Je ne suis pas nostalgique (Presse)

L’article retranscrit

La chanteuse fait résonner l’opéra rock de Berger et Plamondon avec « Les 30 ans de Starmania » sur France 2, et la réédition de trois albums. Par devoir et plaisir.

Elle s’est réfugiée dans l’ombre, comme pour s’effacer du monde. De temps à autre, elle réapparaît pour donner des nouvelles, pour nous dire : « Je suis toujours là, je vais bien.» Aujourd’hui, France Gall fête les 30 ans de Starmania, écrit par Luc Plamondon et composé par Michel Berger, à travers la réédition de trois albums et un show télé. Elle a demandé à une pléiade d’interprètes de chanter les compositions de l’homme de sa vie. Le tournage s’est achevé, il y a deux jours, à 4 heures du matin.

Le lendemain, elle donnait une fête dans son appartement parisien, et proposait des mets éthiopiens. Elle aime changer de décor sans bouger de chez elle. Elle nous y reçoit en boubou prune et amande, et ongles laqués en rose pâle. Entre mamma et petite fille. Son refuge est gai, lumineux, comme elle.

VSD. En 1979, vous avez créé le rôle de Cristal, au Palais des Congrès.

France Gall. Au départ, Michel, qui voulait des artistes inconnus, ne souhaitait pas me confier ce rôle. Mais, à force de chercher sans trouver, il s’est résigné ! On l’impression que ça vient d’être écrit, pas un mot n’appartient au passé, à part peut-être « Bowie » et « disco ».

VSD. François Mitterrand était un fan !

F.G. C’est vrai, de la version de 1988. Il venait régulièrement, nous déjeunions à l’Élysée avec la troupe, qui s’est même produite devant Lady Di et le Prince Charles ! Il aimait beaucoup Wenta, qui jouait le rôle de Sadia.

VSD. En 2009, comment avez-vous choisi les interprètes de l’émission ?

F. G. Ça a commencé, pour moi, pendant la remastérisation des trois CD que nous rééditons : j’ai imaginé quelques voix sur certaines chansons. Il y a ceux qui ont créé le rôle, comme Diane Dufresne pour Stella Spotlight, qui est venue pour la dernière fois interpréter Les Adieux d’un sex-symbol, c’était tellement émouvant, ou comme Maurane chantant Les Uns contre les autres. Mais certains sont des jeunes issus de l’histoire de Starmania, des gagnants de « Nouvelle Star » ou de « Star Academy » : Christophe Willem, Amel Bent, Jenifer, Julien Doré, Amandine, ou Nolwenn Leroy. Il y a aussi Grégoire, Catherine Ringer, le groupe Mozart, et d’autres encore. Sur le tournage, j’étais assez mère poule. Ils l’ont tous pris comme un cadeau, et, moi, je suis heureuse de ce qu’ils m’ont donné.

VSD. Ces trente années ont-elles passé vite ?

F.G. Pas du tout, ça n’a pas passé vite. J’ai eu mille vies, de bonheurs, de drames, de musique … Et ma vie, aujourd’hui, est tellement différente.

VSD. Le Sénégal compte-t-il toujours autant pour vous ?

F. G. Toujours. J’y vais quelques mois, l’hiver en général.

VSD. Vous y êtes peinarde ?

F. G. Je ne suis jamais peinarde ! Dès que quelqu’un accoste sur l’île de N’Gor, un enfant ou un pêcheur lui propose de lui « montrer la maison de France Gall ». Et deux fois par jour, un guide relate ma vie, enfin plutôt n’importe quoi, comme « c’est ici qu’elle a guéri ses maladies ». Je lui ai conseillé d’aller la raconter devant la maison d’à côté ! Ce que j’y aime, c’est le retour vers le passé. C’est un lieu où l’on prend son temps, où je vis avec les vagues, l’eau, le vent, les oiseaux, l’océan. Cuba est à 5 000 kilomètres en face de moi.

VSD. Michel Berger a été emporté par une crise cardiaque en 1992, votre fille Pauline par la mucoviscidose cinq ans plus tard. Comment se reconstruire après de telles épreuves ?

F. G. Je me suis beaucoup reconstruite dans cette maison perdue au milieu de la mer, sans électricité. J’ai découvert cette île en 1968 lors de vacances. Depuis, j’y suis toujours revenue. Il y avait une ferme normande à vendre, ça m’a fait tellement rire d’aller aussi loin pour trouver des colombages ! En général, quand j’arrive, on s’embrasse, on se parle, les femmes m’apportent des fruits, on boit le thé. Après la perte de Michel puis celle de ma fille, j’ai aimé la manière dont elles m’ont accueillie, sans un mot, en se couvrant le visage du pagne de leur boubou. J’ai trouvé magnifique cette façon de montrer leur peine.

VSD. Quelles sont vos clés du bonheur ?

F. G. Le bel âge que je traverse me donne des envies différentes qui passent par la douceur, le silence. Je n’en peux plus des gens qui parlent sans cesse, remplissent les espaces. Aujourd’hui, en choisissant l’ombre, j’écoute ma nature profonde. Même si j’étais portée par l’amour du public, par mon métier, je me suis fait violence pour être dans la lumière … Je ne sors pas de chez moi, c’est une enveloppe où je me sens protégée du fracas de la vie. J’ai retrouvé une liberté. Je fuis les contraintes. Seules une quinzaine de personnes ont mon numéro de portable !

VSD. Qu’est-ce qui vous redonnerait l’envie de chanter ?

F. G. On ne sait jamais. Peut-être une rencontre musicale … Je ne me suis pas consolée de la même manière du départ de Michel et de celui de Pauline. Chanter m’a aidée, je me suis noyée dans la musique, le public. Pauline … non, ça m’a donné envie de me taire.

VSD. Vous avez l’air assez douée pour le bonheur. C’est peut-être cela qui avait plu à Michel.

F.G. Complètement ! Je lui disais : « Ça va bien se passer, ça va être merveilleux », il trouvait ça formidable.

VSD. Êtes-vous nostalgique de votre vie d’avant ?

F. G. Pas du tout. Cette vie je l’ai eue, je l’ai connue, je l’ai aimée. Et mon rêve absolu était d’avoir des enfants.

VSD. Quelles sont les valeurs que vous transmettez à votre fils Raphaël ?

F. G. Les enfants sont imprégnés de ce qu’ils voient. Il comprend la différence devant ses copains dévastés quand ils sont confrontés à la mort. À la vue d’une photo de son père ou de sa sœur, lui ne l’est pas.

VSD. Le temps qui passe est-il un ami ?

F. G. La jeunesse, c’est la beauté mais l’ignorance. Vieillir, c’est l’expérience. Chaque soir, je remercie pour la journée passée. Je n’ai pas toujours remercié, j’ai dit : « Ce n’est pas possible », on essaie de comprendre … Et j’ai compris qu’il faut accepter ce dont on n’est pas responsable. Je suis ouverte à la vie. La rencontre avec Michel, c’est une histoire unique. Qu’une personne que l’ on aime écrive les mots qui nous correspondent exactement, ça donne une force! Ce n’était pas le hasard. Le hasard, ce mot que Dieu a inventé pour passer incognito.


Les 30 ans de Starmania sur France 2

A l’occasion des 30 ans de la célèbre comédie musicale, France 2 a programmé le vendredi 24 avril 2009 une soirée spéciale. France Gall a animé cette soirée de 2h10 entièrement dédiée à Starmania. De nombreux artistes sont venus interpréter les nombreux tubes de l’opéra rock écrit par Michel Berger et Luc Plamondon.

Magazine : VSD – Week-end
Par Laurence Durieu
Photos de Thierry Boccon-Gibod
Date : 15 au 21 avril 2009
Numéro : 1651

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