Disparition de France Gall
9 octobre 1947 – 7 janvier 2018
Elle nous manquera, évidemment.
Adieu, France.
Quand on porte un prénom comme le sien (même si on s’appelle Isabelle et que « France » vous a été imposé par votre maison de disques …), il vient un jour où l’on se croise dans le miroir, où l’on croise la France. La jeune Gall, issue d’une famille de musiciens (son grand-père Paul Berthier avait fondé les « Petits Chanteurs à la Croix de Bois » et son père Robert Gall était chanteur et parolier) croise très vite cette renommée française.
Star de la période yéyé dans les années 60, à l’égal de Sylvie Vartan ou de Françoise Hardy, elle remporte l’Eurovision en 1965 avec la chanson de Serge Gainsbourg « Poupée de cire poupée de son ». Mais c’est plus tard, dans les années 70 et 80, lorsqu’elle sera en duo dans le travail puis dans sa vie avec Michel Berger que la France va vraiment se mettre à aimer France.
C’est quand France Gall susurrera qu’elle a « besoin d’amour » que les Français lui en donneront et c’est quand elle fera sa « déclaration » qu’ils tomberont en pâmoison. Malgré ses malheurs – la perte de sa fille Pauline, de son mari Michel, son cancer – France Gall était restée, bien après sa retraite officielle (prise dans les années 90) une sorte d’icône. Quelqu’un de « libre dans sa tête ». Comme le Diego de cette chanson de Michel Berger que Johnny Hallyday lui a empruntée. Diego, Johnny, France, les voilà tous au « paradis blanc ».
France Gall, tout pour la musique. La chanteuse, muse de Michel Berger, est morte hier. Elle reste la voix de tubes intemporels.
Icône à l’éternel carré blond, dont la grâce et les yeux mutins, le sourire d’égérie aussi discrète que populaire, ont façonné la chanson française depuis les sixties. Avec l’interprète de Résiste, c’est l’une des idoles des années et de la génération yé-yé qui disparaît. Elle s’est éteinte hier, à 70 ans. “Il y a des mots qu’on ne voudrait jamais prononcer. France Gall a rejoint le Paradis Blanc, après avoir défié depuis 2 ans, avec discrétion et dignité, la récidive de son cancer”, annonçait son entourage. Demeurent d’inoubliables tubes. France Gall les a collectionnés. “C’est l’une des dernières stars de la chanson française, c’est pour cela que la France est si émue. Elle avait un charisme irrésistible”, dit le Marseillais Alain Wodrascka qui a écrit sa biographie en 2010 (France Gall, Muse et musicienne).
Née dans une famille de musiciens à Paris en 1947, Isabelle de son vrai prénom, connaît le succès au sortir de l’enfance avec l’élémentaire Sacré Charlemagne – un morceau écrit par son père Robert Gall, parolier qui a signé pour Aznavour La Mamma. Célèbre à 16 ans, gaie, lolita au destin romanesque, France Gall est entrée dans la légende grâce à sa voix acidulée qui “jazze”. Un timbre de miel et un rire cristallin qui permettent à l’espiègle de remporter le concours de !’Eurovision en 1965 avec l’ingénue Poupée de cire, poupée de son. Cette ritournelle intemporelle l’a rendue célèbre jusqu’au Japon, composée par Serge Gainsbourg qui lui offre également Laisse tomber les filles et Les Sucettes, scandale malicieux sur lequel butera leur collaboration.
La belle, qui a entretenu une courte liaison avec Claude François (la rupture a inspiré Comme d’habitude) ou Julien Clerc (Souffrir par toi n’est pas souffrir), donne un nouveau tour à sa carrière après sa rencontre avec Michel Berger en 1973. Le mélodiste dévoile d’autres facettes de son talent (La déclaration, Besoin d’amour, Ella, elle l’a, Il jouait du piano debout) : une métamorphose, une renaissance. Elle retrouve la lumière après une traversée du désert, ils entrent ensemble dans la légende. Muse de Michel Berger, elle devient son épouse et la mère de ses deux enfants, Pauline en 1978 et Raphaël en 1981.
Du couple qu’elle forme avec le brillant auteur-compositeur, elle confiait à La Provence en 2015 : « Notre histoire est unique au monde. Ça n’a jamais existé, sur cette longueur, parce que c’est toute une vie, c’est 18 ans ensemble jusqu’à sa disparition. Et sur ces 18 ans, il a fait tout ce qu’on connaît. Je faisais tout, aussi, pour lui permettre de travailler tranquillement. Ce qui lui a permis de créer énormément. Il avait ce don. Ses chansons sont intemporelles parce que c’est de la beauté pure. Il n’y aura pas d’époque pour les écouter. »
L’ancienne idole des sixties, Cristal de la première version de l’opéra- rock Starmania, enchaîne alors les succès, avec le même naturel, une délicatesse et des engagements qu’elle met au service de l’Afrique (SOS Éthiopie). France Gall n’a pas été épargnée par les drames : outre le décès brutal, en pleine gloire, de Michel Berger à 44 ans en 1992, elle découvre son cancer du sein l’année suivante et perd l’un des deux enfants qu’elle a eu avec Michel Berger, Pauline, emportée par la mucoviscidose en 1997. Après ce choc, et une tournée d’adieux, elle se retire de la scène. « Je n’ai jamais eu envie d’y revenir. Quand j’ai commencé à 16 ans, la première question qu’on m’a posée c’est : « Est-ce que vous chanterez pendant longtemps ? »
À cette époque-là, je répondais : « Dans 5 ans, je m’arrête. Plus tard, je pensais que je m’arrêterais à 50 ans. Et la vie m’a fait arrêter, sans que je le désire, à 49 ans et demi. Après cela, je n’ai plus jamais eu envie de remonter sur scène », avouait -elle en 2015, sortant du silence pour défendre la comédie musicale Résiste. Pourtant, sa voix faisait, Évidemment, vibrer et rimer toute sa vie à la musique.
Tout pour la musique.
Réactions
« France Gall a traversé le temps grâce à sa sincérité et sa générosité (…) Si Johnny Hallyday fut pour bien des Français cette figure de grand frère protecteur, France Gall fut assurément leur éternelle petite sœur, dont la fragilité radieuse a accompagné des générations. »
EMMANUEL MACRON« France, nous avions 20 ans, des bonheurs, des chagrins. Une part de ma vie s’en va avec toi. » JULIEN CLERC
« Elle avait choisi la discrétion et nous a quittés sur la pointe des pieds … Ceux qui ont grandi sur les chansons de France et Michel, n’oublient rien. » HÉLÈNE SÉGARA
« Quelle tristesse de perdre France Gall, sa voix, son talent, son rire, ses yeux brillants. Ayons une pensée émue pour son fils Raphaël. » NAGUI
« Il y a eu beaucoup de France/Galles. Mais il n’y avait qu’une seule France Gall. Alors, dansons encore sur les accords qu’elle aimait tant.” LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE RUGBY, en clin d’œil à son nom de scène.
Magazine : La Provence Alpes
Par Patrick COULOMB
Date : 8 janvier 2018
Numéro : 7513