Le retour de France Gall (Presse)

L’article

France Gall sur scène pour des harmonies partagées. Des yeux sombres qui vous regardent d’un air curieux et espiègle entre deux mèches blondes, un sourire radieux qui illumine son joli visage, et France Gall lance sur un ton convaincu : Si c’est pour les femmes, c’est bien !

Réponse sympathique, après les présentations, qui n’annonce en aucun cas un pamphlet féministe, mais qui est une façon aimable d’accepter une interview pour notre hebdomadaire. Elle est si réticente, habituellement, à se confier.

Son attitude n’est pas un caprice de vedette ni un goût bien entretenu pour le mystère, c’est simplement de la pudeur et, peut-être, aussi une certaine timidité.

Intimité : Vedette a seize ans, comment jugez-vous votre carrière et vos succès de cette époque en regard de ce que vous faites aujourd’hui ?

J’ai eu de la chance, d’abord, que mon premier disque, Ne sois pas si bête, ait été si favorablement accueilli par le public. Chance encore que le deuxième, N’écoute pas les idoles, ait marché si bien et confirmé ma faveur auprès des jeunes ; chance toujours de rencontrer un auteur comme Serge Gainsbourg qui a écrit mes plus belles chansons d’alors. Renier cela, ce serait renier le talent de Serge Gainsbourg. Et je le dis d’autant plus volontiers qu’à cette période mon père composait de très jolies choses pour moi ! D’ailleurs, qu’est-ce qui reste aujourd’hui, sinon les succès de Serge Gainsbourg que j’ai eu le bonheur d’interpréter ? En revanche, ce que je regrette, c’est qu’on m’ait quelque peu orientée vers des choix discutables ! Je n’avais pas la maturité nécessaire pour juger. J’étais vraiment très « bébé ». En fait, je savais seulement ce que j’aimais ou pas. Pour trois morceaux qui me plaisaient, j’en acceptais un qui n’était pas du tout pour moi. On travaillait différemment, et je n’avais pas assez d’autonomie pour prendre les décisions qui s’imposaient. A tel point qu’à un moment, j’avais pensé tout arrêter, tellement j’étais malheureuse. Les auteurs me voyaient, ou petite fille, ou carrément créature perverse.

Intimité : Votre rencontre avec Michel Berger a donc représenté un tournant dans votre métier et aussi dans votre existence personnelle ?

Michel Berger est le premier qui a pris le temps d’essayer de me comprendre pour écrire une chanson qui me correspondait. Ça a donné La déclaration qui m’a effectivement permis de prendre un bon virage et d’effacer le côté « bébé » de mon personnage. Michel a le talent de savoir transcrire et de mettre en harmonie ce qui me touche. Je suis son sujet d’observation, et c’est pour cette raison que, depuis ma rencontre et mon mariage avec lui, toutes les chansons qu’il compose pour moi collent si bien à ma personnalité. Je dois avouer qu’il est rare que je lui demande de modifier quoi que ce soit, ne serait-ce qu’un mot ! Quant à ma vie personnelle avec lui, elle se passe magiquement. Mais on ne s’est pas choisis sur un coup de tête. Dans notre milieu, il est important de savoir dès le départ qu’il est difficile de concilier vie privée et profession.

Intimité : Justement, comment arrivez-vous a concilier les exigences de votre métier avec votre vie de couple et de mère ?

En dehors des périodes où je sors un disque et de celles durant lesquelles je prépare et joue un spectacle, je m’occupe – sûrement plus que de nombreuses femmes – de ma maison et de ma famille. Et, lorsque je pars en tournée, c’est toujours avec ma fille Pauline et mon fils Raphaël. Michel est certainement un être secret, fou de musique, mais il ne s’enferme pas dans sa tour d’ivoire pour créer. Il a simplement besoin que le téléphone ne sonne pas quand il joue du piano !

Intimité : En 1978, vous avez été la vedette de Made in France, un spectacle musical uniquement avec des femmes, au théâtre des Champs-Élysées, vous remontez sur scène au palais des sports avec Tout pour la musique. Que proposez- vous a votre public, cette fois ?

Si j’ai tenu à préparer et à faire ce spectacle, c’est encore une fois une gageure, car on dit toujours – la première fois déjà – que je suis une vedette du disque, pas une artiste de scène ! Mais, comme je ne me montre pas souvent à ceux et à celles qui me font la faveur d’acheter mes disques, de les écouter, que j’accepte peu d’interviews, je me donne à fond dans ce spectacle, pour les remercier de m’être fidèle au fil des années. Tenez, si je pouvais, je me tiendrais à l’entrée, et j’embrasserais chacune des personnes qui viennent me voir, qui ont pris la peine d’acheter un billet, de sortir … Tout pour la musique est, je l’espère, très original. Ce n’est pas un show de Broadway ni de télévision. La vaste scène du Palais des Sports et l’immense salle me conviennent très bien. Je ne danse pas, je bouge sur une rythmique et je suis entourée de six chanteuses danseuses. L ‘orchestre est composé des musiciens avec lesquels je travaille depuis toujours, mais qui n’ont jamais participé à un de mes spectacles. Pour le contenu, j’ai sorti 25 chansons des 4 albums que j’ai faits depuis 1974, ce qui représente 6 ou 7 titres de chacun, et j’ai extrait 6 ou 7 chansons de mon dernier album qui s’appelle également Tout pour la musique. Pour régler la chorégraphie, j’ai eu la chance d’avoir Pierre Fuger qui avait fait merveille avec le Big Bazar de Michel Fugain. Il y a aussi un styliste qui s’est chargé des costumes. N’imaginez pas pour autant que ce soit dans le style paillettes.

Intimité : Et après ?

Eh bien ! … il y aura sans doute encore des chansons signées Michel Berger, mais pas tout de suite. Je me reposerai un peu en attendant de continuer ce métier. Je n’arrête pas, contrairement à ce que certaines rumeurs ont pu faire croire. Tant que le public m’aimera, j’essaierai de le lui rendre le plus sincèrement et du mieux possible !

Magazine : Intimité
Date : du 5 au 11 janvier 1982
Numéro : 1887

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