur scène ».

Show chez Nagui : elle sait que dans douze jours elle entrera en clinique. C’est à l’issue d’un check-up, peu avant Pâques, que France Gall a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein.

Mais, le 10 avril, sur France 2, elle respecte son engagement, malgré les conseils de son médecin, et oppose aux craintes de son entourage la volonté de faire son métier.

« J’ai expliqué à mes enfants qu’il y aura de nouveau, pour eux comme pour moi, plein de belles choses dans l’existence. J’ai envie d’être encore heureuse. »

France Gall

Quelques jours après la mort de Michel Berger, le 9 août dernier à Ramatuelle, France Gall trouvait les mots justes, les mots d’une maman courage pour apaiser la douleur de Raphaël et de Pauline. Eh oui ! la vie devait continuer comme avant, presque comme avant… Et c’est vrai que France est allée puiser au plus profond d’elle-même pour « faire comme si ». Pas question de stopper net. C’est avec les mots et les principes chers à Michel qu’elle a décidé de se relancer dare-dare dans la bagarre : « avancer », « foncer », « poursuivre ». D’où l’idée de ce grand show en solo prévu à Bercy du 1er au 6 juin.

Mais le sale destin est revenu à la charge. Un autre mot terrible est apparu, sous la forme d’un diagnostic médical : cancer ! Mardi dernier, au matin, une dépêche tombait, abrupte : « France Gall, opérée d’une tumeur maligne du sein, de bon pronostic, le 22 avril dernier, est obligée de reporter les dates de son spectacle à Bercy. En cours de traitement complémentaire par irradiation, l’état de France Gall est considéré par ses médecins suffisamment satisfaisant pour permettre de fixer de nouvelles dates en septembre. »

Sous ses allures volontairement rassurantes, le communiqué a provoqué une sérieuse onde de choc.

Car, mis à part le cercle restreint, sa garde rapprochée depuis la mort de Michel, une poignée d’amis de toujours, dont l’organisateur de spectacles Gilbert Coullier, son nouveau producteur Lionel Rotcage, personne ne semblait avoir été mis dans la confidence. La décision d’annulation des six jours à Bercy n’aurait été prise que lundi dernier, au cours d’une réunion au sommet, d’une sorte de conseil de famille. C’était décidé : France n’aurait ni la force, ni l’énergie, ni l’esprit de mener à bien ce spectacle.

Flash-back sur ces derniers jours où tout a basculé : le samedi 10 avril, France participe à l’émission de Nagui, « Taratata ». Elle s’y montre drôle, resplendissante. Ce soir-là, elle donne l’image d’une femme en paix, d’une femme forte qui est parvenue, en l’espace de quelque huit mois, à terrasser la peine, la douleur, l’injustice, la cruauté de l’existence. Son leitmotiv du moment : « Je chante pour retrouver le bonheur. » Et le bonheur, c’est vrai, à ce moment-là, il était parfaitement décelable sur sa frimousse d’éternelle blondinette de 45 ans.

C’est peu avant Pâques, en allant chez son médecin pour un check-up, que France Gall a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein et que son état nécessitait une intervention. L’opération a eu lieu le 22 avril, dans un hôpital parisien. En toute discrétion. Personne n’en a rien su. A l’époque, les répétitions avaient déjà commencé. Des répétitions pour le son, au Théâtre de Paris, avant d’en débuter d’autres, quasiment en « live », en grandeur (presque) nature, sur la scène du Zénith. En cela, France adoptait la méthode chère à Michel. Répéter à outrance. Peaufiner sans cesse. Pas question d’arriver devant le public avec un spectacle qui bégaie, qui boite. La machine devait être huilée et France s’y employait de toutes ses forces, épaulée, cornaquée, soutenue à bout de bras et de cœur par tous les « ex » du clan Berger.

Au sortir de l’hôpital, ses médecins lui ont évidemment conseillé de se reposer. Mais France avait dans l’esprit cette date phare du 1er juin. On l’attendait ce jour-là. Elle avait rendez-vous avec elle-même, son orgueil, son public et surtout Michel. Rendez-vous qu’elle ne voulait pas différer.

Peut-être a-t-elle repris trop vite les répétitions ? Peut-être n’a-t-elle pas supporté les séances d’irradiation et de chimiothérapie qu’on lui a prescrites jusqu’à la fin du mois de juin (on dit qu’elle les supporte très mal et que son bras, à l’issue de chaque séance, se trouve paralysé) ? Peut-être la fatigue ? L’angoisse ? Le stress ?

Bref, les médecins ont tiré la sonnette d’alarme : « Pas question de continuer à travailler huit heures par jour ; hors de question de persévérer à ce rythme, de jouer les martyrs ! »

D’ordinaire, dans le monde du show-biz, on a plutôt tendance à cacher les choses, à les masquer. Annuler Bercy, ce n’était pas rien ! Près de cent mille spectateurs l’attendaient ! Alors, à quoi bon trouver une excuse ? France a décidé de tout dire, de tout avouer. Un cancer ? Et alors ? Le tabou est tombé depuis pas mal d’années. Cette maladie n’est plus « honteuse ».

De l’avis de l’un de ses amis, l’ayant rencontrée chez elle il y a tout juste une semaine (et qui n’était pas au courant de cette opération), France « était comme d’habitude ». Peut-être un soupçon de fatigue dans le regard. Comme de la lassitude. Ainsi qu’une légère pâleur. Mais bon … 

Pour mieux se prouver qu’elle n’avait rien perdu de son énergie, France a même relevé une sorte de défi, le jeudi 6 mai dernier, en enregistrant une version en direct de Mademoiselle Chang, en une seule soirée. Le disque, brut de four, était gravé dès le lendemain. Performance jamais réalisée en France et peut-être une ou deux fois seulement en Angleterre et aux Etats-Unis. Dernière prouesse avant la convalescence forcée. Comme pour laisser un signe, une trace à tous ceux qui l’attendaient à Bercy. Comme pour marquer sa présence. Pour leur dire : « Vous voyez, je ne débranche pas ! »

« Aujourd’hui, dit-elle, j’ai confiance, je me bats, je vais guérir et je serai sur scène en septembre. » Une phrase qui fait écho à cette déclaration lâchée au lendemain de la mort de son mari : « Je n’ai plus peur de rien, comme si, en partant, Michel m’avait légué sa force ! »

Magazine : VSD
Par Didier Valle
Date : 13 au 19 mai 1993
Numéro : 819

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