France Gall : ma vie sans Michel Berger (Presse) Gala

Pendant un an et demi, elle s’était installée à Los Angeles avec ses enfants. Pour tourner une page douloureuse. De retour, elle nous livre ses confidences.

Un duplex à deux pas du parc Monceau, à Paris, vers 18 heures. Caleçon noir, tunique verte, France Gall partage le goûter de ses deux enfants. Thé et fruits. Elle est anxieuse de l’accueil qui sera réservé à son disque, mais apaisée sur le plan personnel.

Gala : France, votre nouvel album, est à nouveau, et uniquement, consacré à Michel Berger. Pourquoi?

France Gall : C’est le patrimoine qu’il nous a légué, à moi, à ses enfants et au public. Dans les chansons de Michel, je me sens chez moi. Pourquoi aurais-je laissé tomber ? Pourquoi serais-je allée voir ailleurs ? Pour l’instant, je n’ai rien entendu de plus beau qui me corresponde. D’ailleurs, la première fois que j’ai écouté un disque de Michel, je me suis dit que si je ne pouvais pas travailler avec lui, mieux valait arrêter de chanter.

Gala : Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de vous expatrier pour faire ce disque, qui est finalement si proche de nous ?

F. G. : Parce que, pour respirer, il fallait que je m’en aille. L’idée n’était pas de faire un disque « américain ». C’était de partir sans regarder en arrière. De laisser des choses un peu lourdes, après quelques années de tracas.

Gala : N’avez-vous pas eu peur que ce soit, pour vos enfants, une rupture de plus ?

F. G. : Je ne serais jamais partie s’ils ne l’avaient pas souhaité. Mais ils le désiraient comme des fous. Raphaël voulait être américain et Pauline bilingue ! On partageait la même envie de changer de paysage.

Gala : Et alors ? Ils sont revenus bilingues ?

F. G. : Raphaël, moyennement. Mais Pauline, tout à fait.

Gala : Et la solitude, vous ne la redoutiez pas ?

F. G. : On est partis sans peur, sans se poser de questions. On est arrivés un jour de décembre, dans une grande maison vide qu’avait habitée Doris Day, et l’aventure a commencé. Je mentirais si je vous disais que le réveillon a été le plus heureux de notre vie. On ne connaissait personne, on se retrouvait à l’autre bout du monde et on trouvait les Américains aussi si différents que les Chinois. On savait qu’il nous faudrait un temps d’adaptation. On se sentait protégés par notre volonté commune.

Gala : A Los Angeles, comment se déroulait votre vie ?

F. G. : C’était très organisé. Beaucoup plus qu’ici, où c’est toujours un peu le chantier ! Là-bas, tout était programmé. Il y avait peu de place pour l’inattendu. La semaine, les enfants allaient au lycée français et moi au studio. Huit heures par jour … comme au bureau. Le week-end, on allait à Venice, au bord de la mer. On faisait du sport. On déjeunait toujours dans le même restaurant. Puis, je me faisais masser le dos sur la plage. C’était nouveau de vivre comme ça, en liberté, dans l’anonymat !

Gala : Qu’avez-vous découvert, en bien comme en mal, à Los Angeles ?

F. G. : Les Californiens. J’ai apprécié leur formidable énergie. Ce sont des gens sûrs d’eux, plutôt gais et en forme. Aucun laisser-aller. Les femmes sont coquettes et les hommes impeccables. C’est agréable, même si pour nous, Latins, voir des types qui s’enduisent de crème, se font tirer la peau et prennent un soin inouï de leur corps, cela fait un peu bizarre !

Gala : Vous aviez déménagé vos affaires personnelles ?

F. G. : Des malles entières, oui. Je voulais apporter un peu de mon décor. Des tonnes de vêtements, notamment. Inutiles, puisque nous n’avons porté que ceux achetés sur place ! Pour les meubles, nous avons tout loué là-bas. Chacun s’est créé son univers : la chambre de Raphaël était toute noire, celle de Pauline toute blanche.

Gala : Comment avez-vous vécu votre retour en France ?

F. G. : On était plutôt contents de rentrer, mais, une fois arrivés, on a trouvé que tout était un peu … petit ! L’espace, la végétation somptueuse avaient disparu. Heureusement, les vacances nous ont permis de retrouver tout ça.

Gala : Votre maison dans le Midi, où Michel Berger est décédé, arrivez-vous à y vivre sereinement ?

F. G. : J’aime cette maison. Elle a une âme. Une vraie. La plupart du temps, je n’ai aucun problème avec elle. Mais c’est vrai que je n’y ai pas encore passé un été réussi. C’est la saison bannie, celle du pire souvenir. J’attends avec impatience le premier été où je m’y sentirai bien.

Gala : Et votre maison en Afrique ? L’Amérique vous en a-t-elle privée ?

F. G. : Pendant sept mois, nous n’avons pas quitté Los Angeles, mais j’adore toujours cet endroit. Ma petite maison est enfin terminée. J’y suis retournée pour les fêtes de fin d’année. Mais ça … tout le monde le sait !

Gala : Vous faites allusion à certaines photos de paparazzi ?

F. G. : Oui. Elles m’ont horrifiée. Sur le coup, j’ai immédiatement téléphoné à Dakar pour faire vendre la maison. Mais, finalement, je l’aime trop.

Gala : Revenons à vous : êtes-vous amoureuse ?

F. G. : Seul le temps permettra de répondre à cette question. Il y a trois ans et demi que Michel est parti. Je n’ai pas envie de me cacher, si je peux avoir du bonheur avec quelqu’un, mais il faut de la patience pour savoir si cette personne est devenue essentielle !

Gala : Comment vos enfants réagiraient-ils, face à un autre amour ?

F. G. : Chaque enfant réagit différemment. Surtout quand il s’agit d’un garçon et d’une fille. L’essentiel, c’est d’être la plus heureuse possible, pour les aimer le mieux possible. Et puis, un nouvel amour ne chasse pas le précédent. A vingt ans ou trente ans, on aime pour construire. Plus tard, quand tout est déjà construit, on aime pour retrouver une certaine … légèreté. Pour se reposer un peu et vivre sa vie de femme.

Gala : Comment voyez-vous votre futur ?

F. G. : Je ne sais pas ce que je vais faire et je m’en vante. J’ai appris que penser à l’avenir ne sert à rien et que la vie se moque de nos projets. Alors, et cela me change un peu, je me contente de vivre le présent.

Gala : Trois ans et demi après le départ de Michel, outre ses chansons, que reste-t-il de lui ?

F. G. : La force qui m’anime.

Gala : Si nous terminions en citant quelques mots de Michel Berger au hasard de l’album ?

F. G. : Oui ! Mais pas d’analyse de texte … il aurait détesté cela !

Gala : « Des rêves, des promesses, des mariages … à quoi elle sert cette vie qu’on vit malgré tout », écrit-il. Votre réponse ?

F. G. : A donner l’amour qui est en nous. Les rêves, on en change.

Gala : « Il nous faut le paradis pour oublier l’enfer », entend-on dans Laissez passer les rêves

F. G. : Il nous faut surtout des rêves qui mettent de la hauteur dans nos vies.

Gala :« Que l’amour est bizarre » C’est une constatation ?

F. G. : L’amour, c’est la plus belle surprise de la vie. On ne sait jamais quand il va vous tomber dessus !

Gala : « Débranche … » vous savez le faire ?

F. G. : Sans aucun problème.

Gala : Débrancher le chagrin, on y arrive comment ?

F. G. : Avec l’aide du temps et de gens merveilleux.

Gala : « Si le dégoût de la vie vient en toi », écrit-il encore dans Message personnel.

F. G. : Le dégoût, sûrement pas. La lassitude, parfois.

Gala : L’avenir est-il « fragile … pour les princes des villes » ?

F. G. : Eh oui ! Chanteur, c’est pas le métier le plus pépère du monde.

Magazine : Gala
Par Alain Morel
Date : 28 mars 1996
Numéro : 146

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