France Gall, l’icône et la femme

Dans « France Gall, l’intégrale », Norman Barreau-Gély raconte la chanteuse et la femme à travers ses pochettes de disques. Le cadeau de Noël idéal pour ses fans.

Vous avez choisi de raconter la carrière de France Gall à partir des pochettes de ses disques, ce qui est une première.

Cela a été possible grâce à la complicité d’un collectionneur qui possède des pressages rarissimes qu’il a retrouvés dans le monde entier. Beaucoup l’ignorent, mais dans les années 60, en particulier grâce à sa victoire à l’Eurovision, France Gall a connu un succès international.

Elle n’a pas encore 16 ans quand elle enregistre son premier 45 tours.

Robert, son père, qui est parolier, fait écouter à l’un de ses amis éditeurs, Denis Bourgeois, la voix de sa fille qui, pour le plaisir, a fredonné quelques refrains devant un magnétophone amateur. Il trouve son timbre intéressant et en parle à un directeur de la maison de disques Philips. Une audition est immédiatement suivie de l’enregistrement d’un premier 45 tours. Un seul bémol : il y a déjà plusieurs « Isabelle » sous contrat, à commencer par Isabelle Aubret. C’est ainsi qu’Isabelle Gall devient France Gall.

Le succès est immédiat.

En écoutant la voix haut perchée, assez acidulée mais très juste de cette adolescente, Daniel Filipacchi décide de faire de « Ne sois pas si bête » le chouchou de la semaine de son émission « Salut les copains ». Le 45 tours s’arrache alors dans les magasins.

France, surprise par ce succès immédiat, imagine-t-elle ce qui va suivre?

À un journaliste qui lui demande « Combien de temps pensez-vous durer ? », elle répond : « Je ne sais pas, peut-être cinq ans … » À l’issue de l’interview, son producteur, furieux, lui donne une gifle. Elle ne doit pas dire des choses comme ça ! Autrement dit, quand on est une poule aux œufs d’or, on doit en faire profiter son entourage au maximum !

Cette notoriété soudaine bouleverse son quotidien.

Elle doit renoncer, en particulier, aux vacances d’été dans la maison familiale de l’île de Noirmoutier. Au lieu de retrouver ses copines et de bronzer sur la plage, elle passe d’une ville à l’autre et chante le soir, sous des chapiteaux de fortune, dans des conditions techniques parfois très précaires.

Sa notoriété augmente un peu plus encore en 1964 avec « Sacré Charlemagne », dont les ventes dépassent le million d’exemplaires.

Après avoir enregistré cette chanson, elle a supplié ses producteurs de ne pas la sortir. Elle la trouvait presque ridicule. Ils sont passés outre. Elle a mesuré le succès de ce refrain en rentrant un soir dans l’immeuble de ses parents où elle vivait alors. Dans le hall d’entrée, une fan avait écrit sur une glace « Vive Charlemagne ! ».

Elle fait ensuite la connaissance de Serge Gainsbourg.

Ce sont Maritie et Gilbert Carpentier, producteurs à Radio Luxembourg, qui ont l’idée de les réunir. La notoriété de Gainsbourg se limite alors à des chansons qu’il écrit pour la jeune génération. C’est ainsi qu’elle enregistre « Poupée de cire, poupée de son ».

Elle est aussitôt sélectionnée pour représenter le Luxembourg au Grand Prix Eurovision de la chanson de 1965, à Naples.

Les répétitions débutent très mal. Les musiciens refusent de jouer une partition qu’ils jugent plus violente que les titres habituels. Alain Goraguer, le chef d’orchestre, parvient à les faire changer d’avis. Le soir, après sa prestation, France va tranquillement boire un lait fraise dans un café voisin. Persuadée qu’elle terminera dans les dernières places, elle ne suit pas le comptage des points. Soudain, un assistant déboule, essoufflé. Elle a gagné, elle doit revenir sur le plateau ! Sur des images où elle arrive presque en courant, la surprise se lit sur son visage.

Gainsbourg va signer ensuite la chanson « Les sucettes », qu’elle a enregistrée sans mesurer le double sens des paroles.

Serge, en quête d’une idée, l’interroge sur sa vie. En le vouvoyant – elle ne l’a jamais tutoyé -, elle lui raconte qu’elle vient de passer quelques jours à Noirmoutier où, en sortant de la plage, elle a acheté une sucette à l’anis. Quand, plus tard, elle a compris ce qu’on lui avait fait chanter, elle a éprouvé le sentiment d’être trahie par un homme à qui elle faisait une confiance totale.

Sans Michel Berger, elle aurait arrêté de chanter à la fin des années 60.

Elle ne voulait plus être « La petite », à l’image du titre d’un duo avec Maurice Biraud qui, en 1969, était une star, mais aussi un ami de son père ! En écoutant Michel Berger à la radio dans sa voiture, elle éprouve immédiatement le sentiment qu’il est le compositeur de sa vie. Elle va avoir bien du mal à le convaincre de lui écrire des chansons, mais après la sortie de « La déclaration d’amour », aucun des deux ne l’a regretté.

Ils se sont mariés dans la plus grande discrétion.

Ils ne voulaient pas être considérés comme « un couple du show-business ». S’ils cultivaient l’exposition artistique quand c’était nécessaire, ils refusaient toute forme d’exposition publique. Michel était discret par nature, et France, projetée dans la lumière trop jeune à son goût, l’est devenue à son tour.

Ils ont ainsi mené la vie quotidienne de Monsieur et Madame Tout-le-monde.

L’harmonie a été parfaite, et pas seulement parce qu’ils partageaient les mêmes valeurs. France a assuré le quotidien, tandis que Michel a passé de longues journées, et même des soirées, au piano. Impossible lorsqu’il composait de faire le moindre bruit dans la maison ou d’organiser un goûter avec les copains des enfants !

L’apport de France a également été artistique.

Après avoir entendu Diane Dufresne chanter « L’homme de ma vie », elle a conseillé à Michel de téléphoner à Luc Plamondon pour lui demander de travailler avec lui sur l’écriture de « Starmania ». On connaît la suite !

Après la mort de Michel, il y a eu la disparition de Pauline, sa fille. Deux épreuves quasiment impossibles à traverser moralement.

Elle y est parvenue avec un courage qui mérite admiration et respect. Elle a choisi de s’installer au Sénégal où elle avait connu Babacar et elle y a acheté un restaurant. Elle a confié à ses proches qu’elle avait décidé de quitter la France pour se ressourcer et prendre du temps pour elle et pour sa famille. Son ultime bonheur.

Magazine : SoirMag
Site de Soir Mag
Propos recueillis par Jacques Pessis
Date : 20 décembre 2023
Numéro : 4774

France Gall l’intégrale / L’histoire de tous ses disques

Editions EPA
Format : 218 x 279 mm
240 pages, plus de 250 illustrations
En librairie le 14/06/2023

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