La fiancée des Français (Presse)

Dans ce numéro hors-série de France Actu, découvrez 70 pages de photos exclusives de son enfance à sa mort.

Une enfance baignée dans la musique

France Gall se prénommait en réalité Isabelle (Geneviève Marie Anne) Gall : un prénom de princesse pour celle qui allait, quelques années plus tard, devenir la reine du Top 50. Elle ouvre ses grands yeux bruns sur le monde le 9 octobre 1947, dans le XII’ arrondissement de Paris. Elle fait la fierté de ses parents, Robert Gall et Cécile Berthier. Papa et maman Gall sont déjà bien connus du monde de la musique : Robert Gall est un auteur et chanteur dont la réputation n’est pas à faire : on lui doit, entre autres, les très célèbres « La Mamma » de Charles Aznavour (1963) et « Les amants merveilleux » d’Édith Piaf (1960). De son côté, Cécile Berthier est issue d’une famille où la chanson est un art de vivre : fille de Paul Berthier, le cofondateur de la Manécanterie des Petits Chanteurs à la Croix de Bois, elle est également la nièce de Jacques Berthier, organiste et compositeur, et a pour cousin Denys Lable, guitariste (qui accompagnera des artistes aussi connus que Julien Clerc, Francis Cabrel ou Michel Jonasz). Un palmarès familial impressionnant, qui conduira la future France Gall à se passionner très tôt pour cet univers riche, fantasque, et généreux en belles rencontres.

À LA MAISON, LES GRANDS NOMS DE LA CHANSON DEFILENT.

La famille Gall vit dans un milieu très bohème, et chez eux, ce sont tous les plus grands noms de la variété française qui défilent, pour le travail ou par amitié. Hugues Aufray, Claude Nougaro, la fille aux yeux d’or Marie Laforêt… Toutes les idoles en vogue côtoient Robert Gall et son épouse, et la petite Isabelle les considère à la fois comme des amis et des modèles. Charles Aznavour, la Môme (Édith Piaf) et Gilbert Bécaud, deviennent même des intimes de la famille : cette Mamma dont Robert écrira plus tard une chanson pour Aznavour, est en réalité la grand-mère Gall, qui a élevé seul son fils avec beaucoup de courage, après avoir perdu son époux lors de la Première Guerre mondiale. Un « presque lien de parenté », celui du cœur … deux histoires en parallèle, qui créeront entre le chanteur arménien et les Gall une profonde et solide amitié.

UNE ENFANCE SIMPLE ET HEUREUSE.

Les Gall, bien que bohèmes dans l’âme, mènent une vie très confortable et à l’abri du besoin. Ils possèdent trois lieux de résidence : l’appartement parisien bien sûr, où Robert se plaît à travailler. Mais aussi, et plus méconnus, une vieille caravane qui prend racine dans le jardin d’un ami à Noirmoutier, et une propriété à Pourrain, un petit village typique de l’Yonne. C’est dans ce dernier endroit que la famille passe une grande partie de ses vacances, pour le plus grand bonheur de la petite Isabelle. Aujourd’hui encore, à Pourrain, tout le monde se souvient de la jolie petite blonde au regard pétillant, qui s’amusait parmi les enfants du village. « Elle nous avait dit qu’elle s’appelait France Gall, mais que son vrai prénom c’était Isabelle. Nous l’appelions Isabelle », se remémore avec tendresse Josiane, une amie d’enfance et fille de forains. « Elle venait autour du manège de mes parents où il y avait de la musique, et fredonnait les chansons modernes de l’époque … » L’autre grand plaisir d’Isabelle, c’était les bals populaires, où elle s’adonnait à la danse avec ses deux frères …

AVEC PATRICE ET PHILIPPE, UNE TENDRE COMPLICITÉ.

Car Isabelle ne grandit pas seulement sous l’œil bienveillant des stars, mais aussi sous celui, plus farceur, de ses grands frères jumeaux, Patrice et Philippe, venus au monde un an avant elle. Tous les trois, ils font les quatre cents coups, sont élevés comme s’ils étaient des triplés. Grâce à eux, en voulant s’imposer comme une fille forte au milieu de garçons, Isabelle apprend à façonner son caractère. Lorsque la petite commence le piano à 5 ans (avec une facilité déconcertante), ce n’est que pour apprendre ses gammes et se tourner plus tard vers la guitare, puis d’intégrer le groupe formé par ses « frangins ». Elle est la petite dernière, la chouchoute comme on le dit alors, mais elle bénéficie également d’un grand talent naturel et d’un charisme certain ; surnommée affectueusement Babou, elle commence à se produire avec Patrice et Philippe, sous la neige parisienne l’hiver, ou sur les plages d’Atlantique l’été, Une enfance bohème, heureuse, de tendres souvenirs dans lesquels elle se réfugiera toute sa vie …

SOUS LE FEU DES PROJECTEURS.

Avant d’être projetée sur le devant de la scène, c’est donc en coulisses que la future France Gall apprend, patiemment, à connaître les rudiments la vie d’artiste. Souvent, son père l’emmène avec lui dans les loges de l’Olympia, et il n’est pas rare qu’elle manque l’école pour filer à Bruxelles applaudir Aznavour avec ses parents ! D’ailleurs, c’est à la fin d’un concert de celui-ci que la jeune Isabelle acceptera de chanter hors du cercle familial : son père avait révélé à Aznavour qu’elle chantait très bien, il lui a demandé un morceau à la fin du spectacle. Elle avait refusé tout net, avant de se laisser convaincre … et de subjuguer me grand Charles ! Elle est particulièrement proche de son père bien-aimé, qui lui donne le surnom de « petit caporal », en rapport avec son caractère très affirmé. Petit à petit, c’est la chanson qui attire Isabelle par-dessus tout. Et l’on découvre qu’elle a une très jolie voix ! Robert Gall la pousse à s’entraîner plus, à travailler ses intonations, puis quand il estime qu’elle est fin prête, l’enregistre enfin. Nous sommes en 1963, elle a à peine 16 ans, et les cassettes sont aussitôt envoyées chez Philips, à l’éditeur de musique Denis Bourgeois. La machine France Gall est en marche, et désormais, plus rien ne l’arrêtera …

16 ans déjà, et déjà sur les ondes !

Adolescente, l’engouement d’Isabelle Gall pour la musique ne faiblit pas. Elle aime chanter et donne son premier concert privé dans l’atelier d’un cousin du sculpteur François Brochet, Noël Brochet. Pourtant, elle n’envisage pas forcément de faire une carrière de chanteuse, et c’est son père qui la pousse à exploiter ce talent. En 1963, pendant les vacances de Pâques, il la convainc d’enregistrer quelques chansons. Certain du don que possède sa fille, il va remettre les bandes à un éditeur musical : Denis Bourgeois, déjà directeur artistique de Serge Gainsbourg. Le 11 juillet, la jeune Isabelle rencontre ce dernier à l’occasion d’une audition qu’il lui propose de réaliser au théâtre des Champs-Élysées. Denis Bourgeois se laisse charmer par sa voix, et repère le potentiel de la chanteuse. Mineure, Isabelle ne peut pas signer son contrat, et c’est pour elle que son père signe chez Philips où elle débute sa carrière avec les plus grands. Elle enregistre ainsi quatre morceaux en collaborant avec l’arrangeur, jazzman et compositeur Alain Goraguer, aussi collaborateur de Boris Vian et Gainsbourg.

QUAND ISABELLE DEVIENT FRANCE GALL.

Si la jeune femme a la chance de débuter avec de grands artistes, elle découvre aussi les contraintes des stratégies imposées par sa direction artistique. C’est à regret qu’elle doit abandonner le prénom d’Isabelle pour la scène, car à l’époque, une autre vedette porte déjà ce prénom : Isabelle Aubret. Afin de la démarquer, et sans vraiment lui demander son avis, on lui choisit le nom de « France Gall ». Dans son autoportrait France Gall par France Gall diffusé sur France 3 en 2001, elle confiait : « J’ai toujours été contre “France’: je trouvais que c’était trop dur. “Isabelle’, ça me correspondait, ça me plaisait. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour que je me mette à aimer mon nom. Et maintenant c’est “France Gall”. C’est exactement moi. » Le 9 octobre 1963, France Gall a 16 ans et, pour son anniversaire, ses titres sont pour la première fois diffusés à la radio. « Ne sois pas si bête » rencontre un franc succès auprès des auditeurs, et la chanteuse vient se placer à la 44′ place du hit-parade de Salut les copains, juste derrière celui qui deviendra l’amour de sa vie : Michel Berger et sa chanson « Tu n’y crois pas ». Elle devance d’une place Aznavour qui interprète une chanson composée par le père de la jeune chanteuse :”La Mamma”

LES PREMIERS PAS D’UNE ARTISTE SOUS TUTELLE.

C’est à cette époque que Denis Bourgeois aura l’idée lumineuse de faire collaborer France Gall avec son protégé Serge Gainsbourg. La jeune chanteuse avait redoublé sa troisième au lycée Paul-Valéry, mais le succès qui la gagne la pousse à quitter l’école et France Gall fait ses premiers pas sur scène où elle se produit pour la première fois en première partie de Sacha Distel, à Bruxelles. La chanteuse est entourée des grands du métier, mais son manque d’expérience et son jeune âge ne lui permettent pas de défendre son répertoire. Elle se félicite néanmoins d’interpréter des chansons originales, alors que de nombreux chanteurs préfèrent adapter des succès anglo-saxons. À ce sujet, elle confie plus tard au micro de France Inter en 1976 : « Une interprète, déjà qu’elle n’écrit pas les paroles et la musique, si en plus elle pique les chansons des autres, si elle ne crée pas de chansons, cela n’a pas un grand intérêt. » C’est ainsi que France Gall, aidée par une flopée de grands auteurs et compositeurs français et bien sûr de Serge Gainsbourg, forge sans qu’elle ne le choisisse vraiment, son image de « Lolita française ». Mais sa carrière ne fait que commencer, alors que l’amour et l’émancipation artistique l’attendent …

Sacré Charlemagne, la chanson qui l’a rendu star !

Qui a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école ? », ce n’est en réalité pas Charlemagne, mais grâce à France Gall, c’est ce que tout le monde a retenu. Car qui ne connaît pas cette chanson et son refrain, qui entrent en tête pour ne jamais en sortir ? C’est le premier disque de France Gall, mais aussi son premier succès : classé numéro 2 en France, il finit par faire le tour du monde et est vendu à 2 millions d’exemplaires. Il devient très connu en Turquie, en Espagne et reste en tête des charts pendant deux ans au Japon ! Il a été traduit en 16 langues, et la toute jeune chanteuse l’a enregistré dans plusieurs langues, dont l’allemand, l’anglais et le japonais, quelle a appris phonétiquement pour interpréter la chanson.

Aujourd’hui encore, les écoliers la connaissent par cœur, elle a traversé les époques en gardant son esprit enfantin. En Algérie, elle était même devenue l’hymne du mouvement pour la jeunesse, et elle a donné le nom d’une rue dans les Ardennes !

FRANCE GALL NE VOULAIT PAS SORTIR LE DISQUE.

C’est son père, Robert Gall, qui a écrit les paroles, sur une musique composée par Georges Liferman. Nous sommes en 1964. Ses managers la pressent d’enregistrer la chanson, qui ne la convainc guère. Pourtant, cette chanson a bien failli ne jamais voir le jour. La faute à … France Gall, qui la détestait viscéralement ! Elle a expliqué, à plusieurs reprises, avoir été « forcée » à la chanter. Plus tard dans sa carrière, elle l’a complètement laissée de côté. Trois ans après la sortie de « Sacré Charlemagne », en 1967, elle déclarait déjà à la télévision : « Je dois dire que j’étais très, très contre, parce que c’était une chanson d’enfant et les musiciens et les personnes qui m’entouraient me disaient : “Mais pourquoi tu fais cette chanson, tu vas te ridiculiser, c’est grotesque, ne fais pas cette chanson !’: ce qui fait qu’au bout d’une semaine [ … ], j’ai téléphoné à mon imprésario, il devait être 3-4 heures du matin, et je lui ai dit : « Je vous en supplie, arrêtez la sortie du disque, je ne veux pas que ce disque sorte, je ne veux pas que “Charlemagne” sorte ! ».

« J’EN ÉTAIS MALADE »

Malgré le souhait de France Gall, « Sacré Charlemagne » est tout de même sortie, la propulsant au rang de star des yéyés, mais lui collant, de fait, une étiquette : celle de la chanteuse pour enfants, naïve et pas très crédible. Alors que France le disait dès ses débuts : elle voulait faire de la musique pour les adultes. Il faudra attendre Michel Berger pour donner le second souffle qu’elle souhaitait pour sa carrière. Et un sérieux ménage dans son entourage professionnel. Car, pendant longtemps, France Gall a été la poupée chantante de ses managers : Gainsbourg, son propre père … Jeune et impressionnable, elle faisait ce qu’on lui disait de faire, même si cela ne lui plaisait pas. Des années et des années après la sortie du single, elle confessait, dans l’émission Fan 2 sur M6 : « “Sacré Charlemagne’: j’en étais malade, je me souviens, je n’aimais pas du tout ça. Je ne l’aimais pas et pourtant je l’ai laissée sortir. C’est vous dire à quel point je ne maîtrisais pas la situation. » La rébellion viendra avec l’âge : une fois la place nette faite, France Gall entamera sa seconde carrière, celle qui lui a fait quitter l’étiquette de chanteuse naïve des yéyés pour devenir une des chanteuses les plus populaires en France, avec un des répertoires les plus fournis. La preuve qu’on peut se renouveler, mûrir, grandir et évoluer : les albums qu’elle fera par la suite n’ont plus rien à voir avec « Sacré Charlemagne » ! Mais elle garde une place spéciale : celle de nos souvenirs d’enfance.

Gainsbourg, son improbable binôme

Je fais 12 titres sur un 33 tours […], sur ces 12 titres 2 passent sur les antennes, et les 10 autres sont parfaitement ignorés. J’écris 12 titres pour 12 interprètes différents, et les 12 sont tous des succès », confiait Serge Gainsbourg dans une interview, à propos de ses débuts dans la chanson. Avant de rencontrer France Gall, Serge Gainsbourg n’est pas pour ainsi dire un artiste à succès. Ses chansons ne sont pas appréciées du public à leur juste valeur, et il n’a pas encore trouvé comment s’en sortir financièrement et professionnellement. Il est même prêt à renoncer à sa carrière, devant son insuccès … Jusqu’à ce qu’il accepte de travailler pour cette mystérieuse chanteuse au carré blond, et heureusement pour lui, car cela marque le tournant le plus important de sa vie en tant que chanteur. Ils commencent alors à travailler ensemble, et c’est le 20 mars 1965 que la donne change pour les deux artistes. Le soir de l’Eurovision, France Gall représente le Luxembourg et chante « Poupée de cire, poupée de son », une chanson écrite par son collaborateur tout neuf. Malgré le mauvais souvenir que garde France de !’Eurovision, c’est une étape hautement importante pour elle. Le duo remporte l’émission, ce qui les propulse : depuis ce jour, plus rien ne fut pareil, et ils connurent le succès. Dans une interview, France Gall dira plus tard ceci : « On me dit que j’ai permis à Gainsbourg de devenir ce qu’il est devenu, que grâce à « Poupée de cire, Poupée de son » : sa carrière artistique a pris son envol. Pendant longtemps, je n’ai jamais pensé que je lui avais apporté quoi que ce soit en dehors de l’argent. » Et pourtant, en effet, c’est bien plus que de l’argent qu’elle lui a apporté. Elle fit rayonner ses titres, leur collaboration artistique les mena au succès. France Gall continue dès lors à enchaîner les titres signés Gainsbourg : elle meut sa douce voix au gré de sa plume dans des chansons à succès comme « Baby Pop », « Laisse tomber les filles », « Nous ne sommes pas des anges », « Les sucettes », « Les petits ballons » … et bien d’autres. Les paroles de Gainsbourg et le physique et la voix de France, voilà les clés de leur succès.

QUAND SERGE L’HUMILIA FACE À LA FRANCE ENTIERE.

Et puis vint le jour de la trahison, de l’humiliation pour la naïve France Gall. Lorsque Gainsbourg écrit la chanson « Les sucettes », il l’écrit avec un but précis : se servir de l’image fantasmagorique de femme enfant de la jeune blonde pour en faire de façon subliminale une icône sexuelle. Sur le modèle des Lolitas américaines, comme c’était la mode à l’époque, Serge Gainsbourg met dans la bouche de France des paroles à double sens, et qu’elle-même ne saisit pas entièrement. « Pour quelques pennies Annie a ses sucettes à l’anis elles ont la couleur de ses grands yeux, la couleur des jours heureux », telles sont les paroles de la fameuse chanson. Cependant, France Gall les prend littéralement : elle pense chanter l’histoire d’une petite fille qui apprécie les sucreries que son épicier lui vend gentiment. Pour Serge, la sucette n’est autre qu’un symbole phallique subrepticement caché entre les lignes : il s’agit de rien d’autre que la pratique sexuelle de la fellation. Une fois la chanson sortie, c’est le scandale, c’est le tollé médiatique pour la jeune blonde, qui peine à prendre conscience de ce qu’elle a fait. C’est en 2015 quelle raconte au Parisien : « Je n’en comprenais pas le sens et je peux vous certifier qu’à l’époque personne n’en comprenait le double sens. Quand il a écrit la chanson, je me voyais aller acheter ma sucette. C’était l’histoire d’une petite fille qui allait acheter ses sucettes à l’anis. […] Mais en même temps, je sentais que c’était pas clair, c’était Gainsbourg quand même ! Mais il me l’a jouée et je l’ai tout de suite trouvée très, très jolie, j’ai adoré la chanson. » Serge Gainsbourg, son collègue le plus proche, le coup de foudre musical avec qui elle avance depuis des mois, lui a fait un mauvais coup, il s’est joué d’elle, et désormais c’est trop tard pour revenir en arrière. C’est ainsi que Gainsbourg est parvenu à devancer une femme dont il s’est servi comme d’une poupée, de façon déloyale, pour attirer le succès à lui tout seul. Cinquante ans plus tard, la principal intéressée va jusqu’à l’insulter de « gros cochons » et explique : « Ça a changé mon rapport aux garçons. Ça m’a humiliée. » Il lui a manifestement infligé un terrible traumatisme en la trahissant de la sorte.

LA FIN D’UN DUO POUR AUTANT ?

Interviewé par la presse, Serge Gainsbourg s’enfonce plus tard dans l’ignominie de sa trahison : « France était trop bébête pour être une Lolita. Une Lolita ça doit quand même savoir allumer. Elle ne m’allumait pas du tout… Hé hé hé … J’avais l’essence, mais elle n’avait pas le briquet. » Il ira même jusqu’à dire : « J’ai retourné ma veste parce que je me suis aperçu que la doublure était en vison. » En d’autres termes, il assume clairement et sans détour sa trahison, et admet avoir été un lâche en favorisant le profit et le succès plutôt que l’amitié et la collaboration avec France Gall. Malgré toute cette histoire, le duo reviendra un peu plus tard sur le devant de la scène avec des titres tout aussi controversés dans leur sens, tels que « Les petits ballons » dans lequel France Gall incarne une poupée gonflable, ou encore « Teenie Weenie Boppie », une chanson qui parle de LSD … Bref, une chose est sûre, France Gall en a vu de toutes les couleurs dans sa collaboration avec le grand, l’insigne, l’unique parolier et chanteur Serge Gainsbourg. Elle l’a emmené au plus haut en travaillant avec lui, mettant en valeur ses paroles de maître, et a elle-même fait l’unanimité grâce à ses chansons. Il l’a trahi, certes, mais leur travail ensemble était sans égal et leur a permis d’entrer dans l’histoire de la musique française, en les érigeant en véritables icônes de leur époque. L’époque Gall et Gainsbourg, tous les Français s’en souviennent, car leur musique, intemporelle, est ancrée au cœur du patrimoine français.

L’Eurovision, victoire, coups et humiliation !

Nous sommes en 1965, France Gall représente le Luxembourg dans une des émissions les plus connues d’Europe. Elle arrive devant le jury, la boule au ventre, pour se produire enfin. Elle doit interpréter une chanson que son confrère, Serge Gainsbourg, a écrite spécialement pour elle. Il s’agit de « Poupée de cire, Poupée de son », une chanson aujourd’hui connue de tous … Mais France, malheureusement, a très peu confiance en elle et sent, d’ores et déjà, quelle va perdre.

Elle y va alors tête baissée, et les huées des musiciens quelle a subies toute la journée n’arrangent rien. Sa victoire, elle la qualifie de « drame absolu », après les faits. C’est une France Gall intimidée et sur laquelle on s’acharne qui se présente alors pour chanter. À sa grande surprise, la voilà qui remporte l’émission ! Elle ne mesure pas encore sa chance, ni son mérite, car elle a la tête ailleurs. Sur le moment, elle a la victoire amère, tout d’abord car elle n’y croyait pas, mais surtout parce qu’elle s’attendait à tout, sauf à ça. Mais le drame ne fait que commencer …

EN COULISSES, C’EST LA CATASTROPHE !

Après sa victoire, elle se précipite en coulisses pour annoncer la bonne nouvelle à son compagnon, le célèbre Claude François. La bonne nouvelle se transforme alors en une très mauvaise surprise : par jalousie et caprice, son homme est mécontent de sa victoire et décide de la quitter sur-le-champ. France Gall se retrouve célibataire, sans prévenir, sur le plateau de la grande émission. Que faire ? C’est alors difficile pour France de remonter sur la scène et d’embrasser la victoire dignement alors que, cinq secondes plus tôt, elle se faisait malheureusement quitter entre deux chansons par son homme. Pour couronner le tout, elle se fait même … gifler par une concurrente ! En effet, c’est la chanteuse qui concourait pour le compte de l’Angleterre qui, jalouse et déçue de ne pas avoir été choisie, la violentera dans les coulisses après l’annonce de sa victoire. Une chose est sûre, les éléments se sont déchaînés contre elle ce soir-là, et ces événements resteront gravés à jamais dans sa mémoire. C’est ce genre d’expérience, en effet, qui ont fait d’elle la femme qu’elle est devenue tout au long de sa carrière.

UNE VICTOIRE CATASTROPHIQUE ET INSIGNIFIANTE POUR ELLE

Décidément, entre une histoire d’amour qui finit mal un soir où tout aurait dû être parfait, une gifle reçue d’une inconnue jalouse, et une victoire quelle reçoit tant bien que mal malgré la déception … Ce ne fut pas vraiment la soirée rêvée pour notre France Gall nationale. Des années plus tard, la chanteuse revient sur cet épisode éprouvant de sa vie. Elle a 67 ans lorsqu’elle raconte ceci au micro de Stéphane Bern : « Je me suis fait huer par les musiciens tout l’après-midi, pendant les répétitions. J’y suis allée, dans ma tête, tellement perdante, qu’après avoir chanté, j’ai dit à la personne qui m’accompagnait, sortons de là, j’ai besoin de boire une verre de lait, quelque chose. […] J’étais avec un garçon et j’ai demandé à ce qu’on appelle ce garçon quand j’ai gagné. Et ce garçon, juste avant que je monte sur scène, pour aller rechanter ma chanson, il me dit, « Je te quitte ». Donc moi, qui étais très amoureuse, je pleure. Et on me pousse sur scène et on voit que j’ai plein de larmes, mais ça n’a rien à voir avec le fait que j’ai gagné. » Toujours digne, et comme si elle ne voulait pas se remémorer un souvenir amer, elle ne cite jamais le nom du célèbre Claude François, son petit ami de l’époque, le coupable de son mal-être ce fameux soir de 1965. C’est ainsi que, alors que c’est un de ses premiers et plus grands succès sur scène, cela reste encore un de ses pires souvenirs.

Claude François, une rupture si douloureuse !

Ils se rencontrent alors qu’elle n’a que 17 ans. Elle est toute fraîche dans le monde de la célébrité, n’a pas encore rencontré tous les requins du domaine : elle est naïve, jolie, elle a tout pour lui plaire et vice versa. Claude François, lui, en a 25 et sa carrière s’est déjà enflammée en France : il a les filles à ses pieds, les caméras braquées sur lui, ce n’est que le début d’une longue folie, la folie Cloclo. Et pourtant, ils restent discrets quant à leur histoire d’amour. Peu de gens savent leur bonheur, peu de gens partagent leurs tendres secrets, mais leur relation est très passionnelle. On connaît d’ores et déjà, des années plus tard, le caractère impétueux, capricieux et possessif de la star aux cheveux blonds. Claude François, j’entends, et pas sa belle France Gall. Il a le caractère que possèdent un grand nombre de stars, que le succès enivre jusqu’à plus soif. C’est ce qui mènera le couple à sa perte, ou du moins à leur séparation en 1965. C’’est avec beaucoup de douleur que Claude quitte France, qui se retrouve seule à contrecœur. C’est avec une grande douleur quelle essuie cette rupture, mais grâce au passage des années et à la célébrité qui ne tarde pas à arriver dans sa vie, elle parvient à se reconstruire, tant bien que mal, s’offrant tout de même le titre d’icône de la chanson française. Elle réussit à construire son propre personnage et à mener de front une incroyable carrière dans la musique, malgré une peine de cœur de jeunesse.

LA RAISON SORDIDE D’UN AMOUR SI TOXIQUE.

L’anecdote qui concerne Alain Delon est très révélatrice. Alors que France devait donner la réplique à ce dernier dans un film, dans lequel on lui avait proposé un rôle important, elle s’était vu refuser l’offre parce que la scène impliquait qu’elle embrasse Alain Delon. Il s’agissait du film « Adieu l’ami », réalisé par Jean Herman. Mais comment France, qu’on connaissait de nature plutôt intrépide, mais surtout comme une femme libre et qui n’avait jamais froid aux yeux, en est-elle venue à un refus qui aurait pu mettre en péril sa carrière alors toute jeune ? Interviewée par Alessandra Sublet sur le plateau télévisé de France 5, dans l’émission C à vous, elle expliquait la raison de ce refus. C’était tout bonnement à cause de sa relation avec Claude : « J’étais avec quelqu’un, et pour moi, il était impensable d’embrasser quelqu’un d’autre, y compris Alain Delon. » Et pourtant, la star disait ne rien regretter pour autant, sous-entendant qu’elle aurait dans tous les cas privilégié son histoire d’amour : « Le cinéma, ce n’était pas du tout pour moi. Mon métier, c’est d’être moi-même. Acteur, c’est le contraire. J’ai toujours été incapable de jouer un personnage. » C’est avec cette authenticité, propre à sa personne, qu’elle a entre autres su conquérir le cœur de la France et des Français, qu’elle est devenue une personnalité très appréciée du public, en plus d’une icône de la chanson. Tout le monde voulut savoir les raisons de sa rupture avec Claude François, une rupture aussi soudaine qu’incomprise. C’est des années plus tard que les Français découvriront, derrière le visage angélique de Claude François et derrière ses musique entraînantes, son caractère possessif et capricieux.

CLAUDE FRANÇOIS, UNE STAR DIFFICILE À VIVRE AU QUOTIDIEN ?

C’est en partie cet possessivité excessive qui a détruit leur relation, pourtant si belle à ses débuts. Dans le film Cloclo, qui retrace la vie du roi de la pop, on assiste à une scène de rupture très douloureuse pour les deux protagonistes. France Gall, interviewée quelques jours après la sortie du film en 2012, témoignait que le film ne lui avait pas déplu, toute douloureuse et vraie que soit la représentation de ses trois ans passés auprès de Claude. Elle dit même avoir apprécié le choix de son double à l’écran : « J’ai trouvé la comédienne charmante, mais je ne me suis pas reconnue. En revanche, sur Claude François, c’était assez proche de ce qu’il était. […] Claude n’était pas quelqu’un de facile. Personne n’était heureux autour de lui. » Autrement dit, la voilà qui s’expliquait dans la presse, des années plus tard, par rapport à sa relation difficile avec la star capricieuse. C’est un souvenir morbide que le film réveille en réalité pour elle, c’est pourquoi elle est restée discrète pendant des années à ce sujet. Embrasser Alain Delon était impossible pour elle parce que, comme elle l’a dit, elle était amoureuse de Claude. Mais au fond, n’avait-elle pas peur de la crise conjugale ? Est-ce que la possessivité et la jalousie en couple de Claude François n’était pas un danger pour elle, et n’est-ce pas plutôt cela qui les a conduit à la souffrance de la rupture ? Quoi qu’il en soit, leur relation était néfaste à leur bien-être, et c’est sans doute pour cette raison qu’elle n’aura duré que trois ans. Tout juste assez pour en faire un couple emblématique de la chanson française, mais beaucoup, beaucoup trop peu pour vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants. C’est une relation qu’elle a eue très jeune, qu’elle a parfois regrettée, parfois non, dont elle a dû se souvenir longtemps à cause de la bruyante célébrité du principal intéressé et que, pour finir, elle a enterrée au plus profond de son cœur, à sa mort.

UNE EXPÉRIENCE QUI LA FORGÉE

Malgré tout, les peines de cœur font partie de ce qui nous aide à grandir dans la vie. France Gall était en couple avec Claude François de ses 17 à ses 20 ans, c’est à peine si elle était sortie de l’adolescence. On peut dire qu’elle en a appris beaucoup de cette relation. L’actrice qui incarne France dans le film Cloclo de 2012, Joséphine Papy, s’exprime notamment sur le rôle difficile qu’elle a tenu. « Elle a vécu des moments très douloureux. […] Et elle en est sortie la tête haute avec une force hallucinante. Je pense d’ailleurs que la scène où elle dort sur le palier de Claude François a constitué un tournant dans sa vie. Comme le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Elle a donc dû énormément souffrir de cette image de gamine qu’on lui renvoyait par la suite. » Et c’est là une preuve que France s’est forgée après cette expérience difficile avec un homme qui lui menait parfois la vie dure. L’amour et les déceptions servent à ça, et France s’est évidemment pliée au célèbre principe de Nietzsche : « Ce qui ne te tue pas, te rend plus fort. » Ainsi elle a construit sa carrière en oubliant la douleur, année après année.

Son histoire d’amour avec Julien Clerc

C’est une histoire que beaucoup ont oubliée, et dont il ne reste pas beaucoup de traces. Peu de couvertures de magazines, d’interviews, de duos ou d’archives télé. Et pourtant, France Gall et Julien Clerc ont formé un couple pendant plus de cinq ans. En 1969, France Gall panse encore ses plaies. Claude François l’a quittée de manière peu élégante un peu plus tôt. Elle a le cœur brisé et imagine qu’elle ne retombera plus jamais amoureuse. C’est alors qu’elle croise le chemin d’un chanteur débutant et très charmant, Julien Clerc.

« DUO POUR UNE ROMANCE »

À l’époque, il commence à peine son ascension : Julien Clerc a été choisi pour jouer dans l’adaptation en français de la comédie musicale Hair. Il a mis du temps à se laisser convaincre, mais il triomphe au théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. La comédie hippie devient un succès. C’est ici que France le rencontre et que leur idylle naît, en coulisses. Ils sont jeunes, ils ont à peine la vingtaine, et ils tombent follement amoureux. La même année, ils feront même la couverture de Salut les copains, qui leur consacre un petit reportage : « France et Julien : Duo pour une romance ». Leur relation est officielle, et sérieuse. Ils achètent même une maison en Bourgogne, près de celle des parents de France. Julien devient vite un membre de la famille Gall, il embauche l’un des frères de France, Philippe, et deux de ses cousins comme musiciens.

FRANCE, UNE PASSADE ?  

En 2011, Julien Clerc revenait sur cette histoire d’amour dans une interview dans Paris Match : « Elle venait me chercher à la sortie du spectacle avec sa Porsche. J’étais un peu inconscient, en ce temps-là … Je ne faisais pas vraiment attention à sa carrière. Moi, je traçais. Nous étions deux personnes connues, du même âge. Salut les copains nous a pris en main et nous avons fait quelques sujets charme, dont un voyage à Marrakech », confiait-il alors. Il en gardait un souvenir mitigé, visiblement : « Notre histoire est un joli souvenir, mais France est moins importante que mes autres femmes, car nous n’avons pas eu d’enfants ensemble. J’étais très proche, en revanche, de sa famille. J’aimais beaucoup ses frères, ses parents. » S’ils n’ont pas eu d’enfants ensemble, c’est parce que Julien ne le souhaitait pas, pour des raisons bien particulières, qui ont finalement eu raison de leur couple …

IL NE VOULAIT PAS ÊTRE VU AVEC ELLE …

En cause, l’orgueil de Julien, et les idées alambiquées de ses managers : il est jeune et beaucoup de jeunes femmes sont amoureuses de lui. Pour conserver son image de séducteur, de playboy, ses managers lui conseillent de cacher sa relation avec France. Ce qu’il fera, la chanteuse viendra à ses concerts grimée, portant des perruques, afin que personne ne la reconnaisse et que Julien bénéficie toujours de cette image d’éternel célibataire. France, elle, ne rêve que de mariage et d’enfants. Mais Julien lui préfère les strass et les paillettes. Après avoir passé cinq ans à faire profil bas, France Gall est lassée, elle quitte Julien. Elle mérite mieux que ça, sa carrière est en déclin et son amoureux la cache, presque honteusement. Julien Clerc vivra très mal cette rupture, réalisant qu’il a perdu la femme qu’il aimait. Son album suivant sera sombre et triste, à l’image de son moral. Il chantera pour elle « souffrir pour toi n’est pas souffrir », orchestrée par le frère de France, Philippe Gall. « Si un jour tu veux revenir, sans mots, sans pleurs, sans même sourire », chante le jeune homme, espérant que France revienne. Mais elle ne le fera pas.

LASSÉE, FRANCE EST PARTIE.

Pour adoucir ses peines de cœur, France Gall a décidé de se remettre au travail. Sa carrière est dans le creux de la vague depuis quelques années, elle s’est laissée allée dans une histoire sans réciproque, où elle n’a pas obtenu en retour tout l’amour qu’elle donnait sans compter. C’est là qu’elle rencontre Michel Berger, et qu’une nouvelle vie commence. Face à Michel Berger, Julien Clerc ne fait pas le poids. Il finira par retrouver l’amour avec l’actrice Miou-Miou, rencontrée sur le tournage du film « D’amour et d’eau fraîche » : à l’époque, elle est en couple avec le comédien Patrick Dewaere. Ils ont une fille d’un an et se déchirent mutuellement. Elle le quitte pour Julien. L’histoire dit que Patrick Dewaere serait venu sur le plateau pour casser la figure du nouveau petit ami de Miou-Miou : à l’époque, l’actualité people était brûlante !

UN DERNIER HOMMAGE

En 2003, Julien Clerc avait fait son mea culpa sur France 3 : « Elle devait se poser des questions, elle était peu satisfaite, à mon avis, de son métier, et le fait de tomber amoureuse de quelqu’un qui était en pleine lumière n’a pas arrangé les choses. Si elle a mal vécu ce moment-là, si ce n’est pas une période très heureuse pour elle, je le regrette … Il est vrai que j’étais jeune, en ascension, égoïste. Lorsqu’elle a rencontré Michel, il lui a apporté ce qu’elle cherchait, un renouvellement, et j’ai senti assez vite qu’il y avait plus qu’une histoire d’amour. C’était difficile à accepter pour un jeune homme un peu orgueilleux, mais la suite a prouvé qu’elle avait raison. » Le jeune homme égoïste a mûri, depuis. Évidemment, et heureusement. Et il garde un souvenir ému de celle qui a partagé sa vie il y a bien des années : « France, nous avions 20 ans, des bonheurs, des chagrins. Une part de ma vie s’en va avec toi. Julien », écrit-il sur les réseaux sociaux, en apprenant son décès. Quelques mots simples, sans chichis, mais en même temps profonds et sincères. Le souvenir d’une autre vie, d’un amour lointain.

Véronique Sanson, sa rivale de toujours.

En couple avec Michel Berger, Véronique Sanson avait rompu sur un coup de tête ce 26 mars 1972. Elle avait subitement quitté le studio d’enregistrement en prétextant aller chercher des cigarettes, pour ne plus revenir. À la place, elle s’était rendue aux États- Unis pour rejoindre le musicien Stephen Stills, quelle avait rencontré alors qu’il était en tournée en France et pour lequel elle avait eu un coup de foudre. Profondément meurtri, Michel Berger avait repris goût à la vie après sa rencontre avec France Gall qui avait, de nouveau, fait battre son cœur. Une relation que Véronique Sanson n’a jamais acceptée … n’ayant pas réussi à oublier son ex-compagnon ?

MAUVAISE JOUEUSE ?

Véronique a épousé Stephen Stills et eu un enfant avec lui, Christopher, mais l’idylle n’a pas duré. Michel Berger, de son côté, filait le parfait amour avec la belle France Gall. L’ancienne compagne oubliée s’est alors mise à affirmer que le chanteur et elle communiquaient par titres interposés, et à voir dans ses paroles des messages d’amour et de regrets qui lui étaient adressés. De l’histoire de son ex-amie et son ex-amant, elle a déclaré qu’il s’agissait d’un « amour de substitution », ce que la blonde n’a pas accepté. Dans le livre Douce France, l’auteur Alain Wodrascka a cité la réaction de la chanteuse : « Je trouve cela insultant. Je ne connais pas une femme au monde qui ne trouverait pas cela insultant. […] Quand elle dit que Michel lui a adressé “Seras-tu là” alors que lui et moi commencions à vivre ensemble, elle laisse penser que Michel était quelqu’un de malsain. Cela remet nos vies en question. L’œuvre de Michel aussi. » Pourtant Véronique Sanson s’acharnait à minimiser leurs différends.

L’UNE MINIMISAIT …

À Europe 1, Véronique Sanson a confirmé ne pas avoir gardé contact avec France Gall malgré leur amitié passée, assurant cependant qu’elle aurait bien voulu sauvegarder leur amitié et prétendant que l’une comme l’autre n’aurait pas voulu être la cible des médias : « On doit avoir peur inconsciemment toutes les deux qu’on nous refiche Michel Berger dans les pattes. » Selon elle, leurs propos l’une envers l’autre auraient été déformés pour créer une fausse guéguerre : « Je me disais : “Mais pourquoi elle dit ça sur moi ?” et elle se disait sans doute la même chose. » Pourtant, d’après France Gall, leur relation ne se résumait pas à une simple brouille de deux anciennes amies à cause d’un homme.

… ET L’AUTRE PERSISTAIT ET SIGNAIT.

Toujours citée dans Douce France, la chanteuse a évoqué une douloureuse épreuve qui avait suivi le décès de Pauline : France Gall avait souhaité transférer la sépulture du père près de sa fille, alors que la famille Hamburger tenait à ce qu’il continue de reposer dans le caveau familial. La justice avait été saisie … Et l’ex-compagne s’en était mêlée : « Véronique Sanson semble avoir oublié qu’elle a témoigné contre moi lors d’un procès qui m’a opposée à celle qu’elle appelle sa “presque belle-sœur”, alors que nous souhaitions, notre fils et moi, inhumer, selon leurs vœux, Michel et Pauline ensemble au cimetière Montmartre. » France Gall a eu gain de cause … Et jusqu’à sa mort, elle n’aurait pas pardonné à sa rivale.

Le scandale des Sucettes.

Ce CD single de 2000 est une réédition au format CD, numéroté 2387, du 45 tours de 1966 Les sucettes qui contient 4 titres, dont le titre Les sucettes écrite et composée par Serge Gainsbourg.

Dans les années 60, France Gall partage avec Serge Gainsbourg la même maison de disques. Alors que la jeune femme vient de signer son premier succès avec « Ne sois pas si bête », son directeur artistique, Denis Bourgeois, cherche des titres qui pourraient renforcer sa notoriété naissante. Depuis quelques années, il est également le manager de Serge Gainsbourg qui, lui, peine à toucher un large public. Ses textes étant considérés comme trop intellectuels, ils restent cantonnés à une certaine élite parisienne. Mais Denis Bourgeois connaît la verve du jeune Serge et il a alors l’idée de le faire écrire pour la jolie blonde. Une brillante idée puisqu’en 1964, la chanson « N’écoute pas les idoles » écrite par Gainsbourg et interprétée par France Gall, se place en tête du hit-parade. Un an plus tard, c’est encore Gainsbourg qui écrit « Poupée de cire, Poupée de son », qui permettra à France Gall de remporter le concours de l’Eurovision, auquel elle participe pour représenter le Luxembourg. France Gall est alors propulsée au rang de star, les Français étant touchés par la voix fragile et fluette de cette jeune fille en fleur. Comme sa collaboration avec Gainsbourg ne lui apporte que des succès, France Gall a confiance en lui et n’a aucune raison de se méfier. Elle dira même de lui : “J’aimais bien sa timidité, son élégance et son éducation. C’était très agréable comme relation.”

« LES SUCETTES » LUI LAISSERONT UN GOÛT AMER.

Serge Gainsbourg aime les paradoxes et le mélange des styles. Aussi prend-il plaisir à faire chanter à cette jeune tête blonde des textes tantôt noirs, tantôt ironiques. Mais en 1966, il s’amuse à lui écrire « Les sucettes » dont le double sens est presque explicite, sauf pour la première intéressée. En effet, France Gall n’a que 19 ans lorsqu’elle chante « Annie aime les sucettes, les sucettes à l’anis. » Elle n’y voit que le sens premier, dans la même lignée que les autres chansons candides de son disque. Mais évidemment, les auditeurs ont bien compris la double lecture et la chanson devient très vite un véritable scandale, d’autant plus que Gainsbourg ne se gêne pas pour rire publiquement de ce décalage entre la fraîcheur immaculée de France Gall, et les mots osés qu’il lui fait prononcer, en toute ignorance. Lorsque la jeune femme comprend la supercherie, elle se sent humiliée et trahie. Du haut de ses 19 ans, elle n’a pas envie d’être assimilée à un scandale, surtout qu’elle n’a rien vu venir. À l’époque, elle dit d’ailleurs : « Je n’aime pas susciter le scandale. J’aime qu’on m’aime. » Réalisant qu’elle a été manipulée par Gainsbourg, elle décide de ne plus travailler avec lui. Mais la fin de sa collaboration avec l’auteur-compositeur sera synonyme de traversée du désert pour la chanteuse, jusqu’à ce qu’elle rencontre son nouveau mentor, Michel Berger, au début des années 80, qui enflammera à la fois sa carrière et son cœur. Pourtant, le titre « Les sucettes » restera un des grands classiques de son répertoire et ce qui fit scandale à l’époque est aujourd’hui considéré comme l’un des plus beaux coups de génie de Serge Gainsbourg.

France Gall et Michel Berger : un couple mythique !

Il y a certaines choses qui ne s’expliquent pas. Parfois, on croise la route d’une personne et on sait, au fond de nous, qu’elle nous est destinée. Alors forcément, ce n’est pas toujours évident des deux côtés, sinon, ce serait trop simple. Mais c’est ainsi qu’est faite la vie ! Souvent, il faut se battre pour ce que l’on veut. Et c’est exactement ce qui est arrivé à France Gall. En effet, lorsque la chanteuse rencontre pour la première fois Michel Berger, elle est comme foudroyée. Dégommée par la flèche de Cupidon. Cette rencontre a eu lieu en 1966, alors que la starlette traversait une sale période … En effet, sa carrière est au point mort après les nombreux succès qu’elle a connu dans les années 60, et elle vit terriblement mal d’être dans le creux de la vague. C’est alors qu’elle rencontre Michel Berger, lors d’une séance photo pour le magazine Salut les copains, avec Jean-Marie Périer. Timide, elle reste en retrait, l’observe et l’écoute parler, séduite par son charme naturel. Elle connaît ses qualités d’auteur-compositeur, puisqu’elle rêve de travailler avec lui, mais elle ne pensait pas que l’homme était aussi séduisant. Pourtant, elle ne cherche pas à l’aborder, ni à se démarquer des autres filles présentes ce jour-là. Non. Elle se contente de l’épier, secrètement, comme le ferait une adolescente qui vit son premier coup de foudre … Et elle va agir de la même façon lorsqu’elle va le croiser, la deuxième fois, dans les coulisses d’une émission télévisée. Pourtant, cette fois-là, elle se fait la promesse que lorsqu’elle le reverra, – et elle sait pertinemment qu’elle va le revoir-, elle ira le voir. Et c’est exactement ce qu’elle va faire lors du dîner organisé par la maison de disque WEA ! Ce soir-là, elle s’est faite belle afin qu’il ne voit qu’elle. Et lorsqu’elle l’aperçoit au bar, elle prend une profonde inspiration et va le voir pour lui demander de lui écrire une chanson. Manque de chance, Michel Berger n’est pas du tout intéressé ! Il décline poliment en souriant et fuit la conversation. Oui, mais voilà, France Gall sait ce qu’elle veut, et ce quelle veut, c’est lui. Et sur tous les points !

UN ACHARNEMENT QUI VA FINIR PAR PAYER !

Déterminée, France Gall ne va rien lâcher et va même réussir à obtenir ses coordonnées personnelles. « À ce moment précis, France ne veut pas lâcher l’affaire. Elle demande à son manager, Bertrand de Labbey, de contacter directement Michel Berger et d’essayer de le convaincre. Ce dernier lui explique que Michel Berger n’a pas l’habitude d’écrire juste une chanson pour un artiste. Quand il écrit, c’est généralement pour un album entier ! Mais France n’a rien voulu savoir, elle le voulait désespérément », écrit Pierre Pernez dans son livre « France Gall : comme une histoire d’amour ». Et puis, un jour, le chanteur se décide à écouter ses maquettes ! Hélas pour France, c’est la douche froide. Michel Berger n’aime pas du tout son timbre de voix et sa façon un peu niaise de s’approprier les chansons qu’elle chante. En apprenant que ses maquettes ne l’ont pas du touché, France Gall est blessée, abattue … Pourtant, une fois de plus, elle va redoubler d’efforts et ne va pas baisser les bras afin qu’il ne l’oublie pas, multipliant les attentions à son égard. Une détermination dont l’écrivain Alain Wodrascka va parler dans son livre Douce France, paru en octobre 2015 : « Quand un peu plus tard elle a vu Michel Berger à la télévision, elle a dit à un ami j’aurai ce mec et j’aurai ses chansons. Elle a aussi assuré à Véronique Sanson : “Je m’occuperai de sa maison et je lui ferai des enfants » Quelques semaines après que l’interprète du « Paradis blanc » l’eut envoyée paître, France lui fait livrer des croissants de chez Fauchon, par une belle matinée ensoleillée. Sous le charme, il la rappelle et lui propose un dîner. C’est le début du binôme Gall & Berger, puisque de là, il ne se quitteront plus jamais.

Gloire, mariage et rumeurs.

Michel Berger et France Gall sont désormais, un couple. Et en 1974, elle va poser sa voix sur l’une des chansons du nouvel album de ce dernier « Mon fils rira du rock’n’roll ». De là, elle lui demande un service : elle ne veut plus une chanson, elle veut qu’il la fasse renaître. Après avoir longtemps refusé de travailler avec elle, Michel lui écrit « La déclaration d’amour ». Le premier succès d’une longue liste ! Seulement voilà, ça, France ne le sait pas encore, et est loin de s’en douter. Car lorsqu’elle découvre la chanson, elle est terriblement déçue… « Premier disque, première chanson. J’attendais tellement de cette première fois que quand il m’a joué la chanson au piano, j’ai été … comment dire … un peu déçue. Je rêvais d’une chanson rythmique, et me voilà avec une sensuelle déclaration. Le jour du studio, j’étais un peu tendue. Après une ou deux prises, Michel était content. Dans la foulée, il me demande d’écrire un texte parlé, comme si j’avais fait ça toute ma vie, écrire ! » Finalement, France suit les conseils de Michel et ensemble, ils vont écrire. Boucler ce titre afin qu’il soit parfait. Finalement, ils vont se découvrir une complicité artistique qu’ils n’auraient jamais imaginée. Désormais, ils feront équipe aussi bien à la vie qu’en studio ! C’est ainsi que le 6 janvier 1976, après douze ans de carrière, France Gall sort son premier album studio : France Gall ! Lors d’une interview avec le journaliste Richard Cannavo, la blonde est surexcitée, consciente qu’en réalité, il s’agit là du début de sa carrière. Sa véritable carrière : « C’est mon premier album ! C’est un truc énorme pour moi. La première fois que j’aime ce que je chante, et la manière dont je le fais. » Réponse du journaliste : « Effectivement, ce premier album, c’est une manière d’effacer définitivement la France Gall des sixties : on est passé à autre chose. »

Le succès et un mariage à la clé.

Comme cadeau prénuptial, il consacre son Numéro 1, diffusé le 22 mai 1976 sur TF1, à l’écriture d’une comédie musicale, Émilie ou la Petite Sirène 76. Et qui est l’héroïne de ce show ? France Gall, évidemment. « C’est la date de cette émission qui a déterminé la date de notre mariage un mois plus tard », confiera-t-elle en interview quelques semaines après la diffusion. À cette période, il forme le duo du succès de l’été, « Ça balance pas mal à Paris », et ils se marient le 22 juin à la mairie du XVIe arrondissement ! Une cérémonie intimiste, entourée des proches du couple, et durant laquelle le soleil sera au rendez-vous : « Il a fait très beau ce jour-là, tout le monde avait le sourire. C’était une vraie belle journée où l’amour était au rendez-vous. France Gall rayonnait de bonheur !» Au programme de ce mariage entre ces deux stars, que tout opposait ? Dîner dans un petit restaurant de la capitale privatisé pour l’occasion, avant de terminer la soirée au domicile du couple. En 1978, elle devient la maman de Pauline-Isabelle, Raphaël, lui, pointera le bout de nez quatre ans plus tard.

STARMANIA, LE RÔLE D’UNE VIE !

Toujours sous l’aura de son mentor, Michel Berger, France Gall reprend goût à la scène qu’elle avait abandonnée. Grâce à lui, elle a de nouveau confiance en elle et ne se sent plus comme celle qu’on appelle pour boucher les trous ! Alors, elle monte de nouveau sur les planches du théâtre des Champs-Élysées pour un spectacle intitulé Made in France. En 1979, c’est un spectacle inédit auquel Gall participe dans le rôle de Cristal, l’opéra rock Starmania ! Un pari risqué puisque, à cette époque, ce genre de spectacle qui cartonne outre-Atlantique est boudé par le public français. Pourtant, la chanteuse fonce. Elle sait que ce spectacle a été composé par Michel Berger et écrit par Luc Plamondon, et elle a confiance en ces deux hommes de talent. Et elle a raison puisque Starmania va graver les annales, encensé par toutes les critiques de presse du moment. Le bouche à oreille fonctionne tellement qu’un mois plus tard, le show est présenté pendant un mois au Palais des Congrès de Paris. Les shows se jouent à guichets fermés, et les ventes, des disques sont folles. Une fois de plus, France Gall est couronnée de succès grâce à Michel Berger. Pour Michel Berger et France Gall, c’est le début d’un tout ! Les tubes s’enchaînent pour le couple, « Résiste », « Si maman si », « La groupie du pianiste », « Évidemment », « Ella, elle l’a », « Babacar », « Il jouait du piano debout ». En 1980, le couple enregistre avec Elton John « Donner pour donner », un titre qui fait le tour du monde ! Leur carrière commune est désormais lancée à l’internationale. Tout ce qu’ils touchent, ensemble, se transforment en or. Le couple nage en plein bonheur.

Quand le sort s’acharne.

France Gall et Michel Berger vont vivre leur premier coup dur au début de l’année 1982. À cette époque, ils sont en couple depuis huit ans, et vivent une histoire sans fausses notes. Mariés, ils sont les heureux parents de Pauline et de Raphaël, et sont tous les deux à l’apogée de leur carrière. Michel chante et compose pour les plus grands, pendant que France Gall se produit au Palais des Sports dans un spectacle époustouflant conçu par Michel Berger et intitulé Résiste. Pour ce show d’une autre dimension, Michel a fait appel à son frère, Bernard, qui est architecte, lui demandant de réaliser de vraies prouesses techniques pour que sa femme soit magnifiée par le spectacle. Avec lui, Michel vit une véritable relation fusionnelle ! Il faut dire que ce frère, que Michel aime tant, est menacé par une terrible maladie : la sclérose en plaques. Hélas, à ce moment où France triomphe, Michel vit un terrible moment puisqu’il perd ce frère tant aimé. La chanteuse va alors voir son mari plonger dans une profonde dépression, alors qu’elle n’a qu’une envie : partager son bonheur avec lui ! Mais elle le sait, ce serait déplacé. Alors, elle essaie d’être forte pour deux, gérant le spectacle, les enfants, et faisant tout son possible pour l’épauler dans ce moment si difficile.

MORT D’UN FRÈRE, DÉPRESSION ET DIAGNOSTIC D’UNE TERRIBLE MALADIE.

Après le Palais des Sports, ils décident de partir en famille à la montagne. Ils ont désespérément besoin de se retrouver, loin du tumulte parisien et de la pression des médias. Tout est parfait, Michel, loin, semble reprendre du poil de la bête. France est heureuse de voir son homme sourire à nouveau. Seul hic ? La toux de Pauline, qui semble durer depuis plusieurs semaines. Alors, à leur retour, ils décident de consulter un médecin généraliste, pour être rassurés. Malheureusement, le ciel va leur tomber sur la tête lorsque le praticien va lâcher ce terrible diagnostique : la petite fille de 4 ans souffre de la mucoviscidose ! Le couple est abattu, sous le choc. La maladie dont souffre l’enfant est incurable et mortelle. L’horreur absolue. Le couple décide alors de ne parler de cette maladie à personne, afin de ne pas être harceler par la presse.

FRANCE GALL NE VEUT PLUS CHANTER, ET LE COUPLE VA MAL …

Pendant les années qui vont suivre, le couple va petit à petit réduire le rythme des concerts, afin de profiter au maximum des moments en famille. Mais au bout de quelques années, France n’y arrive plus. Elle ne peut plus perdre du temps à être en studio, en promo ou sur scène. Sa fille est malade, et elle ne veut pas perdre une miette du temps qu’il lui reste. Alors, en 1988, alors que la petite Pauline a 10 ans, France décide d’arrêter de chanter. De son côté, Michel choisi une autre thérapie, celui de se plonger dans la musique afin de trouver la force de rester debout. Le couple s’éloigne, jusqu’en 1992 où ils vont décider de renaître, ensemble, en faisant un nouvel album à deux. Ils se jettent à corps perdu dans ce projet, symbole de renouveau.

La fin d’un grand amour …

Dimanche 2 août 1992, à Ramatuelle. Il fait beau, il fait chaud, c’est une belle journée d’été comme on les aime dans la région. Depuis quinze jours, France Gall et Michel Berger sont en vacances dans leur maison de Provence. Les enfants, eux, sont à la montagne. Après l’enregistrement de leur album Double Jeu, ils ont ressenti le besoin de se retrouver à deux, entourés de quelques amis parfois. C’est le cas ce jour-là. Après avoir déjeuner sur la terrasse d’un petit restaurant qu’ils adorent, ils sont rentrés à la maison. En fin de journée, Michel descend au court de tennis, dans le jardin, afin de faire une partie avec deux amis.

Le malaise qu’il a eu quelques semaines plus tôt n’est qu’un lointain souvenir, il préfère ne pas y penser et ce, même si son père, de renom, lui a donné une ordonnance afin qu’un confrère cardiologue l’examine, Oui mais voilà, cette lettre, Michel l’a rangé dans un tiroir. Il s’en occupera à la rentrée. Pour l’instant, place au tennis ! Il est 18 heures lors qu’il se dirige vers le court pour échanger ses premières balles. Seulement voilà, au bout de 45 minutes, il doit interrompre la partie. Une horrible douleur lui serre le cœur. Il décide alors d’aller prendre un bain pour se détendre. Un peu d’eau chaude et de calme lui fera du bien. Il décide ne pas inquiéter France Gall. Pendant que cette dernière prépare à manger, elle entend hurler son prénom …

« JE NE VEUX PLUS SOUFFRIR COMME ÇA »

Elle se dépêche de retrouver Michel, qui lui explique qu’il vient de nouveau de ressentir une douleur dans la poitrine. Inquiète, France appelle le médecin de garde. Quand ce dernier arrive, Michel est allongé sur le lit, France, à ses côtés. Elle pense à ce que lui a dit cette voyante croisée la veille, sur une petite plage de Saint- Tropez. Jamais jusque-là elle n’avait souhaité connaître les visions d’une diseuse de bonne aventure, mais cette fois, allez savoir pourquoi, elle s’était laissé faire. La bohémienne lui avait alors pris la main gauche avant de lui lancer : « Vous entrez dans l’immortalité … C’est pour maintenant. » Le soir, elle avait raconté l’anecdote à Michel qui lui avait demandé : « Elle pensait à toi ou à moi ? » France Gall secoue la tête et décide ne plus penser à cette prémonition. Ce n’est pas le moment ! Elle se dit qu’il ne faut pas s’inquiéter : après tout, son mari ne boit pas, ne fume pas et ne fait aucun excès. Il n’a aucune raison d’être gravement malade ! Elle sort de ses pensées en entendant son mari parler au médecin : « Cela me serrait dans la poitrine, je ne veux pas resouffrir comme ça ! » Ce dernier décide de prévenir SOS médecin et le Samu car il n’a pas le matériel nécessaire. Hélas, à peine a-t-il raccroché que Michel porte à nouveau la main à sa poitrine. Le médecin se dépêche pour lui faire une injection, mais il est trop tard. Michel est parti rejoindre le Paradis blanc.

UN AMOUR SANS FAILLE !

Michel Berger fut le plus bel amour de France Gall. Dans une interview accordée à Paris Match en 2012, à l’occasion des vingt ans de sa mort, elle avait confié : « Nous avons eu une vie absolument magnifique, follement agréable, dans la fête, la réussite, le bonheur de la famille … C’était la perfection. Nous avons grandi ensemble, nous nous sommes élevés ensemble, nous avons construit notre vie ensemble. Nous étions différents, mais complémentaires. » Même analyse du compositeur Claude-Michel Schönberg, au micro d’RTL : « France Gall a réussi à tirer de Michel le meilleur de lui-même. Et elle, a été la parfaite chanteuse pour ses œuvres, elle l’a beaucoup inspiré. Il y a tellement de chansons extraordinaires qu’il a écrites pour elle, c’est un phénomène formidable. Ils se sont aimés, et ont grandi ensemble. »

La mucoviscidose lui a pris sa fille … Pauline, la blessure d’une vie.

Début 1982, France Gall et Michel Berger se sont offert un séjour à la montagne avec leurs enfants, sans doute pour se retrouver en famille dans le calme loin de l’effervescence parisienne. Pauline, alors âgée de 3 ans, s’est mise à tousser … beaucoup trop. Voyant que cela persistait, les parents l’ont emmenée consulter un généraliste qui a lâché une bombe : la fillette était atteinte de mucoviscidose, une maladie génétique rare qui touche notamment les voies respiratoires.

Le couple s’est alors tourné vers le père de Michel Berger, médecin réputé, en quête d’une lueur d’espoir, l’ombre d’une solution pour soigner leur fille. Mais sa réponse a été sans appel. Cité par France Dimanche, il leur aurait révélé : « Le seul véritable espoir pour Pauline serait que la médecine fasse de grands progrès dans les quinze ans à venir. » Les parents ont alors compris, désespérés, que la maladie allait mettre fin aux jours de leur fillette.

« JE NE VEUX PLUS SOUFFRIR COMME ÇA »

Ensemble, les deux artistes ont décidé de ne pas ébruiter la maladie de Pauline pour la préserver, mais aussi se consacrer à leur carrière chacun une année sur deux, pour s’alterner aux côtés de leur fille. Sur ces douloureuses années, France Gall s’est confiée à Paris Match : « La maladie de notre fille Pauline a été une tragédie dans notre existence. [Michel] m’a totalement épaulée, jour après jour. Quand l’un faiblissait, l’autre était là pour le relever.

Nous étions habités par la peur et le désespoir, mais quand Pauline n’était pas malade, la vie reprenait aussitôt… » Mais en 1992, à la disparition tragique de son mari, France Gall s’est retrouvée seule dans ce combat qu’elle a mené de front, toujours dans le plus grand secret, jusqu’à ce que Pauline la quitte à son tour en ce triste jour de décembre 1997, à l’âge de 19 ans. Un coup de poignard dans le cœur de cette mère brisée, qui n’a plus eu goût à son art. Toujours à Paris Match, elle a confié : « À la disparition de Michel, j’ai eu envie de continuer à chanter. À la disparition de Pauline, j’ai eu envie de me taire. » À Gala, elle a expliqué : « Ma fille était malade, ma fille a disparu, et donc plus rien n’avait de sens. Plus rien n’était comme avant. Il fallait être heureux pour chanter. »

ENFIN, RESPIRER.

Aux obsèques de sa fille, la mère endeuillée a livré un poignant discours louant l’exception de sa défunte fille : « Il n’y a pas, je dis bien pas, une personne qui ait croisé le regard de Pauline, même furtivement, qui ne s’est pas arrêtée quelques instants sur elle. » Elle a également décrit les « pouvoirs » qu’avait Pauline, « déclencher l’hilarité juste avec son rire », « nous apprendre la patience », « se faire aimer jusqu’à en briser le cœur d’un père », « souffrir en secret », « être quand même heureuse dans cette vie irrespirable », « nous pousser à Donner ». Elle a conclu par un terrible : « Ma chérie, Raphaël, moi et tout le monde ici, nous sommes là pour dire au revoir. Et respire maintenant ! ».

LA LITTÉRATURE POUR RÉCONFORT.

L’une a perdu sa fille et l’autre son fiancé, arrachés à la vie par la même maladie impitoyable. Interviewée par Karine Ferri sur RFM, France Gall s’est laissé aller à des confidences quant aux douloureuses années qui ont suivi le départ de Pauline : « On avance dans le brouillard et on fait les choses qu’il faut faire parce que la vie continue, qu’on a des enfants, un métier, un public. » Le réconfort, elle l’a cherché en lisant les auteurs qui avaient perdu leur fille, comme Victor Hugo avec « Demain, dès l’aube » : « C’est vraiment un poème extraordinaire. » Plutôt que de tenter de surmonter son malheur en se changeant les idées, elle a choisi de l’accepter : « Quitte à vivre des choses extraordinairement tristes et douloureuses, autant les vivre en face. Ça ne sert à rien de sortir, de se distraire ou quoi que ce soit. ».

CHACUN SON HEURE.

Les années passant, et malgré une souffrance qui ne s’est jamais estompée, France Gall a pris son drame avec philosophie, et se dire que chacun d’entre nous à une heure à laquelle il doit quitter cette Terre, « que les départs sont programmés », comme elle l’a expliqué à Paris Match. Elle a compris que le départ de Michel Berger et de Pauline n’était pas un acharnement de l’univers contre elle, mais qu’une telle horreur frappait de nombreuses personnes à travers le monde et que cela pouvait même être pire, comme elle l’a confié à Gala : « Il m’a fallu toutes ces épreuves pour comprendre : ce n’est pas avec le bonheur qu’on avance, il faut être secouée violemment pour percevoir ce type de chose, pour nous donner une chance de changer, d’évoluer, de grandir. »

« JE ME RÉVEILLE AVEC LE SOURIRE »

Malgré tout, France Gall a choisi de sourire à la vie, à lui faire confiance et, surtout, faire honneur à la chance qui lui a été donnée d’être encore là : « Et lui faire honneur, c’est être heureux. Depuis que je suis toute petite, je veux être heureuse. Tous les matins, je me réveille avec le sourire. » Plutôt que de penser à sa tristesse de l’avoir perdue, elle a préféré se concentrer sur son « extraordinaire » bonheur de l’avoir connue : « On me l’a reprise, mais on me l’a quand même donnée pendant dix-neuf ans. Et pour Michel, c’est aussi ça que j’ai pensé tout de suite. Quelle chance j’ai eue de le rencontrer. Ça c’est des idées très fortes qui m’ont aidée énormément. » Vingt-cinq ans après Michel et vingt ans après Pauline, France Gall s’en est allée les rejoindre dans le « Paradis blanc ».

Sa victoire contre le cancer !

Un an après le décès de Michel Berger, les médecins lui diagnostiquent en 1993 un cancer du sein. À 45 ans, elle se retrouve confrontée à une nouvelle épreuve. Le lien entre la maladie et le deuil sont évidents pour France Gall. La mort brutale de Michel Berger le 2 août 1992, son compositeur et époux terrassé par une crise cardiaque, a été un traumatisme pour elle. Elle perd son âme sœur : son chagrin est immense, sa peine incommensurable.

Ce choc psychologique a pu être le détonateur de la tumeur, à cause d’une baisse de ses défenses immunitaires. Elle voit elle-même dans sa propre maladie l’expression de sa profonde souffrance intérieure. « À l’annonce de la mort de Michel, j’ai ressenti une douleur dans le ventre, dans le corps, tellement forte, je me suis dit qu’elle devait ressortir d’une manière ou d’une autre. Mon cancer était la concrétisation de mon mal intérieur », confiait-elle à Gala en 2012. La thèse n’est pas approuvée par tous les cancérologues, qui précisent qu’aucun lien n’a été démontré entre le chagrin, le veuvage et la déclaration d’un cancer.

LA PEUR SURMONTÉE.

L’annonce de cette nouvelle est violente pour la jeune veuve, qui doit en plus accompagner sa fille Pauline, atteinte d’une mucoviscidose. Elle a confié son désarroi : « c’était un cauchemar quand je l’ai appris, comme tout le monde. En très peu de temps, on passe dans le monde de la maladie, des malades, c’est une autre planète. J’ai eu très peur. »

UNE OPÉRATION À SUCCÈS.

Elle subit le 22 avril 1993 une opération chirurgicale pour une tumeur maligne du sein et suit immédiatement un traitement. Les pronostics sont favorables, les médecins optimistes car le cancer a été découvert à temps. Il n’y a pas eu ablation. Le traitement par radiothérapie s’annonce cependant fatigant. Sur les conseils de son médecin, elle décide d’annuler toute une série de concerts, prévus à Bercy début juin 1993. Professionnelle, elle prévient son public, mais reste laconique sur sa maladie. France Gall a toujours préféré la discrétion et voulu garder le silence sur le mal qui la rongeait. Elle se fait soigner pendant deux mois et se met en convalescence. Les concerts sont reportés en septembre de la même année, une fois les traitements terminés. Son combat est un succès !

TOUT POUR LA MUSIQUE !

La musique accompagne France Gall dans son combat. Jamais elle ne renonce, son moral est d’acier ! C’est à ce moment-là, animée d’une grande énergie, quelle enregistre « Mademoiselle Chang », un titre du répertoire de Michel Berger. Le CD sort en vingt-quatre heures, elle l’enregistre à l’issue de sa deuxième série de rayons ! La star révèle un sacré courage ; le « petit caporal » comme l’appelait son père fait face et elle retrouve l’automne suivant les planches de Bercy … La chanteuse a toujours tenu la barre avec force dans les épreuves. Le cancer lui laissera alors quinze années de répit, avant de l’emporter à l’âge de 70 ans à l’Hôpital américain de Neuilly.

LE SÉNÉGAL, SA PATRIE D’ADOPTION

En 1985, France Gall découvre le pays qui deviendra sa seconde patrie : le Sénégal. Entre ce pays et la chanteuse, un lien indicible et indéfectible se crée. « Je n’ai jamais compris pourquoi j’ai toujours été attirée par le Sénégal », révélera-t-elle plus tard. Son premier voyage là-bas lui laissera un souvenir impérissable et bouleversant, et notamment grâce à une rencontre : celle avec une mère de famille complètement désemparée, qui n’a plus les moyens financiers de s’occuper de son fils, Babacar, et supplie la chanteuse de l’adopter. France Gall ne peut retenir son émotion et, dans sa tête, elle fait un pacte avec elle-même : elle ne se contentera pas de chanter pour les plus démunis, mais cherchera à en faire toujours plus pour eux. Entre les années 90 et 2000, elle vit littéralement entre la France et le Sénégal ; elle y a acheté une maison, sur l’île de Ngor, près de Dakar. Son voisin direct ? Le musicien sénégalais star Wasis Diop, avec qui le courant passe tout de suite, et qui devient un ami. Le Sénégal devient vraiment sa patrie d’adoption, c’est le berceau où elle se rend chaque fois que la vie lui apporte un coup tragique du sort. Elle s’y réfugie notamment à la mort de Michel Berger en 1992, et suite à celle de sa fille en 1997 … « Ça a commencé, le Sénégal, avec ma prise de conscience, au milieu des années 80, des problèmes que peut rencontrer le monde, L’Afrique entre autres, mais pas seulement l’Afrique. Et une femme, un jour, m’a donné son bébé. Ça, c’est un choc énorme quand il vous arrive quelque chose comme ça ! Finalement, on a pris la décision – mon mari Michel Berger et moi – de ne pas prendre cet enfant, mais d’aider la mère à lui donner les moyens d’apprendre un métier. Ce petit bébé s’appelait Babacar. D’où la chanson. Les gens connaissent l’histoire et la chanson. Et on est revenus ici pour tourner le clip. J’ai retrouvé Babacar à ce moment-là … », confie-t-elle aux journalistes de la radio RTL, se souvenant de ses premiers émois dakarois.

L’AFRIQUE LUI REND HOMMAGE.

Passionnément, elle a aimé le continent africain et ce dernier le lui a bien rendu. En ce début d’année 2018, en apprenant sa mort, Wasis Diop a été particulièrement ému, et a déclaré à son sujet qu’elle n’avait jamais joué les stars : chaque fois qu’elle venait quelques jours sur l’île de Ngor, elle redevenait une femme « normale », avec une humanité, un sourire et une joie de vivre extraordinaire. Il la qualifie lui-même de « vivante », d’un souffle d’air frais dans la vie de ceux à qui elle a tendu la main. Le chanteur Youssou N’Dour, sans conteste la plus grande star de la chanson sénégalaise, relaie le même son de cloche. « France est respectée pour ce qu’elle fait déjà dans la musique. Ensuite, c’est une sœur pour nous au Sénégal. Parce que c’est une personne qui a montré et démontré son amour pour le pays et son attachement pour la ville de Dakar et pour l’île de Ngor », a-t-il à son tour déclaré à Radio France International.

UN CŒUR D’OR, QUI A MARQUÉ L’HISTOIRE DE L’ACTION HUMANITAIRE.

Lors des hommages qui lui ont été rendus, toutes les stars ont tenu à rappeler que France Gall était avant tout une femme de cœur, qui n’a jamais fait de concessions sur ses engagements en faveur de l’Afrique. Et particulièrement l’acteur Richard Berry, qui l’a vue faire ses premiers pas au Mali et au Sénégal, et se souvient d’une « très belle personne », qui n’aimait pas s’apitoyer, mais préférait agir, avec force, patience et conviction. Au-delà de la muse qu’elle a été pour Serge Gainsbourg, puis pour Michel Berger, elle a su imposer son propre talent, ses propres idées, et les mettre au service de tous ceux qui en ont eu besoin. Tendre la main était, pour France Gall, un moyen de survivre, un don gratuit et totalement désintéressé qui lui a permis de rester à jamais dans nos cœurs, une belle âme autant qu’une voix d’ange.

Retour sur scène avec « Résiste »

Même si elle reprenait les plus grands classiques de France Gall et Michel Berger, même si elle racontait l’histoire d’une chanteuse tombant amoureuse d’un pianiste (et inversement) et même si elle chantait bon la nostalgie, la comédie musicale Résiste n’a jamais eu vocation d’être autobiographique.

Son scénario s’inspirait des paroles du titre « La chanson de Maggie », écrite en 1977. Résiste suivait l’histoire du club Lola’s, une boîte de nuit en difficulté gérée par un homme et ses deux filles. Pour ce spectacle exceptionnel, France Gall ne chantait pas.

Elle avait laissé la place à de jeunes artistes à qui elle voulait offrir une exposition importante : Léa Deleau (puis Fanny Delaigue) qui incarnait Maggie Bouvier, Victor Le Douarec alias Mathis … Babou, quant à elle, tient le rôle d’une narratrice filmée, dont le récit est projeté en fil conducteur du show. « Je vais faire ce que j’ai refusé toute ma vie : l’actrice. […] En revanche, je serai sur scène pour conserver ce lien avec le public, avec Michel », révélait-elle au magazine Gala avant la première qui s’est tenue le 4 novembre 2015 au Palais des Sports de Paris.

SUCCÈS POPULAIRE.

Co-écrite par France Gall et Bruck Dawit, la comédie musicale Résiste est rapidement devenue un phénomène populaire. En salles, le public ne résistait pas à l’envie de se lever et d’assaillir les bords de la scène pour danser au rythme des mélodies entraînantes. Le même succès s’est répété, chaque soir, à travers la France. La troupe de Résiste s’est installée pendant trois mois à Paris avant de partir en tournée pour plus d’une cinquantaine de dates et de terminer par deux représentations au Zénith de Lille. En tout, le club Lola’s a fait danser la France pendant plus d’une année et pour l’anecdote, même François Hollande, président de la République en exercice à l’époque, a assisté à l’une des représentations. Au-delà du succès en salles, la comédie musicale a donné lieu à quatre vidéo clips : « Résiste », « Les accidents d’amour », « Ella elle l’a » et « Si maman si ». Cerise sur le gâteau, le spectacle a décroché le prix du public lors de la toute première cérémonie des « Trophées de la comédie musicale ».

LES ADIEUX DU CLUB LOLA’S.

L’annonce du décès de France Gall a profondément bouleversé l’ensemble du casting de la comédie musicale. En plus d’être l’artiste dont ils ont chanté le répertoire pendant des mois, elle était aussi l’icône de la chanson française avec laquelle ils ont passé quelques-uns des moments les plus marquants de leurs jeunes carrières. Ce dimanche 7 janvier, les hommages postés sur les réseaux sociaux ont été nombreux. Parmi eux, les messages de la troupe de Résiste étaient teintés d’une émotion supplémentaire. « Aujourd’hui ce sont des images qui me reviennent, des moments de bonheur, de musique partagée, de repas autour d’une grande table où nous étions tous réunis. […] Tu vas beaucoup nous manquer », a écrit Élodie Martelet, qui jouait le rôle de Mandoline, la sœur de Maggie. Gwendal Marimoutou, alias Tennesse, n’a pu écrire qu’un seul mot qui, ce jour-là, a fait écho à la tristesse de beaucoup de fans à travers le pays : « Effondré ».

Raphaël, la relève !

Raphaël Hamburger aurait pu profiter de son statut de « fils de » et faire jouer la notoriété de ses parents pour accéder sans peine au statut de star. Mais c’était bien loin de ses ambitions.

Le jeune homme ne voulait pas emprunter le chemin (trop) facile, mais bâtir lui-même sa carrière, exister par son propre travail. C’est la raison pour laquelle il n’a pas pris le nom d’artiste de l’un de ses parents, Gall ou Berger, mais son véritable patronyme. Il espérait ainsi faire oublier qui il était. Pour atteindre son objectif, il a étudié l’ingénierie du son et exercé ce métier avant de fonder ses propres maisons de disques dont Hamburger Records et Chi-Fou-Mi Records, ainsi qu’une radio, « Radiooooo », qui se veut « véritable machine à remonter le temps musicale ».

LA FIERTÉ DE SA MÈRE.

En quelques années à peine, Raphaël a supervisé la musique de nombreux films français et américains à grand succès, de tout genre, allant de la comédie au fantastique en passant par le drame. Il a également produit plusieurs artistes comme Adrienne Pauly, Spleen et HollySiz, tout cela dans l’ombre. Jamais n’a-t-il médiatisé sa participation au moindre de ces projets, ni fait savoir que le fils des grands Michel Berger et France Gall se cachait derrière. Lors d’une interview accordée à Paris Match, la chanteuse n’avait pas caché sa fierté des nombreuses réalisations de son fils, tout en confirmant qu’il avait toujours souhaité « faire les choses par lui-même ». Elle a précisé que malgré la diversité de ses actions, il avait des limites : « Il ne montera pas sur scène avec un micro. » Il ne prévoyait pas non plus de travailler avec elle. Pourtant, elle l’aurait tellement voulu …

UN RÊVE INACHEVÉ.

Toujours à Paris Match, France Gall avait confié rêver de collaborer avec son fils : « J’espère que la prochaine fois que je ferai quelque chose, ce sera avec lui. » La chanteuse fourmillait de projets qu’elle souhaitait réaliser avec lui, mais n’avait que peu d’espoir, sachant que le jeune homme ne recherchait surtout pas la célébrité : « Il est extrêmement concerné, mais il a décidé, très intelligemment, de faire d’abord sa propre vie. » S’il tenait tellement à mener son existence telle qu’il l’entendait, c’est peut-être parce qu’il avait compris que du jour au lendemain, tout pouvait s’arrêter. Il n’avait que 11 ans lorsque son père a succombé à une crise cardiaque, et 16 ans lorsque sa sœur Pauline l’a à son tour quitté. Une jeunesse marquée par les drames, dont il est sorti plus fort grâce à la force et la bienveillance de sa mère. Et si France Gall n’est plus, son fils continue de faire vivre le talent familial.

Une santé vacillante …

S’il y a bien un maître mot qui a toujours défini France Gall, c’est « discrétion ». Jamais elle n’a cherché à faire de vagues, et il s’agissait bien plus là d’une volonté de protéger sa vie privée que de réelle envie de taire les événements de sa vie. Il en a toujours été de même pour sa santé, qui a connu au cours de ces dernières années bien des hauts … et des bas ; seuls ses fans de la première heure, qui ont cherché à en savoir plus sur ses absences, étaient au courant.

France Gall n’a jamais servi à en faire étalage, pas une fois elle n’en a profité pour s’attirer la couverture à elle. Une battante, en somme, qui a toujours fait de son mieux pour se montrer sous son meilleur jour, par respect pour son public.

LES PROBLÈMES DE SANTÉ : DE SI DOULOUREUX SOUVENIRS …

Il faut dire qu’à plusieurs reprises, France Gall a été touchée par les affres de la maladie. En 1992, lors du décès de Michel Berger, qu’elle aimait d’une tendresse infinie. Puis il y a la mucoviscidose, longue, angoissante et terriblement douloureuse, qui lui a arraché sa fille adorée Pauline. C’est pourquoi quand elle a été malade à son tour, la chanteuse n’en a jamais fait étalage. Déjà en 2011, elle avait dû être hospitalisée, presque en urgence, pour le début de ses problèmes respiratoire. Mais elle avait, à l’époque, gardé une confiance absolue en le savoir – faire des médecins ; si le sort avait frappé plusieurs fois dans sa vie, elle n’a jamais baissé les bras. Et ce, jusqu’à son ultime lutte, celle qui a duré presque deux ans …

DES HOSPITALISATIONS À RÉPÉTITION.

Et pourtant, malgré ses luttes acharnées et sa joie de vivre plus forte que tout, France Gall est bien vite rattrapée par la maladie. Au mois de février 2016, une nouvelle hospitalisation en urgence survient. Les résultats de la batterie d’examens quelle passe ne se veulent pas rassurants : non seulement ses difficultés respiratoires s’aggravent, mais elle subit, en plus, de gros problème rénaux. Peu à peu, son corps, jusqu’alors si résistant, lâche. Une nouvelle fois, silence radio dans les médias : France Gall a de grands projets professionnels, et elle ne veut pas que son état de santé empiète dessus. Son entourage révèle également qu’elle a mal réagi à une overdose de médicaments, sensés apaiser ses douleurs… Elle sort pourtant de l’hôpital après plusieurs semaines, persuadée qu’elle sera vite sur pieds. Mais c’est sans compter sur le destin, fatal, qui lui jouera un second et ultime coup dur …

JUSQU’AU BOUT, ELLE A CHOISI LA LUTTE.

Ces derniers mois, la santé de France Gall n’a finalement fait que décroître, l’obligeant à lâcher du lest côté travail, et notamment sur ses engagements pour la comédie musicale Résiste. Au début du mois de décembre, elle est même bien trop faible pour se rendre aux obsèques de son grand ami Johnny Hallyday. Elle avait seulement eu la force de déclarer sa tristesse via l’émission hommage de Michel Drucker. Le 19 décembre, elle est une ultime fois transportée à l’Hôpital américain de Neuilly ; la rumeur enfle, la chanteuse irait très mal. Ses fans sont fous d’inquiétude, si bien que la famille, par respect pour les fans, finit par avouer la vérité : France souffre d’une très grave infection … Infection qui ne pourra être soignée et emportera la chanteuse dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 janvier, au bout d’une lutte acharnée. Avec elle, sont partis un océan de gentillesse, une voix des plus marquantes et l’un des plus adorables sourire de l’histoire de la chanson française.

Ses dernières semaines …

L’alerte a été donnée le mardi 19 décembre dernier. Et c’est l’hebdomadaire Ici Paris qui annonce la nouvelle, révélant que la chanteuse a été admise à l’Hôpital américain de Neuilly-Sur-Seine, en proche banlieue parisienne. D’après une source proche de la star, elle aurait été placée en service de soins intensifs suite à une infection. La chanteuse est épuisée, au plus mal, mais au fond d’elle, elle espère tout de même être sortie pour les fêtes de Noël. Hélas, les médecins ne sont pas très optimistes et préfèrent qu’elle reste hospitalisée sous surveillance. C’est donc dans sa chambre d’hôpital que France a dû passer le 24 décembre, une déchirance pour elle : « Elle avait envie d’être avec ses proches, elle aime les fêtes et ne voulaient surtout pas les passer seule dans une chambre d’hôpital.» En février 2016 déjà, quelques mois après le lancement triomphal de sa comédie musicale Résiste, l’ex-compagne de Michel Berger avait été victime d’un malaise qui l’avait conduite entre les murs de ce même hôpital, dans ce même service des soins intensifs. À sa sortie, la société de production de l’artiste avait publié un communiqué révélant que France Gall avait eu une « intolérance médicamenteuse » et qu’elle avait été hospitalisée pour subir tous les examens nécessaires afin de la soigner. Et cette fois, rebelote. Afin de ne pas inquiéter les foules, l’attaché de presse de la star a tenu : « Dans un souci de toute transparence et pour mettre fin à cette déferlante, France Gall tient à informer ses amis, son public et les médias qu’elle a en effet été hospitalisée pour raison d’infection sévère et qu’elle est actuellement soignée. Cette annonce est dans le seul but que soit respectée sa vie à la mesure de sa discrétion et de sa pudeur. »

ELLE S’EST ÉTEINTE DANS LES BRAS DE SON FILS !

Hélas, après plusieurs semaines de lutte, France Gall a perdu sa bataille contre la récidive de son cancer du sein. Cette terrible maladie s’était déclarée en 1993, quelques mois seulement avec la disparition, tragique, de Michel Berger, son compagnon de toujours. Quelques jours avant sa mort, sa chargée de communication avait annoncé à l’AFP que la chanteuse s’était éteinte après avoir « défié depuis deux ans, avec discrétion et dignité, la récidive de son cancer ». Elle s’est éteinte dans les bras de son fils, Raphaël Hamburger, et de son compagnon, Bruck Dawit. C’est en 1993, quelques mois seulement après la mort de Michel Berger, disparu le 2 août 1992 suite à un arrêt cardiaque à 44 ans, que la maladie s’était déclarée. « À l’annonce de la mort de Michel, j’ai ressenti une douleur dans le ventre, dans le corps, tellement forte, je me suis dit qu’elle devait ressortir d’une manière ou d’une autre. Mon cancer était la concrétisation de mon mal intérieur », expliqua-t-elle il y a cinq ans de cela à Gala. Lorsqu’elle a découvert le mal qui la rongeait, ce fut « un cauchemar ». « En très peu de temps, on passe dans le monde de la maladie, des malades, c’est une autre planète. J’ai eu très peur. » En 2015, France Gall a découvert que la maladie était revenue. Pendant des mois, et sans jamais s’étaler sur ce combat quelle livrait dans l’ombre, la chanteuse de 70 ans a multiplié les traitements. Un combat qu’elle n’a malheureusement pas remporté.

Les célébrités lui rendent hommage !

HUGUES AUFRAY

« Je revois la petite fille, qui est avec son papa, qui vient me voir pour me présenter une chanson en 1959 », s’est souvenu Hugues Aufray, en apprenant le décès de l’artiste. En effet, la première fois qu’il l’a rencontrée, France n’avait que 12 ans. Car oui, sa carrière avait démarré très tôt : « Très peu de temps après notre rencontre, en 1959, elle a commencé à devenir une véritable vedette avec ses premières chansons qui ont été des succès tout de suite. » Il s’est aussi rappelé à quel point l’artiste avait un truc en plus : « Elle avait une voix de petite fille, elle chantait très juste avec une véritable naïveté. Je crois qu’elle était sincère absolument, elle n’a jamais joué aucun rôle. Elle était nature. Je crois que c’est ça, son succès : son naturel. C’était une petite jeune femme charmante, qui riait tout le temps. »

JENIFER

Lorsque Jenifer a sorti son album hommage à France Gall, comportant des reprises des chansons de l’artiste, elle a assuré que cette dernière était au courant et qu’elle avait validé le projet. Sauf que voilà, de son côté, France a assuré le contraire, lâchant en interview : « Elle raconte des bobards, je n’étais au courant de rien ! » Un clash qui avait conduit Jenifer à annuler sa tournée et qui avait laissé des traces entre les deux interprètes qui ne s’étaient jamais reparlé. Seulement voilà, en apprenant la mort de cette artiste qu’elle respectait tant, la Corse n’a pu s’empêcher de publier un message sur son compte Facebook : « Une autre artiste majeure nous quitte, triste saison pour la chanson française. Mon respect éternel à France Gall. »

KARINE FERRI

Karine Ferri et France Gall avec un point commun : celui d’avoir toutes les deux perdu quelqu’un de la mucoviscidose. Pour l’animatrice de TF1, Gregory Lemarchal, son compagnon. Pour l’interprète de « Si maman si », sa fille Pauline. Alors, pour lui rendre un dernier hommage la compagne de Yoann Gourcuff a publié une photo où elle pose avec la chanteuse. En commentaire, Karine Ferri s’est souvenue du « doux moment » partagé avec cette dernière le temps d’une interview pour RFM. Elle a terminé son tweet en écrivant : « au revoir, vous allez nous manquer. »

FRANÇOISE HARDY.

Elle était de trois ans plus âgée que France Gall et, pourtant, Françoise Hardy s’est toujours sentie toute petite aux côtés de l’artiste, tellement elle l’admirait. Interrogée par Europe 1, elle a confié que France Gall avait amené quelque chose de différent dans la chanson française, et qu’elle était terriblement triste de savoir qu’elle était décédée : « J’étais vraiment une fan de France Gall. J’ai tous ses disques, j’allais la voir chanter à chaque fois qu’elle faisait une scène à Paris. Je connaissais tout, pas par cœur, mais presque »

EMMANUEL MACRON ET FRANÇOIS HOLLANDE.

Comme il l’avait fait lorsque Johnny Hallyday s’est éteint, Emmanuel Macron a tenu à prendre la parole pour exprimer toute sa tristesse suite au décès de France Gall. Il faut dire que comme Johnny, la blonde était un emblème national, une artiste qui a su sans cesse se renouveler, traversant les époques grâce à sa sincérité et sa générosité. « Elle laisse des chansons connues de tous les Français et l’exemple d’une vie tournée vers les autres, ceux qu’elle aimait et ceux qu’elle aidait », a écrit le président de la République sur son compte Twitter. Même son de cloche du côté de son prédécesseur François Hollande : “France Gall était une chanteuse lumineuse, qui a su donner sa voix aux plus grands auteurs, et notamment Michel Berger. Elle a fait de ses chansons des succès qui sont entrés dans notre patrimoine musical.”

CHARLES AZNAVOUR.

Sur le plateau de France 2, lors de l’émission hommage diffusée suite à la mort de la chanteuse, Charles Aznavour s’est souvenu des tout débuts de France Gall, alors que celle-ci ne souhaitait pas se lancer dans une carrière d’artiste. Il s’est souvenu que c’est son père qui l’avait encouragée à chanter, persuader du talent d’interprète de sa progéniture. « Il avait amené sa fille à Bruxelles pour que je la pousse à chanter. Elle ne voulait pas chanter, mais lui trouvait qu’elle avait une voix merveilleuse. Heureusement, elle a finalement accepté de le faire, et elle a fait une carrière extraordinaire », s’est rappelé le chanteur de 93 ans avec émotion : « Elle est pour toujours dans le cœur des Français. C’est une grande perte. »

Sa dernière scène avec Johnny !

Avec la disparition de France Gall, c’est l’esprit d’une génération tout entière qui disparaît ! En effet, le 7 janvier dernier, la chanson française a perdu l’une de ses icônes. Et si ses tubes – « Poupée de cire, Poupée de son », « Babacar », « Cézanne peint », « Si, maman si » – resteront à jamais gravés dans les mémoires, beaucoup ont oublié que la chanteuse n’était pas remontée sur scène depuis plus de dix-sept ans ! Car, après la mort de Michel Berger et celle de sa fille Pauline, elle avait choisi de ne plus faire de scène et d’arrêter de chanter. L’envie n’était plus là. Pourtant, elle était remontée sur scène une dernière fois, le 15 août 2000. Ce soir-là, elle avait chanté sur la scène de !’Olympia, main dans la main avec Johnny Hallyday, « Quelque chose de Tennessee », l’un des plus grands hits du rockeur. Dans la version originale de cette chanson écrite par Michel Berger, en hommage au dramaturge Tennessee Williams et sortie en octobre 1985, France Gall figure dans les chœurs avec son mari. Son duo avec Johnny Hallyday à l’Olympia est sa dernière prestation sur scène.

ELLE N’A PU SE RENDRE À L’ENTERREMENT DE JOHNNY.

À la mi-décembre 2017, France Gall qui combattait en secret le cancer depuis plus de deux ans avait été rattrapée par la maladie et hospitalisée suite à une infection sévère. Et forcément, si fragile, elle n’avait pu se rendre à l’hommage populaire du Taulier du rock, célébré le 9 décembre en l’Église de la Madeleine. De toute façon, ses médecins l’en aurait empêchée, son état de santé était trop grave … Pourtant, l’artiste avait tenu à publier un long message en l’honneur de ce fidèle ami quelle a tant aimé : « Je suis infiniment attristée par l’annonce du départ de Johnny. Je salue l’artiste unique, l’ami fidèle. J’ai toujours été touchée par sa gentillesse, son charisme, sa voix irremplaçable et son sourire irrésistible. Je garde en moi cinquante ans de souvenirs et d’amitié et plus particulièrement les instants inoubliables passés avec Johnny et Michel lors de leur rencontre artistique. Aujourd’hui, toutes mes tendres pensées se tournent vers Laetitia, David, Laura, Jade et Joy. Comme une étoile qui s’éteint dans la nuit sans un éclat de voix et sans un bruit. Ainsi disparut Johnny. »

Magazine : France Actu
Date : 2018
Numéro : HS 24H
FRANCE GALL MAGAZINE HOMMAGE
Hors série de FRANCE ACTU est édité par Presse Actu Ltd
4 Praed Street W21JE Londres Royaume-Uni
Bureau: 7, rue Beccaria 75012 Paris
Directeur de Publication: Frédéric Truskolaski
Dépôt légal à parution. Commission Paritaire n° 0617K93134.
Trimestriel imprimé par CORELI0 10, allée de la Recherche, Bruxelles Belgique

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