France Gall, elle l’a (presse)

L’article retranscrit

Babastar et survivante rare du courant refroidi des « Peace and Love » fleuries. France Gall, la yéyé girl a grandi.

Acidulée, sa voix l’est restée, par contre les mots qu’elle chante désormais, ont su revêtir l’uniforme sur mesure d’une époque.

Branchée, sur les circuits du temps qui passe, militante des droits de l’Homme, cette femme-enfant, poupée de son incarnée, a pris le parti de dire en chansons, ses vérités. Pas révolutionnaire, elle prêche la bonne parole ! Idéaliste, elle pense qu’on peut agir encore sur les misères du monde. Associée à son compositeur de mari, Michel Berger, elle est la voix préférée d’un maître à rêver.

France Gall, égérie des lycéens de base se présente lueur verticale au pays sans merveille des marchands d’armes. « Elle l’a » ce tout petit supplément d’âme, elle possède aussi l’art d’être exclusivement originale. Elle chante ce que nous sommes et surtout ce que nous devrions être. Elle hantera trois semaines durant la scène du Zénith ! Alors, on ira où elle ira car la belle se situe sur la bonne voie ! N’est-ce pas ?

A comme AFRIQUE

C’est un continent que j’ai appris à connaître et à comprendre à travers « Action École ». Là-bas, les gens se battent pour survivre donc la moindre des choses pour nous, occidentaux, c’est d’essayer de leur venir en aide. El puis c’est la terre où est né Babacar l’enfant que j’ai adopté, tout simplement parce que Fatou, sa mère me l’a confié pour qu’il ne meure pas de faim.

B comme BEAUTE

L’apparence physique est importante surtout pour les artistes ! Évidemment, la perspective de vieillir, ne me réjouit pas ! Ça me terrifie même. C’est pourquoi je fais en sorte de me maintenir en forme, de me soucier de mon corps. C’est vrai que lorsqu’on se sent belle, ça rend plus sûr de soi. El quelque part moins vulnérable. Mais je ne suis pas du genre à passer des heures devant mon miroir car je n’en ai ni le temps, ni l’envie.

C comme COURRIER

J’adore me plonger dans le courrier de mon public. Ça me permet d’être plus proche de lui, d’ailleurs, les gens qui m’apprécient me ressemblent. Ils me parlent des thèmes qui me touchent, telles que l’injustice, la violence ou la misère. Très peu de lettres évoquent mon passé, une sur 10 se souvient seulement de mes débuts ! C’est rassurant, non ? (Rires).

D comme DEBUTS

Je les ai fort mal vécus car à l’époque, je manquais sérieusement de maturité. Je travaillais beaucoup et je n’avais pas beaucoup d’amis. J’étais en quelque sorte une poupée de cire et de son comme dans la chanson. J’ai voyagé, au Japon, notamment, mais je n’ai rien retenu de ce pays. Entre 16 et 20 ans, ce fut certainement la période de ma vie la plus difficile, en fait, je n’ai pas eu d’adolescence.

E comme ENFANTS

Depuis l’âge de 18 ans, je rêve d’avoir des enfants. Seulement, j’ai attendu de rencontrer le père pour les mettre au monde. Je n’aurais jamais imaginé une vie sans enfants. D’ailleurs, mes accouchements n’ont pas été faciles, mais pour moi c’était la condition absolue d’être heureuse.

F comme FRANCE

Je me perçois avant tout comme une européenne, parfois, l’esprit étroit du Français moyen me révolte. Ici, on n’aime pas la réussite ! On la montre du doigt comme une tare. Les gens sont aussi un peu trop chauvins, repliés sur leur suffisance. Si je démarrais ma carrière aujourd’hui, peut-être que j’irais vivre aux États-Unis. Mais la beauté de la Provence ainsi que les bons petits plats, me manqueraient terriblement.

G comme GOURMANDISE

Je privilégie l’art de bien vivre. J’aime la convivialité, par exemple, l’idée de recevoir des amis me met de bonne humeur. Ça surprend les gens lorsque je leur avoue que je porte souvent le tablier d’un cordon bleu, mais c’est vrai, j’aime cuisiner.

H comme HOMME

A la maison, je me rends compte, que c’est moi qui tiens le rôle de père traditionnel. Autoritaire, je surveille les devoirs de mes enfants. C’est moi aussi qui organise et punit, par contre, Michel lui, fait office de compagnon de jeu ! Il leur apprend la musique et fait en sorte de ne jamais les gronder.

I comme IDEES

Je n’appartiens à aucun parti politique. Mais je pense être une citoyenne consciente. Je vote, je m’informe. J’ai de l’admiration pour Mitterrand l’homme qui nous a réellement aidé à travers Action École. Je suis concernée par tous les problèmes dits humanitaires, « on s’en serait douté » ! (Rires) Ces dernières années, j’ai compris qu’il ne suffisait pas d’avoir des idées, mais que l’essentiel, c’était de les mettre en pratique. Je suis optimiste face à la nouvelle génération qui arrive, au moins, elle est généreuse en se donnant les moyens de l’être concrètement.

J comme JAZZ

« Ella elle l’a », ma dernière chanson est un hommage à la chanteuse de jazz, Ella Fitzgerald. J’admire son talent et je trouvais important de lui consacrer une chanson de son vivant, je ne la connais pas en chair et en os, mais ses disques ne sont jamais bien loin de ma platine.

K comme KIWI

C’est le fruit de ma passion (Rires).

L comme LOOK

Ma façon de m’habiller, c’est souvent n’importe quoi. Ma fille Pauline trouve que je ressemble davantage à un clown qu’à une femme. C’est évident, je ne possède pas le look d’une femme fatale, pourtant j’aime les belles tenues, les robes à fourreaux mais je ne m’imagine pas dedans. A la limite, je porte des vêtements de garçons, les vestes larges, les cravates et les chemises. Sur scène, j’apprécie d’être à l’aise jamais je ne pourrais chanter, hissée sur des talons de 10 cm de haut.

M comme MAMAN

C’est un rôle qui me va comme un gant. Au sein de ma famille, je suis la « fourmi » de service. J’organise tout et je suis une maniaque comme on n’en fait plus. Je range, je prévois, et je passe en revue tous les détails de la vie quotidienne.

N comme NOTORIETE

Je ne me lamenterai jamais sur mon sort de personne publique, ça me paraît bien trop déplacé. Par contre, souvent je regrette de ne pas devenir anonyme aussitôt après la scène et les télés. Être incognito, pouvoir se balader tranquillement dans les rues de Paris, sans être reconnue, ça me plairait, mais bon, je suis chanteuse, et la gentillesse des gens que je croise me chauffe plus qu’elle ne m’ennuie. Il faut assumer ! Alors, j’assume !

O comme ORGUEIL

Quelque part, je suis une mégalo de première mais pas dans le sens folie des grandeurs. Disons que j’ai un goût pour le perfectionnisme avancé. Je veux tout réussir, ma vie professionnelle, privée et familiale. C’est un challenge que je partage avec de nombreuses femmes de ma génération. Ce n’est pas de tout repos ! Ça oui !

P comme PAROLES

Je ne possède pas le talent des mots, heureusement que Michel l’a pour moi. Lui seul, sait trouver les phrases que j’ai envie de chanter. J’ai essayé d’écrire mais ça ne me satisfaisait pas. Par contre, je noircis les pages de mon journal intime. J’y inscris les moments tristes, ou faits de ma vie que j’alimente de photos repères. J’avais arrêté ce journal mais je l’ai souvent « rouvert » lorsque Daniel (Balavoine) est mort.

Q comme QUALITE

J’essaie de la mettre dans tout, y suis-je arrivée ? La réponse, je ne l’ai pas …

R comme RECUL

L’humour, voilà une thérapie saine ! Pourquoi dramatiser tout, ça ne résout pas les problèmes, ou contraire. Ça aurait tendance plutôt à les accentuer. Je prends du recul parce que c’est une façon de ne pas se prendre au sérieux. Je veux rire de tout pour ne pas « souffrir idiote ». L’humour, ne rend pas plus heureuse, ça c’est sûr, mais ça permet d’être moins terre à terre parfois.

S comme SOLITUDE

Même à 2, on est seul, c’est un sentiment, une donnée qu’on est obligé d’accepter !

T comme TOP 50

Je suis une vendeuse d’albums et le Top 50, lui ne se préoccupe que des ventes de 45 tours. C’est l’évolution de mon métier et je suis contrainte de faire avec. Avant, je ne sortais pas de singles, maintenant, oui ! Voilà, à part ça. Ma carrière se porte plutôt bien, merci !

U comme USINE

Je préfère chanter que d’aller pointer à l’usine. Je suis une privilégiée consciente de sa chance.

V comme VOIX

Je n’ai pas la voix de La Callas, ça c’est sûr !

W comme WHISKY

Certains mettent de l’eau dans leur vin, moi je mets du coca dans mon whisky. (Rires).

X comme CHANTEUSES X

Mes consœurs, se déshabillent de plus en plus ! Et je ne comprends pas pourquoi elles le font. Moi je serais incapable d’en faire autant, pudique comme je suis ! De montrer le bout de mon bras, c’est déjà un effort, alors le reste, vous imaginez.

Y comme YEUX

Le regard des autres, le mien, sont des miroirs qui ne trompent pas.

Z comme ZENITH

C’est une soue bénie des dieux et du public, j’y retourne avec la pêche et le trac d’une débutante. Mon prochain spectacle, sera différent du précédent, il n’y aura pas de danseurs, mais une section de cuivres. Celle de Earth Wind and Fire. Ce que j’aimerais, c’est retrouver l’ambiance qu’on peut avoir d’un théâtre en plein air ou une place de village. Quant à la mise en scène, elle sera signée bien sûr Michel Berger.

Magazine : Graffiti
Date : Octobre 1987
Numéro : 36

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