Michel Berger : ses derniers instants

Après avoir remporté un immense succès en interprétant « Ruy Blas » au Festival de Ramatuelle, Lambert Wilson a vainement attendu, dans la nuit de dimanche à lundi, les derniers invités qui manquaient à la fête de son trente-troisième anniversaire.

Des invités qui ne viendraient jamais. A 21h30 précises, alors qu’il entrait sur la scène en plein air du Théâtre Gérard-Philipe, la mort du chanteur Michel Berger était officiellement constaté par les médecins du SMUR, le Service médical d’urgence de Saint-Tropez. Ceux-ci avaient été appelés à son chevet à la suite du malaise dont il avait été victime peu après 20 heures sur le court de tennis de sa villa, « La Grand-Baie », qui surplombe les plages de Pampelonne.

Arrivés à 20h45, les réanimateurs et le cardiologue ont tout tenté pour ramener le musicien à la vie. En vain. « L’attaque a été foudroyante, dit un des internes du service, rien n’a été possible, malgré la rapidité de notre intervention et les moyens mis en œuvre. »

A l’hôpital où il a été presque aussitôt transporté, les derniers visiteurs du dimanche se voyaient rapidement refoulés. Les malades sortis dans la cour pour prendre le frais étaient ramenés à leurs chambres. Le deuil commençait. Imprévu et brutal pour l’épouse de Michel Berger, France Gall, qui était restée à ses côtés en espérant l’impossible. Il sera inhumé jeudi à 11h30 au cimetière Montmartre, dans la plus stricte intimité. « Rien ne pouvait laisser prévoir une telle fin », dit, accablé par la douleur, un de ses proches, l’une des rares personnes à l’avoir vu sur son lit de mort, à la morgue du centre hospitalier, après qu’il eut été embaumé, lundi après-midi, par le médecin thanatologue.

« Il avait l’habitude de jouer en fin d’après-midi, pratiquement tous les jours, et depuis le début de ses vacances, il y a une dizaine de jours, nous ne l’avions jamais vu aussi en forme. »

Avis partagé par des joueuses classées de l’équipe de France de tennis, Karin Quentrec, classée n° 3, Virginie Paquet et Sybille Niox-Chateau, invitées samedi soir à échanger quelques balles sur le court de « La Grand-Baie » : « Il renvoyait super-bien, m’a dit Sybille Niox-Chateau. Et, avec un de ses amis, il m’ont fait courir aux quatre coins du court. Je ne le connaissais pas, mais son jeu m’a étonnée. C’est incroyable, ce qui est arrivé. »

Une journaliste de TF1, Florence Schaal, et la femme du compositeur Claude-Michel Schoenberg, l’ancienne présentatrice du journal de 20 heures de la « 5 », Béatrice Schoenberg, étaient également de la partie qui s’est prolongée tard dans la soirée de samedi, dans les rires et les pirouettes d’amateurs sans soucis s’adonnant à leur sport favori.

Dimanche, la partie habituelle a tourné au drame. Transporté dans la grande villa aux murs blancs, aujourd’hui gardée par des gendarmes, à quelques mètres à peine en dessous du tennis niché dans le maquis d’une colline qui domine les plages, où des balles et des bouteilles d’eau minérale à moitié vides traînaient encore lundi après-midi, le chanteur n’a pas repris connaissance.

« Michel et France n’étaient pas des familiers du petit monde des stars tropéziennes du show-biz, raconte un habitué. Ils ne tournaient pas dans le système. »

Il nous arrivait pourtant de les rencontrer, descendus incognito pour un dîner place des Lices, cachés derrière des lunettes noires pour un tendre tête-à-tête, comme je les ai vus faire l’autre samedi à La Renaissance, chez Jean de Colmont, ou en compagnie d’invités se tenant également volontairement à l’écart des foules, comme Nathalie Baye et Pierre Lescure, patron de Canal+, un autre soir de la semaine, où leurs enfants Pauline et Raphaël les accompagnaient.

A quelques rares escapades sur des places comme la Tropézina ou le Club 55, Michel Berger et les siens préféraient la solitude de leur perchoir situé au bout d’un interminable chemin de terre. Leur piscine creusée au pied de la villa entre deux oliviers centenaires et bordée par un mur de pierre envahi par la végétation voyait le plus clair de leurs ébats de la journée entre deux de ces séances de travail où l’auteur de « Starmania » a composé dans le calme la plupart des chansons du premier album interprété en duo avec sa femme, « Laissez passer les rêves ».

Laissez passer les rêves. Des rêves qui viennent de se transformer en cauchemar pour ceux qu’il laisse brutalement seuls, France Gall, avec qui Michel partageait bien plus que quelques chansons, et deux enfants qui ne peuvent plus que pleurer silencieusement dans la nuit.

De nombreuses personnalités du spectacle arrivées dans la journée, lundi, étaient alors les seules admises à « La Grand-Baie » avant la levée du corps, prévue à 11 heures ce matin à l’hôpital de Saint-Tropez.


La vie de celui qui, tout gosse, trouvait déjà « insupportable la durée dérisoire de l’existence ». Et France frappa à sa porte.

Elle venait d’entendre « Attends-moi », voulait qu’il écrive pour elle. D’abord il refusa. Et puis …

Mon grand regret est de n’avoir qu’une vie (pour composer, écrire, chanter, mettre en scène, faire des films, aimer … » Michel Berger, tout gosse déjà, s’inquiétait des années qui filent, des minutes de bonheur si fugitives. Il déclarait souvent : « La durée dérisoire de l’existence m’est insupportable. » Il rangeait au fond de ses tiroirs certaines chansons trop personnelles ou trop noires. Il était doué aussi pour la musique, c’était un créateur. Pour cela, il avait hérité de sa mère concertiste, Annette Haas. Son père, l’éminent professeur Hamburger, le premier à avoir réalisé une greffe du rein, aurait préféré qu’il fasse médecine, mais ses doigts étaient ceux d’un pianiste.

Le petit Michel Hamburger, né à Paris le 28 novembre 1947, a toujours été désordonné, imprévisible et distrait. Sa sensibilité à fleur de peau était celle, assurément, d’un compositeur. Et pourtant, celui que France appelait affectueusement « le professeur Tournesol » a toujours été bon élève, sérieux et travailleur.

Les barricades de 1968 marquent sans doute la première étape de son chemin musical. Il les vit surtout du balcon de sa chambre parisienne, où il étudie la philo pour finalement décrocher sa maîtrise grâce à un mémoire sur « L’esthétique de la POP music ». A 16 ans, il empile les mots et les mélodies sur son bureau. « Tu n’y crois pas » est son premier disque. Michel devient le « chouchou » de « Salut les copains ». Il pose même pour une photo avec tous les espoirs de la chanson française. A deux rangs de lui, une petite blonde ne lui sourit pas encore elle s’appelle France Gall et ne lui jette même pas un regard. Ça viendra …

Michel se croyait lancé, il sera vite oublié. « Si je ne devais pas réussir personnellement dans ce métier, devenir une vedette, je cesserais de composer. Je changerais d’activité. »

Fidèle à lui-même, il s’éloigne donc du micro mais pas de la musique. Le chanteur devient directeur artistique chez Pathé Marconi et réalise des albums, dont ceux de Véronique Sanson, qui deviendra sa compagne. Il se lancera à fond dans L’écriture.

On le dit distrait, il est aussi têtu. Quoi de plus agaçant que de ne pas ressembler à soi-même ? Treize albums en huit ans ne parviendront pas à lui donner une identité.

Anxieux de nature il se renferme sur lui-même, il murmure plus qu’il ne parle et chante ses angoisses avec d’autant plus de force qu’il vit un chagrin d’amour.

Véronique n’est plus là.

Une chanson tendre, peuplée de mots simples et doux, clôt le chapitre. Elle s’appelle « Attends-moi ». Ce n’est pas un succès, mais la radio la diffuse un peu.

Nous sommes en 1974 et, par une après-midi ensoleillée « un ex-bébé requin », une gamine de vingt ans dépressive et en proie à des doutes, seule elle aussi après une histoire d’amour avec Julien Clerc, entend cette chanson et réalise enfin que ce sont ces mots-là qu’elle veut chanter, que cette musique est la sienne.

Pour la première fois de sa vie, France Gall va frapper à la porte de quelqu’un, et Berger voit débarquer un petit bout de femme au passé chargé de sucettes et de poupées. Elle lui demande gentiment d’écrire pour elle, il répond : non, pas question. » Il expliquera plus tard : « Avec France, ce fut plus laborieux qu’avec les autres femmes pour qui j’ai eu l’occasion d’écrire. Je ne lui trouvais vraiment aucun point commun avec mon inspiration. »

La petite sera encore plus têtue que son Pygmalion. France mène donc la discussion comme une bataille, et Michel accepte finalement de lui laisser enregistrer trois phrases sur l’une de ses chansons. En 1975, il lui fera sa « Déclaration » fracassante et, à l’image de leurs vies à tous deux, il écrira « Si maman si ». « Tout naturellement », dira-t-il, il l’épouse le 22 juin 1976. Bien sûr, ils désirent des enfants, ils en auront deux : Pauline en 1978 et Raphaël en 1981. Ils veulent aussi des carrières distinctes : « Je ne souhaite pas, disait-il, que nous devenions dans l’esprit du public le « gentil petit couple de la chanson », comme l’étaient Stone et Charden. »

Leur vie privée est pourtant à cette image. Ils étaient « amusants à regarder vivre », disaient leurs amis. Chacun respectait l’autre. S’il avait besoin de calme pour composer, elle allait et venait silencieusement dans la maison ; s’il était anxieux et déprimé, elle l’épaulait et le consolait. Il avouera d’ailleurs que son « épouse » (il aimait le mot) lui soufflait souvent, inconsciemment, ses mélodies. Ce fut le cas pour « Starmania », où France, comme toujours, se fond dans le décor. Le succès de l’opéra-rock créé avec le Canadien Luc Plamondon le réconforte sur la mesure de son talent, le président Mitterrand le félicite et Berger ose l’Olympia en 1982. « La Groupie du pianiste » est un gros succès, il se paye même le luxe d’un duel avec sa femme, qui lui réplique « Il jouait du piano debout », vendu à 400.000 exemplaires.

Parallèlement il compose deux titres pour le duo Elton John-France Gall, sur la demande du chanteur anglais, écrit des articles sur la Chine pour un quotidien et joue le rôle de conseiller à Antenne 2 sous le règne de Pierre Desgraupes. Il fonde également sa maison de production, Apache, et prend la direction d’Action École, œuvre humanitaire, après la mort de son ami Daniel Balavoine. Puis ce sera la valse du couple Gall-Berger. Chacun à son tour sortira un album et fera une scène, tous deux enfin reconnus. Michel assurera le Palais des Sports en 1983 et le Zénith en 1986 : « Une fois sur deux, nous prenons des années sabbatiques pour accompagner l’autre dans sa tâche. »

Dernièrement, pourtant, il avait mis sa carrière à l’index pour remonter « Starmania », composer un album pour France (« Babacar »), pour Johnny Hallyday (« Rock’n’roll Attitude ») et pour écrire « La Légende de Jimmy » à Mogador. Son dernier album, « Le Paradis blanc », en passe presque inaperçu. Il avait déjà en tête le disque en duo que France lui demandait comme une dernière faveur avant d’arrêter sa carrière et de redevenir maman à temps complet.

Lui avait plus d’un projet : réaliser un film, « Totem », sur la vie des Indiens de Colombie, monter « Starmania » aux Etats-Unis et investir la Cigale en octobre pour son premier spectacle à deux mains et à deux voix avec France Gall, sa « »Babou ». Il venait de signer leur disque commun « Double jeu ». Un disque difficile qu’il dut travailler seul à Los Angeles, car France, plus exigeante que jamais, n’avait pas aimé la première mouture : « C’est le disque le plus dénué d’émotion que j’aie Jamais fait, confiera-t-il. Mais il plaît tellement à France … »

Même si « Ca ne tient pas debout », Michel Berger a rejoint son « Paradis blanc » à 44 ans. Il déclarait récemment, comme un pressentiment : « Je vis comme si Je pouvais mourir demain. Je pense énormément à la mort, elle est si étrange. Mais, si elle arrive, j’aimerais qu’elle ne fasse pas de trop de peine à ceux que j’aime … »  Par Valérie Domain


La dernière fête parisienne de Michel et France : Raphaël, 11 ans, leur soufflait les paroles oubliées.

Il était debout, discret, mais tout sourire. France, elle, papillonnait entre ses invités. Ça l’amusait, il ne cessait de la suivre des yeux. Comme elle, il avait ce regard gourmand des enfants et, ce soir-là, il allait jouer. C’était le 22 juin dernier. France et Michel avaient envie d’un retour aux sources, celui des planches. Après « Double jeu », le couple voulait offrir ses premiers duo « live » à leurs amis.

Pour ce mini-concert privé, ils avaient choisi un club de jazz, le New-Morning, à Paris, car l’ambiance était la leur : intime et chaude. Patrick Bruel, Nathalie Baye, Pierre Lescure, Béatrice Schoenberg faisaient partie de la cinquantaine d’invités privilégiés. Michel Berger était détendu et heureux, il saluait tout le monde comme s’il recevait chez lui et conseillait de goûter aux plats japonais qui ornaient le buffet.

Puis il s’installa devant ses claviers, France à ses côtés. Ce fut d’abord « Laissez passer les rêves », leur nouveau titre puis « Superficiel et léger » et « Les élans du cœur ». Leurs deux enfants, rarement présents à leurs soirées, Raphaël, 11 ans, et Pauline, 13 ans, reprenaient les chansons en cœur.

Le dernier titre s’appelait « Jamais partir ».

« C’est la seule chanson que Michel et moi avons voulu garder du premier enregistrement », m’avait expliqué France. Cette chanson, présente sur l’album « Double jeu », avait été écrite d’un seul jet par Berger. Elle disait l’espoir et le désir de ne jamais disparaître : « Même si tout doit toujours finir bien, l’avenir n’a qu’à revenir demain / Retenir un peu de plaisir dans nos mains / Juste le temps de se souvenir au moins / Il ne faudrait jamais partir / Mais quelqu’un sera là peut-être pour se souvenir, que j’étais là, que c’était toi. »

Dans la soirée, les invités leur demandaient de refaire un « bœuf », Michel n’était pas « chaud » : « Il vaut mieux arrêter au bon moment », disait-il. Finalement, il reprit ses marques derrière son piano pour interpréter ses anciennes chansons. Raphaël soufflait à ses parents les paroles qu’ils avaient oublié, jusqu’à la dernière mélodie qui fut « Évidemment ».

« On a tout le temps de se revoir. Le concert est prévu pour octobre à la Cigale, m’avait-il confié avant de quitter la soirée. Je pense à notre vrai retour, en septembre. »

Pauline, elle, était partie se coucher et Raphaël s’amusait à la batterie. Ils ne savaient pas ce jour-là, qu’ils ne pourraient plus jamais être les groupies de leur pianiste de père.


Il a écrit pour Hallyday, Sanson, Hardy … ses dernières paroles pour France Gall.

Laissez passer les rêves/Celui de John qui chante/Celui de Luther King/Que le matin se lève sur un tout nouveau monde comme on l’imagine. »

Michel Berger aimait les hommages, et jouer avec les mythes de sa culture la culture rock : « Il jouait du piano debout » fut écrit en pensant à Elton John, il composa un spectacle entier sur James Dean (« La Légende de Jimmy »), et ces rêves qu’il ne veut pas laisser passer sont bien ceux de John Lennon. « Quelque chose de Tennessee », qui renvoie à l’univers moite et torturé des pièces du dramaturge américain, restera sa plus belle chanson, un chef-d’œuvre de blues déposé aux pieds du rocker français n° 1, Johnny Hallyday.

Et pourtant, le jeune Berger, qui avait commencé sa carrière à seize ans en plein boom yé-yé, finança son premier album grâce au succès d’un tube qu’il avait composé pour Bourvil, « Les Girafes ».

Un peu plus tard, il devint un révélateur de talents en taillant sur mesure des chansons pour les autres : pour Véronique Sanson, sa compagne, qu’il avait découverte, puis pour Françoise Hardy, à qui il donna deux de ses plus beaux titres : « Message personnel » et « Je suis moi ».

Mais c’est avec France Gall, sa femme, dont il fera une star, que le pygmalion frisé s’épanouit.

Il lui écrivit entre autres « La Déclaration », « Si maman si », « Aime-la », « Babacar », autant de tubes qui marquèrent une génération. Au fil des années, il avait affirmé son style : le plus souvent, des ordres simples et immédiatement mémorisables (« Débranche », « Bats-toi »), lancés sur des rythmes syncopés et qui disaient l’absurdité de ce monde « stoned » (une chanson extraite de son opéra-rock « Starmania » et qu’a reprise récemment en anglais Cyndi Lauper).

Dans « Double jeu », le dernier album qu’il interpréta à deux voix avec France Gall, il est une chanson qui résume parfaitement la philosophie de cet éternel adolescent : superficiel et léger. Par Florence TREDEZ


Ils le pleurent.

Jean-Loup Dabadie avait un « amour-admiration » pour Michel Berger : « Il avait apporté et donné aux autres non seulement son célèbre vibrato, mais une vibration absolument unique, un choix, une liberté, une émotion dans ses thèmes musicaux, dans les thèmes poétiques, cette façon de faire des sortes de graffitis géniaux sur son époque. »

Serge Lama : « C’était un grand producteur à l’américaine. C’est quelqu’un qui savait faire un disque, il n’y en a pas tellement en France. J’ai le souvenir d’un grand professionnel, quelqu’un qui avait aussi le sens de la fête, qui savait rigoler, quelqu’un qui aimait son métier par-dessus tout, qui avait toujours un projet en tête, qui travaillait beaucoup. »

Jérôme Savary, pour lequel le chanteur avait composé la musique de la pièce « Marilyn Montreuil » a déclaré sur France Inter : « C’était vraiment l’honneur de son métier. C’était un type qui était honnête, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce métier, qui était droit et extrêmement fidèle en amitié, et puis quelqu’un qui aimait passionnément son métier. Il y avait une tendresse chez lui, une amitié, une fraternité vis-à-vis des gens du métier, aussi vis-à-vis des gens du métier qui n’avaient pas réussi comme lui. C’était un homme timide, mais qui était incroyablement tendre, attentif. Le succès ne l’avait pas du tout altéré. »

Diane Tell, chanteuse qui a travaillé avec Michel Berger pour la comédie musicale « La Légende de Jimmy », a déclaré sur RTL : « Pour connaître Michel, il faut travailler avec lui, parce qu’il travaillait tout le temps ! C’est quelqu’un qui n’arrêtait jamais. Du matin au soir, un projet à Londres, Barcelone, aux Etats-Unis, à Paris, il y avait toujours plein de choses en même temps qui fonctionnaient ( … ). Il savait exactement ce qu’il voulait. »

Brialy, directeur artistique du Festival de Ramatuelle où Michel Berger et France Gall devaient se rendre dimanche soir pour voir le spectacle « Ruy Blas », a déclaré sur RMC : « Je suis vraiment … d’abord ahuri, surpris, stupéfait et bouleversé, et ma première pensée va vers France Gall et ses enfants. Je suis encore sous le choc, on ne peut pas croire qu’un garçon sportif, sain merveilleux … Comment des choses pareilles peuvent arriver ? C’est malheureusement le destin. »


Effort physique, chaleur, déshydratation … quand le cœur est attaqué de toutes parts.

Un cardiologue aux quadragénaires : « Du sport, oui, mais sous contrôle. »

Il n’avait jamais bu, il ne fumait plus. C’est sans doute un effort prolongé, mal dosé et effectué par grosse chaleur, qui est à l’origine de la mort de Michel Berger, consécutive à un infarctus du myocarde, obstruction brutale d’une artère coronaire.

« Ce décès est malheureusement l’illustration de ce que nous, les médecins, ne cessons de répéter sur les risques d’une pratique occasionnelle de certains sports, notamment en été », commente le docteur Alain Ducardonnet, cardiologue spécialiste du sport à l’hôpital Péan, à Paris, qui suit depuis neuf ans les cyclistes du Tour de France.

« Je ferai trois remarques. D’abord, et même si c’est un peu dur à dire dans de telles circonstances, le sport est souvent le révélateur d’une maladie sous-jacente, et l’on a vraisemblablement à faire dans ce cas à un cardiaque sportif. En d’autres termes, la crise cardiaque intervient toujours sur un terrain favorable. »

« Deuxième remarque : le tennis est un sport très brutal, très sollicitant pour le cœur. Il impose notamment des accélérations rapides et des courses sans respiration », souligne le praticien. « Ces efforts se répètent à très grande cadence. Mais alors qu’un professionnel saura récupérer entre deux balles, un amateur aura tendance à jouer à toute vitesse, sans se ménager des plages de repos suffisantes. Lorsqu’on joue une partie de tennis entre amis, on ne s’assoit pas ! »

Conséquence : « De 70 pulsations par minute au repos, le cœur atteint facilement 150-160 pulsations par minute, et s’y maintient généralement pendant toute la partie, soit durant une heure, une heure et demie. Sans compter les à-coups. Dans ce cas de figure, les toxines s’accumulent dans le corps et le cœur « pédale » pour fournir aux muscles les ressources énergétiques nécessaires. Un phénomène en boucle, qui va en s’accélérant … »

Le risque d’accident « aigu coronarien » est alors multiplié.

«  On peut donner un point de référence théorique », poursuit le docteur Alain Ducardonnet. « Le cœur ne doit pas fonctionner à plus de 70 % de ses possibilités en cas d’effort prolongé sur une durée d’une heure ou deux. Ce niveau peut être évalué assez facilement en fonction de sa propre respiration. Lors de l’effort, on doit être capable de parler et de prononcer une phrase courte de trois à quatre mots. Si l’on est trop essoufflé pour le faire, il faut impérativement descendre d’un cran. »

« Un autre facteur entre en jeu en cette période de l’année : la chaleur. L’organisme, qui fournit déjà un effort lors d’une partie de tennis, se mobilise également pour ne pas dépasser la température de 37-38 degrés. Dans le même temps, il se déshydrate. Ce dernier phénomène passe généralement inaperçu. Effort, chaleur, déshydratation. Le cœur est attaqué de toutes parts.

Il faut en effet savoir, insiste le cardiologue, que la sensation de soif n’apparait qu’une heure à une heure et demie après que le bilan hydrique de l’organisme est devenu déficitaire. Il est donc absolument nécessaire de boire même sans avoir soif. Disons, par exemple, un quart d’heure après Je début de la partie. Et de se protéger du soleil, en portant par exemple une casquette. »

«  Troisième remarque : au-delà de la quarantaine, les hommes qui souhaitent reprendre une activité sportive doivent absolument se faire examiner par leur médecin. D’abord pour un bilan de santé général, assorti d’un test de résistance à l’effort, afin de faire le point sur leur aptitude physique. Ensuite pour faire établir un profil de risques vasculaires, comprenant notamment une évaluation du cholestérol.

« Car c’est à partir de cet âge que les risques sont les plus grands. On a généralement arrêté de faire du sport régulièrement vers 18-20 ans, on a modifié son alimentation et l’on s’est parfois mis à fumer. Sédentarité, tabac, cholestérol : autant de facteurs qui favorisent l’athérosclérose (1) ».  Propos recueillis par Charles DESJARDINS

(1) Accumulation de dépôts graisseux dans les artères, à l’origine de la plupart des occlusions coronariennes aiguës.

Magazine : France Soir
Par : Valérie Domain, Florence Tredez et Charles Desjardins
Numéro du mardi 4 août 1992
Numéro : 14925

Merci à Elisabeth.

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