C’est un amour si vrai, si fort (Presse)

L’article retranscrit

Deux ans. Cela fera deux ans le 2 août prochain qu’au soir d’une trop chaude journée à Ramatuelle, Michel Berger s’en est allé au paradis blanc des chanteurs.

Ce jour-là, son cœur a littéralement explosé, comme le dit Guillaume Durand dans l’émission hommage que TF1 consacre à Michel, le 30 juillet à 20 h 45 : « Destins brisés ».

Hélas, en ce 2 août 1992, le destin de Michel Berger n’était pas le seul à être ainsi brisé. Celui de France Gall, son épouse, la mère de ses deux enfants, Pauline et Raphaël, treize et onze ans à l’époque.

Mais aujourd’hui, France Gall revit grâce à un amour fou. Un amour incroyable et qui a surpris même ceux qui lui sont le plus proches. Un amour inespéré.

Car en ce terrible été 1992, ils étaient bien peu à croire à une telle résurrection face au trio pathétique de la mère et de ses deux petits qui accompagnait Michel jusqu’à sa dernière demeure au cimetière parisien de Montmartre.

Terrassée de chagrin, France paraissait une femme condamnée pour toujours à la solitude. Sa vie semblait finie. Plus jamais elle ne retrouverait la magie d’une complicité aussi forte que celle qui l’avait unie à Michel. Plus jamais personne ne serait là pour l’épauler, la soutenir, l’aider. Et elle, mieux que personne, sentait alors combien Michel, près d’elle, lui avait été indispensable, vital. Pourtant, courageuse, France avait fait front. Il fallait que la vie continue, sinon pour elle, au moins pour ses enfants. Perdre leur père était si horrible, elle n’avait pas le droit de se laisser aller.

Mais dix mois plus tard seulement, France était confrontée à une nouvelle épreuve : les médecins lui annonçaient qu’elle avait un cancer du sein. Et c’est à cet instant, alors qu’elle aurait pu définitivement sombrer, que le miracle a eu lieu. France, au fond de la détresse, a fait de nouveau une rencontre. Une rencontre qui lui a redonné la force de se battre, la volonté de s’accrocher coûte que coûte à la vie.

« Quand on vous dit cancer, at-elle expliqué à Michèle Manceaux de « Marie Claire », en décembre dernier, on pense tout de suite qu’on va mourir. Et là, je me suis effondrée. C’était insupportable à cause de mes enfants. Je n’ai pas hurlé parce que j’étais entourée de médecins mais pour la première fois, j’ai parlé à Michel ».

Oui, face à la mort, France, dans un ultime sursaut, s’est tournée vers celui qui l’avait quittée pour toujours croyait-elle, quelques mois plus tôt. « Je lui disais : « Pourquoi m’as-tu abandonnée », a-t-elle encore confié à Michèle Manceaux.

Et là, France a eu une véritable révélation. Elle a eu le sentiment intime de renouer le contact avec le disparu.

« Il ne m’a pas abandonnée, poursuit-elle dans cette interview. Je sens maintenant qu’il y a quelque chose au-delà de la mort ». Et c’est dans cette présence qu’elle seule sentait, dans cet amour qui continuait de vivre par-delà la séparation, que France a trouvé une fois de plus la force de se battre et de triompher de la maladie. A tel point qu’elle en est arrivée à expliquer toujours à Marie Claire :

« Ce cancer, je suis heureuse aujourd’hui de l’avoir eu parce que je l’ai guéri ».

« Je sens que la vie ne s’arrête pas à la mort …, a-t-elle encore expliqué. J’ai vu mon père mort, j’ai vu Michel et je sais la différence. Il y a une telle différence entre quelqu’un qui est mort et quelqu’un qui dort. Mon père n’était plus habité. Il y a une différence aussi fantastique qu’entre le jour et la nuit ».

Pour France, Michel, lui, s’est endormi. Pour toujours, bien sûr, mais quelque part il vit encore et de là où il se trouve il continue de la protéger, elle et leurs deux enfants.

Entre eux, le lien est toujours aussi fort, aussi puissant qu’au temps de leurs longues années de vie commune. Le contact n’est pas rompu et il ne tient qu’à elle, France, de le renouer.

C’est pour ça aussi qu’elle a choisi de continuer à chanter. Les chansons de Michel, la musique de Michel sont la passerelle magique qui les unit toujours l’un à l’autre.

Pourtant, longtemps, France a lutté contre cette idée. Après avoir triomphé de sa maladie, alors qu’elle préparait l’automne dernier son grand retour à Bercy, elle refusait d’admettre que c’était un peu pour retrouver Michel. Mais, quatre jours avant la première, elle a dû s’avouer vaincue.

« Je me suis rendu compte qu’en fait tout ça c’était pour le retrouver » a-t-elle révélé aussi à Marie Claire.

Cette découverte l’a alors tellement bouleversée qu’elle a craint de ne pouvoir chanter, submergée par l’émotion de sentir à nouveau Michel près d’elle, presque palpable.

Concerts

La suite, on l’a connaît. France a finalement donné une série triomphale de concerts pendant lesquels des milliers de fans ont communié avec elle dans la musique de Michel.

Depuis, la présence de cet amour n’a cessé d’accompagner France dans chacun de ses instants.

Et c’est amour n’a cessé de l’aider, de la porter, de la rendre toujours plus forte au point de pouvoir· affronter aujourd’hui son plus tragique souvenir.

Michel est mort dans leur propriété de Ramatuelle, et depuis, y retourner avait toujours été pour France une épreuve cruelle.

Pourtant, à plusieurs reprises elle se l’était déjà imposée.

Une première fois à Noël et cela ne s’était pas trop mal passé. La saison était autre, le paysage différent.

Mais le premier été s’est révélé terrible. Les images de la tragédie la hantaient sans cesse.

« Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j’y ai pensé, a-t-on pu lire dans Marie Claire. Cela a été atroce, mais je voulais être avec mes enfants pendant six semaines.

C’est là qu’ils voulaient aller.

Eux, n’ont pas vécu les choses dans cet endroit, comme moi. Cela n’est pas lié à des souvenirs précis ».

Cette année, France a repris la route de Saint-Tropez avec Pauline et Raphaël. Elle a retrouvé la grande maison, les pins sous le ciel bleu. Mais cette fois, les souvenirs n’ont plus la même violence. France sait, au plus profond d’elle-même que Michel n’est pas parti à jamais le 2 août 1992. Ce jour-là, il s’est seulement endormi d’un étrange sommeil. Un sommeil qui l’a conduit là-bas, en un lieu inconnu mais bien réel, duquel il continue de veiller sur elle par-delà la mort …


Par Bruno Samson
Date : 30 juillet au 5 août 1994
Numéro : 2500

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