France éternelle (Presse ) Télé Poche

La disparition, à 70 ans, de l’icône pop a bouleversé les Français. Ses tubes, comme ses malheurs, nous ont touchés au cœur.

« France Gall a rejoint le paradis blanc le 7 janvier, après avoir défié depuis deux ans, avec discrétion et dignité, la récidive de son cancer. »

C’est par ce communiqué que les Français apprenaient la disparition de la muse de Michel Berger. S’ils savaient la chanteuse souffrante, depuis fin décembre, rien n’avait filtré laissant deviner une issue tragique. Et si on ne l’avait plus revue depuis 2015 et la création-hommage de la comédie musicale Résiste, c’était probablement parce que cette nomade discrète naviguait entre sa maison normande du Clos Saint Nicolas et Ngor, au Sénégal. Un refuge acquis il y a près de trente ans avec Berger, où elle vivait la moitié de l’année : « Sur cette île, disait-elle, il n’y a ni route, ni électricité, juste le sable et les oiseaux »

C’est pourtant à l’Hôpital américain de Neuilly que France Gall est décédée, dans les bras de son fils Raphaël. Et c’est au cimetière de Montmartre qu’elle repose désormais, auprès de son mari et de leur fille Pauline. Ses bonheurs. Son malheur, aussi. Des sentiments entremêlés tout au long de sa vie. Née à Paris en 1947, Isabelle Gall est la fille de Robert Gall qui écrit des chansons pour Piaf et Aznavour. Aussi se met-elle naturellement au piano à 5 ans, à la guitare à 11 avant de créer avec ses deux frères, un orchestre. À 16 ans, elle enregistre Ne sois pas si bête.

« Le succès est venu très vite, confiera-t-elle. Et moi, je me suis lancée dans le métier comme un enfant qui se laisse emporter » Par le triomphe, en 1964, de Sacré Charlemagne. Et la consécration, l’année suivante à l’Eurovision d’une Poupée de cire, poupée de son confectionnée par son premier Pygmalion. Serge Gainsbourg métamorphose la jeune fille sage en Lolita mi-pop, mi-yé-yé, moins allumeuse qu’acidulée. Et blessée.

Son producteur ne l’a-t-il pas rebaptisée du prénom France qu’elle déteste, pour ne pas qu’on la confonde avec la blonde, Isabelle Aubret ? Et son amoureux Claude François ne l’a-t-il pas répudiée, jaloux, le soir même de sa victoire à l’Eurovision ? Jusqu’à la découverte tardive par France, du double sens des Sucettes que Gainsbourg lui fit perversement avaler au point de la traumatiser et, dira-t-elle, « changer [son] rapport aux garçons ». Cependant, cette première carrière n’a rien de déshonorant. « France, jugera Françoise Hardy, a toujours eu beaucoup de goût et a su choisir ses chansons, y compris celles des débuts qu’elle n’aimait plus. » C’est pourtant une traversée du désert qui l’attend, en même temps qu’elle s’installe à la campagne avec Julien Clerc. Jusqu’au coup de cœur éprouvé à l’écoute en 1973, d’une chanson de Michel Berger.

L’osmose professionnelle, concrétisée par la Déclaration d’amour, devient rapidement sentimentale. Ils se marient en juin 1976, l’été de leur duo Ça balance pas mal à Paris, alors que Michel offre à sa muse ces pépites pop, profondes et légères, que sont Musique, Si maman si, Viens je t’emmène.

« France avait de vraies facultés vocales et rythmiques analysera Alain Chamfort. Elle swinguait et savait faire tourner des mélodies comme les jazzmen. Michel avait cette volonté que les mots rebondissent et n’altèrent pas la musique. Il avait trouvé son interprète. Elle, son moteur »

Une complémentarité qui se retrouve dans leur vie privée. Lui, mélancolique, détaché du quotidien. France, que ses proches surnomment « Babou », les pieds sur terre.

« Ce petit bout de femme pouvait être dirigiste, pointera Fabienne Thibault. Elle était aussi parfois, difficile à cerner et se repliait sur elle-même. »

Les drames l’y encouragent. Parents en 1978 de Pauline et, trois ans plus tard, de Raphaël, le couple apprend, en 1982, que leur fille a la mucoviscidose. Rien ne sera comme avant. Même si la décennie, entre actions humanitaires et concerts à guichets fermés, leur appartient. France inspire à Michel une tonalité plus engagée, de Résiste à Diego, libre dans sa tête, d’Ella, elle l’a à Évidemment.

Après l’album Babacar, au million d’exemplaires vendus, France se retire pour s’occuper de Pauline et traverse avec Michel, une période délicate que semble clore leur album-duo, Double jeu. Lequel précède de quelques mois, en 1992 la disparition de Berger. Battante, la chanteuse affronte un premier cancer du sein avant de remonter sur scène. Jusqu’à la mort, en 1997, de Pauline. « Ce n’est pas le bonheur qui nous fait évoluer, déclarait-elle en 2001, mais ces choses incroyables qu’on nous donne à surmonter » Auprès de son ultime compagnon, le musicien Bruck Dawit, et de son fils Raphaël, France Gall aura passé ses dernières années à valoriser l’héritage de Michel Berger. Mais sans jamais rechercher la lumière dont elle affirmait « ne pas avoir besoin pour être heureuse » Quant à la postérité, disait-elle, « cela m’indiffère totalement » Il est probable, toutefois, que l’on se souvienne de la voix unique de France Gall et qu’après elle « on rit encore, pour des bêtises, comme des enfants ». Mais pas comme avant … Olivier Rajchman


France Gall, elle les a tant inspirés …

Michel Berger

A-t-il été son Pygmalion après avoir été son sauveur, à une époque où la chanteuse doutait de sa longévité dans le métier ? En 1973, elle a un coup de foudre pour lui, d’abord musical lorsqu’elle entend sa voix sortir de l’autoradio pour chanter Attends-moi. « J’aurai ce mec et j’aurai ses chansons », aurait-elle dit, selon le biographe Alain Wodrascka. Puis, les sentiments s’en mêlent alors qu’il vient de la remettre en selle avec La déclaration d’amour. Suivront presque vingt ans d’amour, deux enfants et des tubes à n’en plus finir, jusqu’à la mort de Michel Berger en 1992.

Serge Gainsbourg

En 1964, France Gall explose avec Ne sois pas si bête et Sacré Charlemagne, succès au hit-parade. Gainsbourg le coquin décide de détourner la candeur marketing de la nymphette et lui écrit N’écoute pas les idoles. Il reprendra cette fausse ingénuité avec Poupée de cire, poupée de son et dans les sulfureuses Sucettes, récit à double sens que France Gall prétendra n’avoir pas compris. Choquée quand elle réalisera qu’il n’était pas seulement question de sucreries, elle prendra ses distances avec le compositeur qui lui écrira encore quelques chansons jusqu’en 1972.

Claude François

Avant de devenir artistique, l’interaction entre la blondinette en plein essor et la star yé-yé fut sentimentale. Elle a 17 ans, il en a huit de plus. Double dose d’interdit : elle est mineure, il est marié ! Les voilà amants de l’ombre mais Cloclo lui mène la vie dure, d’autant qu’il est jaloux de son succès. Ce soir du 20 mars 1965, quand on voit pleurer France recevant le prix de l’Eurovision, ce ne sont pas de larmes de joie mais de chagrin car le chanteur malheureux vient de la plaquer au téléphone. Vaguement rabibochés, ils se quittent pour de bon en 1967. Cloclo hurle la douleur de cette séparation qui lui donne l’idée d’une chanson appelée à devenir le hit que l’on sait : Comme d’habitude.

Julien Clerc

Deux ans après Cloclo, France craque pour un chanteur de son âge au look hippie qu’elle rencontre dans les coulisses de la comédie musicale Hair. Julien est en pleine gloire, ce que vit assez mal une France Gall alors au creux de la vague. En 1974, elle quitte son amoureux à qui son chagrin inspire Souffrir par toi n’est pas souffrir. Il espère son retour mais un autre a déjà investi le cœur de la demoiselle.

Daniel Balavoine

L’ami, le frère, le compagnon des combats il jouait son amoureux, en 1979, dans l’opéra-rock Starmania et il est vite devenu un proche, notamment dans leur philanthropie commune pour aider les peuples africains. En 1986, sa mort lui arrache le cœur. Elle demandera à Berger de lui écrire un hommage à Balavoine. Ce sera Évidemment, en 1988.

Coluche

L’homme à la salopette était d’abord l’ami de Michel Berger qui l’invitera à chanter avec lui un tube créé par France en 1977, Si maman, si. C’était en novembre 1980, dans une émission des Carpentier. Coluche deviendra du même coup un proche de la chanteuse qui soutiendra son action humanitaire en venant chanter pour les Restos du cœur dans Les Enfoirés chantent Starmania en février 1993.

Bruck Dawit

En 1995, sa route croise celle de cet ingénieur du son américano-éthiopien qui s’est illustré aux côtés de Sting, Prince, des Rolling Stones … Devenu son compagnon, il écrira avec et pour elle Résiste, la comédie musicale hommage à Michel Berger. Olivier Petit

Magazine : Télé Poche
Par Olivier Rajchman et Olivier Petit
Date : 15 janvier 2018
Numéro : 2710

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