En 1992, le cœur du génial compositeur s’arrêtait en plein tempo, laissant un grand silence dans celui de son épouse.
Durant vingt ans, ce couple modèle de la chanson française a écrit la musique d’un amour fusionnel qui résonne encore aujourd’hui.
Novembre 1963, sans le savoir France Gall et Michel Berger se côtoient pour la première fois. Dans le Hit-Parade de « Salut les copains », le premier succès de la jeune yéyé « Ne sois pas si bête » se place juste derrière celui de son homologue masculin « Tu n’y crois pas ». Mais l’histoire s’arrête là … À 16 ans, l’adolescente aux allures de nymphette enchaîne les succès.
« Sacré Charlemagne » la proclame reine des écolières tandis que Gainsbourg la sacre Lolita française numéro 1. Après « Laisse tomber les filles » (1964), l’artiste se joue de l’innocence de sa « Poupée de cire, poupée de son » (1965) avec « Les sucettes », mais le public digère mal la fantaisie. De son côté, après quelques succès modestes, Michel Berger a préféré se consacrer à la production, celle des deux premiers albums de sa compagne Véronique Sanson notamment, avant qu’elle ne le laisse le « cœur brisé » en 1973, à l’image de celui qui illustrera la pochette de son premier album solo. La même année, France Gall connaît un passage à vide, elle est avide de travailler avec Michel dont le titre « Attends-moi » inonde les ondes.
Telle une groupie, elle provoque la rencontre dans le couloir d’une radio, il l’invite chez lui autour de son piano, elle tient à lui faire écouter des chansons qu’elle a travaillées avec sa maison de disques : « Il m’a dit que c’était nul évidemment. Et puis on a parlé, on s’est mis très vite au piano. »
Elle pose sa voix sur « Mon fils rira du rock’n’roll », un des titres du nouvel album de Michel Berger. Six mois plus tard, il accouche d’un titre qui parle de l’amour qu’il va rencontrer un jour : « Je ne pourrais jamais te dire tout ça ; je voudrais mais je n’oserais pas ; j’aime mieux mettre dans ma chanson, une déclaration, ma déclaration ». C’est une déclaration d’amour que lui propose Michel Berger. La chanteuse populaire n’adhère pas immédiatement à la rythmique sensuelle du morceau, elle s’attendait à autre chose. La jeune femme ne tombe pas immédiatement sous le charme, elle partage déjà la vie de Julien Clerc. Finalement la complicité musicale de Gall et Berger se transforme en romance passionnelle. « A force de le connaître, de le rencontrer, de travailler au piano, je suis tombée amoureuse de lui », confia France Gall. Et d’ajouter : « J’ai vraiment eu le sentiment que ma vie commençait quand je l’ai rencontré. C’est vraiment à ce moment-là que je suis née ».
Ils se marient deux ans plus tard, le 22 juin 1976, elle a 28 ans, lui 29. Pauline nait en 1978, Raphael en avril 1981. Pudique, Michel se livre en musique. Après dix ans d’amour, son titre « Lumière du jour » est une véritable ode à sa femme (« Tu es ma lumière du jour, tu es mon ultime recours, et si le poids se fait trop lourd j’appelle ton nom à mon secours » ). Au début des années 1990, le couple sort enfin un album entier de duos, intitulé« Double jeu», mais en août 1992, deux mois à peine après sa sortie, le cœur de Michel Berger se brise après une partie de tennis dans leur maison de campagne de Ramatuelle. Si Michel s’envole au « Paradis blanc », France reste pour « Laissez passer ses rêves. » C.F
Magazine : Jour de France
Date : Décembre 2015
Numéro : 58