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Chapeau France Gall ! Malgré les terribles épreuves qu’elles a vécues, la mort de son mari, Michel Berger, et son opération du sein, elle revient en force, du 10 au 12 et du 22 au 25 septembre, au Palais Omnisports de Bercy.
Sa rage de vivre a pris le dessus et elle relève l’incroyable défi que lui avait lancé Michel avant de disparaître, le 2 août 1992 : poursuivre sa carrière tout en gérant l’énorme entreprise « Berger».
S’armant de courage, la petite fée blonde s’est battue pour mettre sur pied un fabuleux spectacle, à la fois artistique et émouvant, en hommage à son « professeur Tournesol ». Aujourd’hui, France Gall est plus solide que jamais et semble avoir puisé dans son chagrin encore plus d’énergie : “Je n’ai plus peur de rien, dit-elle. Comme si, en partant, Michel m’avait légué sa force.”
Avant les répétitions, France s’est réfugiée quelques jours dans sa somptueuse propriété, Le Clos Saint Nicolas, située à Vasouy, près de Honfleur, en Normandie. Nous avons mené notre enquête pour en savoir un peu plus sur la manière dont la jeune femme vivait désormais.
D’une façon générale, les gens du village affirment, avec une certaine amertume dans la voix : “Depuis la mort de Michel, on ne la voit plus aussi souvent.”
Il semble en effet que France Gall ait choisi d’éviter le plus possible les contacts avec le monde extérieur. Quand elle se rend dans un lieu public, c’est toujours pendant les heures creuses. Et elle prend alors soin de porter des lunettes noires afin de limiter les risques d’être reconnue.
Mais évidemment, elle ne peut tromper ceux qui la connaissent bien. Aux Vapeurs, le célèbre restaurant de Trouville-sur-Mer, les patrons, Martine et Gérard Bazire, nous ont confié que France arrivait pour dîner vers 19 heures afin d’éviter la foule : “Elle vient régulièrement depuis la mort de Michel. Nous avons remarqué qu’à table, même si elle est entourée de ses enfants et d’amis, ce n’est pas la grande gaieté. Elle a l’air triste. On voit bien qu’il manque quelqu’un à ses côtés.”
A Honfleur, dans la rue du Dauphin, il faut être matinal pour avoir la chance de rencontrer France Gall. A l’heure où tout le monde dort encore, excepté les commerçants qui ouvrent leurs portes, on peut entendre le vrombissement d’une Renault Espace qui se gare sur la place Sainte-Catherine.
Trois, quatre, cinq silhouettes descendent de la voiture et se dirigent vers La petite Chine, une pâtisserie réputée pour ses desserts à base de pommes.
“Elle apprécie les gourmandises en général, mais ce qu’elle préfère, ce sont les tartes Tatin” explique Fan Terrier, la propriétaire des lieux. C’est quelqu’un de très simple. Elle vient avec sa gouvernante et je peux vous dire que personne dans la rue ne la reconnaît, personne ne se retourne sur elle.”
« Hésitante … »
Malgré tout, la chanteuse préfère ne pas s’attarder en ville. Elle se contente de faire un petit tour chez Jean-Claude Herrault, le fleuriste de la place Pierre Berthelot, pour choisir des bouquets de fleurs champêtres à dominantes jaunes et bleues : “France est une cliente très sympa, mais pas très facile, avoue celui-ci. Elle est hésitante, change d’avis, ce qui me complique les choses pour réaliser mes compositions florales. »
A la parfumerie, en revanche, France se montre décidée : “Elle ne reste pas longtemps car elle sait ce qu’elle veut. Elle a ses produits de beauté attitrés, tel que le parfum L’heure Bleue de Guerlain, son maquillage est sobre, rimmel et eye-liner noirs. Et lorsqu’elle vient en ville, elle est toujours accompagnée d’un certain nombre d’amis.”
Et pour ne pas perdre de temps, France envoie ses deux enfants, Pauline, qui a quatorze ans, et Raphaël, qui en a douze, chercher du pain à la boulangerie. Au blé d’or.
Le seul endroit où on ne la rencontre plus, c’est Deauville. Autrefois, elle s’y rendait régulièrement et, au cours de ses escapades, s’arrêtait chez Liberty’s, une boutique de décoration d’intérieur.
Alain, le vendeur, s’est occupée d’elle pour la dernière fois quinze jours après le décès de son mari : “Elle a du goût, dit-il. Et le chic pour choisir les plus belles choses : comme des peintures scandinaves contemporaines et des petits coussins. Elle adorait vraiment chiner.”
C’est vrai, ça fait un an qu’on ne la voit plus, la petite France, un an qu’elle est seule, un an qu’elle se bat : “Aujourd’hui, dit-elle, j’ai le sentiment d’avoir passé une ‘année à survivre plutôt qu’à vivre.”
Les fenêtres du Clos Saint Nicolas sont grandes ouvertes et laissent entrer l’air frais et les parfums de la campagne normande. Retirée du monde, France Gall profite de ses tous derniers moments de détente avant Bercy, en compagnie de ses enfants chéris et de ses amis qu’elles a invités à partager le calme et la sérénité de sa retraite …
Reportage et photos Maureen MARCHAL
Magazine : Ici Paris Magazine
Date : 1er au 7 septembre 1993
Numéro : 2513