Gall / Godard : autour d’une métamorphose (Presse ) Cahiers du cinéma

En 1996, Jean-Luc Godard s’entretenait longuement avec France Gall pour réaliser le clip de la chanson de sa vie, plus haut.

Sept ans après, les cahiers ont rencontré France Gall pour faire revivre cette rencontre, en paroles et en images.

Plus haut occupe une place à part dans la vie de France Gall. C’est une chanson que Michel Berger a composée pour elle au temps des jours heureux, en 1980. Une chanson qu’elle a reprise en 1995, trois ans après la mort de son mari, et à laquelle le deuil donnait un sens nouveau. Une chanson dont Jean-Luc Godard accepta de réaliser le clip qui, après une unique diffusion, fut enterré.

Sept ans plus tard, France Gall reçoit les Cahiers dans son appartement parisien. Comme dans la chanson, elle habite sous les toits, dans un espace baigné par la lumière du jour, dans ce quartier proche du parc Monceau où est né et a grandi son mari. Elle accepte de reparler de cette expérience avec le cinéaste ; avec elle, nous visionnons le clip, ainsi que son entretien avec Godard, filmé pendant une heure trente, dont nous publions la retranscription.

Avant de parler, France Gall souhaite nous faire entendre les deux versions de Plus haut, celle de 1980 et celle de 1996. Différences flagrantes, dans la voix et dans l’orchestration. Plus que le son, c’est l’image de ce moment qui reste gravée en mémoire, pour qui y assiste, en retrait de la scène, et voit France Gall de dos, assise devant la chaîne hi-fi, comme collée contre elle, écoutant ces différences que le temps lui a imposées.

Par un phénomène bien étrange, une image vient alors se superposer à celle-ci. Une image étrangement similaire, celle de la petite fille de Poltergeist, devant la neige du téléviseur, qu’on a oublié d’éteindre dans la nuit, avant d’être aspirée littéralement par elle.

Que s’est-il passé dans la tête de France Gall pendant l’écoute de cette chanson, rappel brutal de deux moments de son existence ? Là aussi, la métamorphose a opéré.

Elle avait croisé Michel Berger pendant plusieurs années sans le voir, la première fois en 1966, avant qu’ils se rencontrent enfin. Leur histoire d’amour s’écrivait en chansons, des frôlements (« Dieu que l’amour est bizarre/Hier je te croise sans te voir/Hier je te parle sans savoir/Que je t’aime déjà ») à la rencontre (La Déclaration d’amour, 1975). Ils se marièrent le 22 juin 1976, eurent leur premier Disque d’or l’année suivante (pour Michel Berger) et leur premier enfant, Pauline, le 14 novembre 1978, alors que Michel Berger répétait Starmania au Palais des congrès. En 1980, ils rencontrèrent le grand public pour ne plus le quitter. Lui avec La Groupie du pianiste, elle avec Il jouait du piano debout. Sur le même album, Paris/France, figure cette chanson qui scelle de manière lumineuse ce moment où la vie l’éclabousse de joie : Plus haut.

Dès 1982, les nuages s’accumulent. Le couple doit apprendre à vivre avec un secret. Leur fille, atteinte d’une maladie génétique, est appelée à mourir, tôt ou tard. Plus près du tôt que du tard. Les journalistes défilent, les clichés s’accumulent (« vous avez tout pour être heureux »), le couple se retient de leur répondre : « Qu’en savez-vous au juste? » Ils prennent sur eux, comme on dit. A chacun leur manière. Lui, en plongeant dans le travail. Elle, en restant auprès de sa fille. En 1986, la mort de Daniel Balavoine et de Coluche, deux amis du couple, alourdit le climat. Et en 1992, Michel Berger disparaît brutalement, victime d’une crise cardiaque.

En 1995, France Gall décide de produire et d’interpréter un album de chansons écrites par Michel Berger. Plus haut y occupe la première place. « C’était évident, dit France Gall, j’y tenais tellement, c’est collé à ma vie. »

A l’époque où Michel Berger avait composé cette chanson, France Gall avait trouvé les paroles assez surprenantes. Il ne manquait pas d’air, ce mari qui lui faisait dire : « Celui que j’aime vit dans un monde/Plus haut/Bien au-dessus du niveau de l’eau/Plus haut que le vol des oiseaux. »

La mort de Michel Berger a transformé le sens de ces paroles. On y décèle alors un sombre pressentiment, celui d’un destin personnel que Plus haut aura eu pour fonction d’accomplir. « Plus haut/Là où le monde ne nous atteint/Plus trop/ Et si je lui dis oui/ Il m’emmène avec lui »

« La vie est passée dans cette chanson, elle l’a transformée, dit aujourd’hui France Gall. Dans la version de 1996, elle est à l’image de ma vie, plus dure, pas romantique du tout. »

Godard ne s’y est pas trompé. Dans le clip, il a surimprimé son propre texte, autour d’un mot refrain, « métamorphose », écrit sur trois niveaux, de telle sorte que dans « mor », on lise phonétiquement « mort », et de ses différents couplets : « L’art ne voit pas, il métamorphose », « La beauté n’écoute pas, elle métamorphose », « L’amour ne pense pas, il métamorphose », « Le cinéma ne parle pas, il métamorphose. »

Le plus curieux, dit France Gall, c’est que Michel Berger pensait que la mort était la fin et qu’après il n’y avait aucune forme de vie. « C’est extraordinaire d’écrire une telle chanson alors qu’on est fermé à ça. »

Et, pourtant, c’est avec cette chanson qu’il revient lui faire signe, dans le sillage de toute une mythologie romantique de l’amour (rejoindre l’être aimé dans la mort pour que cet amour puisse continuer de vivre) : « Si je lui dis d’accord/Il m’emmène à son bord. »

La vie s’est chargée de transformer la chanson. On revoit France Gall en train de l’écouter aujourd’hui. Comment s’y faire à une telle chanson, comment s’en défaire ? Il suffit de l’apprivoiser, de plier naturellement son existence à ce que Godard a formulé : Vivre sa vie. Le faire, en regardant le passé et en assumant le plaisir du présent. Confronté à l’effet que produit sur elle la chanson Plus haut, frappe chez France Gall un détachement souverain, qui est le contraire de l’insouciance et de l’oubli. Impossible pour elle de réenvisager ce que la vie lui a réservé (lui retirer deux êtres chers, partis « plus haut »), sans que la mesure de cet extraordinaire ne s’accompagne d’un beau sourire contagieux, seule réaction possible face à l’insensé. La légèreté de l’ici-bas existe, forte du désir que la vie continue.

Il y a deux choses essentielles dans cette rencontre filmée, inédite à ce jour et jamais diffusée et dont France Gall (qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée) a accepté que les Cahiers en assurent la retranscription. L’entretien proprement dit, et son filmage. De la conversation émerge un parallèle troublant sur l’idée de la création et du couple, entre d’un côté Michel Berger et France Gall, et de l’autre Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville. « Les histoires de création, ce sont aussi des histoires d’amour », dit Godard.

Dans cette entrevue, Godard, habité par une insatiable curiosité pour le métier de l’autre, fait du bon travail de journaliste – mais aussi du grand travail de peintre. Pour la, restituer au mieux, nous avons opté pour une forme particulière. Avec, d’un côté, la bande-son (la conversation) et, de l’autre, la bande-image [les photogrammes en tête de page], autonome et jamais illustrative. L’image et le son, les paroles et la musique, le masculin et le féminin, le proche et le lointain, le présent (France) et l’absent (Michel), l’homme et la caméra (Jean-Luc et sa machine). Belle histoire, assurément.

Retranscription

Jean-Luc Godard. On ne se connaît pas bien. On va faire une séance de travail pour obtenir des photos ou des expressions. Je ne sais pas, on va voir. Sois, vous voulez me parIer, soit je vous parle. Mais il ne faut pas que ce soit uniquement moi qui fasse la chose. [Après un temps de pause.] J’ai eu une amie qui avait été chanteuse autrefois chez Barclay, il y a longtemps, et qui a quitté la chanson parce qu’elle trouvait cela trop difficile, alors que vous qui y êtes depuis un certain temps … remarquez que j’ai fait pareil que vous avec le cinéma …

France Gall. Qu’est-ce qu’elle trouvait difficile ?

J.-L. G. Le milieu, les agents et la difficulté de rester soi-même. Alors que si on aime bien chanter, donner de la voix … tandis que vous qui êtes là-dedans depuis longtemps, vous devez éprouver du plaisir, du contentement …

F. G. Le plaisir de chanter est tellement grand. Quand je chante, j’ai l’impression de vivre plus intensément. Lorsqu’on veut continuer de faire cela, on essaie de faire abstraction du reste, surtout quand on souffre de ce milieu, ce qui est mon cas. Les gens vous attirent toujours dans leur univers. Pendant une émission de télé, on rentre dans le monde de celui qui anime. Il est difficile, maintenant, d’imposer son propre univers. Avant, c’était plus facile.

J.-L. G. Plus facile ?

F. G. Il y avait des émissions où vous aviez carte blanche pendant une heure. On choisissait le décor, les gens avec lesquels on voulait travailler, on savait où on allait. Quand on place une chanson au milieu d’une émission de variété, c’est sûr qu’on ne peut pas apporter grand-chose longtemps.

J.-L. G. Comment faites-vous maintenant?

F. G. C’est très simple, on ne fait plus du tout car il n’y a plus d’émissions à la télé comme cela. On parle seulement, ce sont des talk-shows. Je ne chante plus à la télé. Même avec vous, vous le voyez bien en ce moment, je ne chante pas. Rires.

J.-L. G. Comment la voix reste puisqu’elle ne peut plus vous servir pour chanter ?

F. G. Il y a plusieurs choses. Il y a la radio, les disques, qui sont devenus de toutes petites choses que les gens peuvent mettre dans leur poche. Il y a la scène et aussi le studio. C’est là où l’on s’ exprime, évidemment. Même si on sait à l’avance que la promotion va prendre un temps extraordinaire. Finalement, on consacre seulement 10% de notre temps à ce qui est réellement notre métier. Par rapport à cette situation, je la joue pépère. Je fais cela épisodiquement, lorsque j’en ressens le désir et que ce désir est plus fort que l’ennui d’avoir à donner de mon temps pour la promotion. (En s’adressant à Jean-Luc Godard, derrière la caméra.) Je suis en gros plan là où je suis coupée à hauteur de …

J.-L. G. Là, vous êtes en très gros plan. Mais je bouge aussi.

F. G. D’accord. Et c’est mieux quand je me mets comme ça ou comme ça? [Elle tourne le visage vers la droite puis vers la gauche, regard hors cadre.]

J.-L. G. Comme vous voulez.

F. G. Vous préférez que je regarde dedans quand même [elle fixe l’objectif de la caméra] ou vous vous en fichez ?

J.-L. G. Pas du tout. [Silence] Est-ce que vous ne seriez pas comme Glenn Gould à la fin …

F. G. Je ne connais rien de lui.

J.-L. G. A un moment de sa vie, il a préféré cesser les concerts pour ne faire que des enregistrements. Ce n’était pas pour une question d’argent. Pourriez-vous vous priver de la scène pour seulement enregistrer ?

F. G. Quand je fais du studio, je pense toujours à la scène en même temps. Si je fais du studio pour moi ou si je fais un album, je ferai une scène après car cet album, j’aurai envie de le faire vivre devant les gens. Il est possible que je me tourne entièrement vers la production, mais pas pour moi, juste pour les autres. J’adore le studio. Pour la première fois, l’année dernière, à Los Angeles, j’ai fait un album toute seule.

J.-L. G. C’est-à-dire?

F. G. Sans personne pour me diriger.

J.-L. G. Avec des techniciens quand même?

F. G. Oui, bien sûr, avec des producteurs, des musiciens, des ingénieurs du son, beaucoup de gens, en fait. Mais pour les choix, décider quel instrument mettre à tel endroit, quel rythme adopter sur cette musique, toutes ces décisions à prendre en studio, je les ai assumées toute seule. Je peux continuer à le faire pour les autres. Finalement, ce n’est pas si intéressant d’être dans la lumière. Je ne suis pas sûre d’aimer tellement cela. Je déteste voir mes photos au mur ou mon nom dans un journal, ce n’est pas très intéressant. En revanche, faire de la musique, ça oui. On peut en faire tout en étant derrière, en retrait. Pour le plaisir, mais sans les embêtements. Évidemment, on ne chante pas. Chanter, c’est en concert. C’est quelque chose de naturel.

J.-L. G. Vous chantez pour vous-même ? Dans la journée, il vous arrive de chanter, de fredonner, de siffler un air ?

F. G. Oui.

J.-L. G. En cherchant ?

F. G. Sans chercher car je n’écris pas, je ne compose pas. Je chante ce qui me passe par la tête. J’aime bien entendre ma voix résonner. Tout dépend des endroits où je passe. Quand il s’agit d’endroits très feutrés, comme celui-ci, il ne me viendrait pas à l’idée de chanter. En revanche, si je traverse un hall ou si je suis dans une salle de bain …

J.-L. G. Ah oui ?

F. G. Tout le monde chante dans une salle de bain. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ? {Rires} Eh bien, parce qu’il y a un écho naturel qui enjolive la voix, elle est alors au mieux. Dans les endroits où ça résonne, en général, on se laisse aller, on se met à chanter. Sans y penser d’ailleurs, cela vient naturellement. Ici [elle frappe dans ses mains], le son est très mat. C’est très bien pour faire une batterie chez vous.

J.-L. G. Qu’est-ce que vous avez remarqué comme changement sur un plan technique mais aussi intellectuel et spirituel dans votre métier, entre le moment où vous avez commencé – moi aussi, peu après vous – et aujourd’hui ? Que pensez-vous des prétendues améliorations techniques, du mixage des sons ? Le résultat, c’est que la parole disparaît souvent sous trop de choses.

F. G. C’est très compliqué maintenant. Pour ce dernier album, j’ai travaillé dans les conditions les plus modernes, en bénéficiant du tout dernier matériel. En fait, on n’a eu que des pépins, tous les jours. C’était du new new SSL. C’était terrible parce qu’il fallait avoir en permanence des techniciens pour réparer, sinon notre travail ne pouvait pas continuer. Le matériel était extrêmement sophistiqué et pas très bien dominé.

J.-L. G. Je le vois dans le cinéma aussi. Avant, par rapport à la technique, c’était 50-50. Aujourd’hui, c’est 80 ou 90. Moi, il me reste 10% pour l’artistique.

F. G. Nous, c’est un peu différent, parce que finalement on peut faire ce qu’on veut à la fin. On perd beaucoup de temps et d’argent. Quand j’ai commencé, il y avait quatre pistes pour le son. C’était simple, très simple. Aujourd’hui, on peut avoir 24, 48, 72 pistes. On se dit, 72 pistes, ça va être génial, ça va être le disque le plus extraordinaire au monde, on va pouvoir mettre tout ce qu’on veut ! Quand on écoute, on a tellement de pistes de clavier qu’au lieu d’en mettre un et de bien choisir, on se retrouve avec quinze claviers. Il y a la perte de temps pour remplir les pistes puis la perte de temps, tout aussi grande, pour la nettoyer. J’ai fait ce disque en cinq mois et demi de studio. Incroyable. D’habitude, c’est un mois. Pour le mixage, pareil, cela a pris trois fois plus de temps. Pour ce disque, je voulais que cela soit très simple, très pur … la voix, la mélodie et quelques instruments. Les Américains ne voulaient pas du tout le produire comme ça. J’ai fait ce travail personnel une fois que j’ai quitté les Etats-Unis. C’est la dernière fois que je travaille ainsi. On a essayé, on s’est bien excité mais on s’est bien embêté, surtout. Je crois qu’on va revenir à quelque chose de plus simple. {S’adressant à Godard.} Ce que je trouve assez sympa aujourd’hui (rires), c’est qu’on ne sent pas la machinerie d’une lourde production.

J.-L. G. Ah, ça non …

F. G. Je trouve cela agréable. Cela m’angoisse de sentir que plein de gens avec qui je travaille m’attendent. Ils ont fait des trucs extraordinaires et je me demande ce que je vais bien pouvoir faire à mon tour. Là, je me suis préparée toute seule. Cela ne me gêne pas du tout. Je sais très bien faire les choses toute seule. Je suis très manuelle, vous savez. Je peux réparer une machine à laver ou un réfrigérateur s’ils ne marchent pas.

J.-L. G. Moi ça, je ne sais pas.

F. G. Là, avec vous, je n’ai pas d’appréhension, pas de peur, car je ne me retrouve pas dans une situation où je dois faire face à beaucoup de gens. Elle est très artisanale la manière de faire ce clip. J’adore ça.

J.-L. G. Si ça ne vous embête pas d’en parler … mais quand vous étiez avec votre compagnon – vous l’êtes toujours d’une certaine façon – , la création était-elle difficile ou aisée ?

F. G. La création pour lui ?

J.-L. G. Je suppose que chacun avait un type de création à lui, différent, selon sa propre logique. En même temps, les histoires de création, ce sont aussi des histoires d’amour.

F G. Je reviens. [Elle s’absente de l’image puis se réinstalle à sa place.] J’ai vécu avec un type qui avait un don. Il s’enfermait dans une pièce avec un piano pendant un quart d’heure et il en ressortait avec une chanson sublime. Ça venait très vite. Il était dans un état très particulier, excité. Après il se calmait. Il a écrit 450 chansons, elles sont pratiquement toutes sorties. Très peu de jetées au panier. De chaque chose qu’il ait faite, il y a une trace. C’était quelqu’un de très doué, avec beaucoup de facilité. Moi, là-dedans, je suis avec cette musique que je ressens au-delà de ce qu’on peut imaginer. Je ne fais qu’un quand je chante la musique de Michel. [L’image devient floue, par la suite, elle alternera entre le net et le flou.] C’est très étonnant car il n’est pas moi mais c’est comme si cette musique venait de moi, qu’elle était à moi. C’est extrêmement rare dans ce métier. J’ai eu l’occasion, avant de rencontrer Michel, de travailler pendant dix ans avec Serge Gainsbourg, qui avait beaucoup de talent mais qui n’écrivait pas des chansons qui me correspondaient. Elles étaient écrites pour moi, mais ne parlaient pas de moi.

J.-L. G. C’était toujours pour vous quand il composait ? Vous saviez quand il composait pour vous?

F. G. Oui, bien sûr. En même temps, nous ne travaillions jamais ensemble. Michel ne faisait pas un album pour quelqu’un d’autre en même temps que pour moi. Il travaillait beaucoup, il faisait tout. Il a composé la musique des chansons, a écrit les paroles, les a chantées, les a produites. Il a fait de la mise en scène de spectacles musicaux, a réalisé des vidéoclips … (Silence, pensive.) Je ne sais plus pourquoi je disais cela. {Godard lui redonne le fil.} Quand par exemple il écrivait pour Johnny Hallyday, il ne pouvait pas dire la même chose que si c’était un album pour moi. Cela lui plaisait beaucoup de se mettre dans la peau d’une femme pour écrire. C’était relativement facile pour lui parce que nous avons vécu dix-huit ans ensemble et qu’il me connaissait parfaitement, de la manière la plus intime, la plus intérieure. Cela devait être amusant pour lui, tout comme se mettre dans la peau de Johnny. Alors que Michel – je ne sais pas si vous le voyez physiquement – était quelqu’un en retrait, réservé, pudique. En revanche, il avait beaucoup de difficultés à écrire pour lui. Là, il était complètement perdu. Je pouvais intervenir, mais pas dans l’écriture. Si ça ne me plaisait pas, je lui disais. Mais j’étais d’ accord avec ce qu’il écrivait, c’était la musique que j’aimais.

J.-L. G. Vous n’avez jamais eu envie d’intervenir ?

F. G. Si j’avais eu envie d’intervenir, j’y serais allée, mais je n’ai jamais été poussée à le faire. Je n’avais pas confiance en moi. Maintenant oui, beaucoup plus, depuis deux ans. Depuis que j’ai fait cet album toute seule, cela m’a fait avancer. Je n’étais pas dans l’ ombre, je m’étais mise là où j’étais. Pendant quinze ans, j’ai regardé, et cela m’allait parfaitement. J’ai pu fonder une famille, faire des enfants, ce qu’on fait rarement dans ce métier.

J.-L. G. Vous avez combien d’enfants ?

F. G. J’ai un fils qui a 15 ans et une fille qui va bientôt en avoir 17.

J.-L. G. Ils font quoi ?

F. G. Ils font leurs études.

J.-L. G. Le fait d’avoir une maman célèbre ne les gêne pas ?

F. G. Je pense que cela les a gênés. Parce qu’ils étaient à l’écart absolument de tout. Il n’y a jamais eu de photos, ils n’étaient jamais là aux répétitions, quand il y avait des journalistes. Ils étaient petits à l’époque. Maintenant (depuis la mort de Michel Berger; NDLR), c’est un peu différent. S’ils ne sont pas avec moi, ils sont seuls, alors je les emmène. Je les fais plus participer. J’ai plus besoin qu’ils soient là. Je tiens à ce qu’ils soient d’accord avec ce que je fais, même si je prends mes décisions seule. J’aime bien avoir leur regard car il est très juste. La première fois qu’ils m’ont vue sur scène, ils devaient avoir 5 et 7 ans. On ne se rend pas compte, car c’est mon métier. Je fais de la scène depuis très longtemps, j’ai l’habitude des applaudissements, que les gens crient, lèvent les bras. C’est vraiment la fête, l’adoration dans la salle. C’est quand même pour cela qu’on fait de la scène, pour ce renvoi d’amour immédiat. C’est violent et extraordinaire. Ma fille, la première fois après m’avoir vue sur scène, elle m’a regardée à la fin du spectacle dans ma loge, comme si j’étais une étrangère pour elle. J’ai détesté. C’est terrible de voir l’amour de sa vie vous regarder comme si elle ne vous connaissait pas.

J.-L. G. Elle avait suivi tout le spectacle ?

F. G. Oui, elle avait découvert quelqu’un d’autre alors qu’elle ne connaissait que sa maman, habillée d’une certaine façon … Cela été un choc pour moi. Je me suis dit qu’il fallait casser cela, qu’elle accepte aussi cette part de moi. Je chante. C’est mon métier. Cela fait trente ans que je le fais. J’ai commencé à l’âge de 16 ans (en 1964, NDLR). Pour mon premier interview, on m’a demandé si j’allais faire ce métier longtemps. J’ai répondu : « »Je le fais cinq ans et j’arrête. » J’ai reçu une gifle du producteur à l’issue de l’entretien. Ils étaient durs les producteurs, à cette époque. On était des choses. Je me suis vite rendu compte que ça ne me plaisait pas de faire ce métier. J’ai été très malheureuse. Après, quand j’ai rencontré Michel [Berger] [en 1973, NDLR], j’ai vu une autre manière de travailler, de penser. C’était plus proche de ce que j’avais envie de faire. Là, j’ai commencé à comprendre et à aimer ce métier, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant. Et plus je l’aimais, et plus il devenait indispensable. En ce moment, c’est assez indispensable.

J.-L. G. J’imagine, oui. Là, vous attendez ou vous travaillez déjà sur quelque chose d’autre ? Les peintres, ils font deux ou trois tableaux au même moment, puis ils en reprennent un. Si je pouvais le faire au cinéma, je le ferais. Je le fais un peu, mais, en général, tout va dans un seul film. [Rires.]

F. G. Nous, c’est impossible. C’est tellement prenant. On fait un album, ça prend des mois à y penser. Après, il faut le vendre, assurer sa promotion, ça prend des journées, car le disque sort dans plusieurs pays. Après, c’est la scène, des mois et des mois de répétitions. Je ne peux faire qu’une seule chose à la fois. Michel, non, c’était tout le contraire. Il adorait faire plusieurs choses en même temps. Il disait qu’il fallait avoir plusieurs projets en route, au cas où deux ou trois sauteraient. Comme ils se faisaient tous, il se retrouvait avec une vie épouvantable, courait dans tous les sens et assurait dans ces différents domaines. Moi, je ne peux pas, il faut que je sois à mon rythme. Je ne suis pas une folle du travail. Je ne suis pas un homme. Le travail ne représente pas 90% de ma vie. C’est le contraire. Je dirais 50%, maintenant. Avant, le travail, c’était 10% et la vie, 90%. En ce moment, c’est 90% pour mon métier, par la force des choses.

J.-L. G. Les hommes ne font pas d’enfants. Le travail, la création …

F. G. C’est toujours pensé par rapport à soi-même ce genre de choses. Quand un couple fait un enfant, c’est vrai que c’est la mère qui le porte mais l’enfant, il n’en a rien à foutre, une fois qu’il est là. Il pense qu’il a un papa et une maman, et il souffre, il ne comprend pas …

J.-L. G. Oui, il ne juge pas par rapport à ses parents s’il y en a un qui l’a fait plus que l’autre, si j’ose dire.

F. G. Il ne pense pas à cela. En revanche, l’enfant ne comprend pas pourquoi il est venu au monde si c’est pour être avec des parents qu’il ne voit pas. Les enfants ne comprennent absolument pas le travail des parents. Ils estiment que les parents sont là pour eux. Ils mettent beaucoup de temps à le comprendre et à admettre le travail des parents. Le téléphone, c’est la bête noire des enfants. Ils détestent tout ce qui les éloigne des parents. Tous les enfants souffrent de ne pas voir leurs parents suffisamment, ou d’avoir des pères jamais là ou des parents très occupés. C’est un problème. Je l’ai résolu en travaillant assez peu.

J.-L. G. Vous devriez faire une chanson sur cela.

F. G. Sur les enfants qui souffrent de ne pas voir leurs parents ?

J.-L. G. Vous mettez plus de vous-même dans vos chansons ou vous demandez à ceux qui les écrivent de mettre plus d’eux-mêmes? La chanson sert à vous exprimer, vous ?

F. G. Moi, je n’écris pas. J’ai été l’interprète la plus heureuse au monde car j’ai vécu avec quelqu’un qui écrit, qui avait la possibilité d’écrire des choses sur moi, mes traits de caractère. J’étais très étonnée de découvrir la façon dont il me voyait. Je trouvais qu’il m’enjolivait dans les textes des chansons.

J.-L. G. Je vérifie si c’est fini. [Il regarde la cassette vidéo dans la caméra.] C’est bientôt fini. [A propos de la cassette.] Ça dure longtemps ces saloperies.

F. G. Écoutez, vous exagérez [elle rit], ce n’est pas désagréable ce qu’on fait. [Après une pause.] C’est sûr que lorsqu’on parle de soi dans une chanson, ça a plus de force. Les gens veulent vous connaître, percer le mystère, essayer de cerner votre personnalité, alors que tout dans ce métier est fait pour vous éloigner, vous mettre sur un piédestal. La scène plus haute qu’eux, la lumière … tout est fait pour nous mettre à part. Alors, ils aiment bien qu’on parle de soi à travers une chanson. Ce qu’il y a de particulier dans ce métier, c’est que les gens vous aiment pour vous. C’est le contraire d’être acteur.

J.-L. G. Comment ça, le contraire?

F. G. Quand on va voir un acteur dans un film, on va voir une personne qu’on aime bien, à travers un personnage qui n’est pas la personne qui l’interprète. Si on aime un chanteur, on l’aime, lui. On aime ce qu’il dégage, ce qu’il dit, ce qu’il pense. Parce qu’un chanteur, normalement, il parle de lui, de ses préoccupations, de ses souffrances, des choses qu’il aime. C’est ça qu’on découvre à travers une chanson, normalement. Sauf quand on ne parle de rien ou de généralités sur le temps. Pourtant, même la chanson de Ferrat Que la montagne est belle, ça parle de lui et d’autre chose à la fois. Pour un acteur, on vient voir le metteur en scène qui l’a fait tourner [sourire à l’adresse de Godard], on voit quelqu’un qu’on a aimé dans le rôle de Louis XIV dans le film précédent jouer le rôle d’un loubard dans le film suivant. C’est un acteur qu’on vient voir. C’est la force de notre métier, cet amour qu’on peut provoquer chez les gens, complètement bizarre d’ailleurs, du fait qu’ils vous connaissent.

J.-L. G. Je crois que c’est très bien ce qu’on a fait. On ne pourra pas faire mieux, là.

[Les propos de Godard font beaucoup sourire France Gall alors que la cassette, arrivée à sa fin, n’enregistre plus d’images. Godard accepte néanmoins de mettre une autre cassette, alors que la conversation continue, autour des réactions de l’entourage de France Gall, lorsqu’elle a choisi Godard pour réaliser son clip.]

F G. Cela m’a intéressé d’avoir la réaction des gens quand ils ont su que c’était vous. D’abord, ça a été l’étonnement, la surprise. Ensuite, la perplexité. Après, ils se sont dit: « Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir faire ensemble ? » [Rires.]

J.-L. G. S’ils nous voyaient !

F. G. Très vite, cela les a intéressés, ils sont devenus extrêmement curieux de savoir ce qui va sortir de tout ça. Ils imaginent, ils vont se faire leur propre cinéma.

J.-L. G. C’est l’ogre et l’ogre a toujours besoin de chair fraîche.

F. G. En tout cas, moi, ça me fait un plaisir fou de travailler avec vous. Ce n’est pas du travail d’ailleurs, mais une conversation légère. Je suis vraiment trop contente.

J.-L. G. Si, c’est du travail, parce qu’il y a un résultat. Cela fait partie des devoirs, mais un devoir agréable, celui-ci. Même si, au départ, j’étais très angoissé.

F. G. Et pourtant, vous avez accepté ce clip. J’en suis très heureuse, surtout pour cette chanson. Maintenant, les gens trouvent incroyable qu’on n’ait pas pensé de vous demander un clip auparavant.

J.-L. G. Je suis assez marginal. Je l’ai toujours été. Ils me connaissent mais ne connaissent pas mes films. Je dois représenter pour eux quelque chose qu’ils ont perdu et que j’ai gardé. Je n’ai aucun mérite. C’est naturel de garder. [Godard arrête la caméra tandis que la conversation continue.]

(L’entretien entre France-Gall et Jean-Luc Godard a été enregistré à Rolle, le 28 mars 1996, dans les bureaux de Peripheria Suisse. Retranscrit par Charles Tesson.

L’entretien avec France Gall a été réalisé le 10 avril 2003 par Charles Tesson.

Remerciements à Matthieu Ecoiffier de Libération pour son portrait de France Gall.)

Note :  La Warner (Wea) avait payé le prix fort (un peu moins de 200 000 euros), mais ne put jamais l’exploiter, à l’exception d’une première et dernière diffusion, le 20 avril 1996 sur M6 : Godard n’avait pas acquitté les droits de tous les extraits de films et d’œuvres d’art qui y figurent.

Gros plan : Souvenirs d’une rencontre ici-bas

1995. Trois ans après la mort de Michel Berger, France Gall décide faire un album où elle interprétera plusieurs chansons de son mari. L’enregistrement en studio a lieu à Los Angeles. Puis vint le temps de la promotion, et de son compagnon obligatoire, le clip. France Gall, avec l’appui et le soutien de Philippe Chatilliez, le frère du cinéaste, qui l’accompagnera dans sa démarche jusqu’au bout, songea à Jean-Luc Godard pour Plus haut.

En février 1996, elle lui envoie une lettre manuscrite. Réponse favorable du cinéaste. L’éditeur de l’album (Warner, Wea) est intrigué mais suit. Négociations diverses. Dans une lettre datée du 25 mars, adressée à Godard, France Gall écrit : « Personnellement, je souhaite travailler le plus tranquillement possible, c’est-à-dire seule. Excepté peut-être mon amie photographe, Kate Barry. Je déteste faire des photos alors je profite toujours des tournages et, en plus, je voudrais des photos souvenirs. Dites-moi si cela vous ennuie, je n’en ferai pas un drame. Je sais que cela ne vous intéresse pas mais je me maquillerai et me coifferai toute seule. Voilà. A très très bientôt. Deux jours plus tard, Godard envoie un fax « à l’attention de mademoiselle France Gall », venue le rejoindre en Suisse, installée dans un hôtel. « J’ai bien reçu tous vos messages. Je vous attends demain jeudi vers 14 heures à l’adresse ci-dessus [dans ses bureaux à Rolle, NDLR]. Vos amis sont les bienvenus, mais je préférerais faire l’entretien seul avec vous si ça ne les ennuie pas d’attendre à côté (il y a de la place). »

Quand France Gall débarque à Peripheria, elle ne sait absolument rien de ce que Godard va faire avec elle. Elle ignore si elle va devoir chanter, si … Le saut dans l’inconnu, une rencontre sans filet, mais filmée, totalement improvisée.

2003. France Gall a gardé de sa rencontre avec Godard, un souvenir simple et fort. Elle a aimé ce qu’il lui a dit et la musique de sa voix. Elle l’a trouvé particulièrement drôle ( « Il me fait rire »), tout comme l’insolite de leur rencontre entre lui, « l’inaccessible, là où il est » (le cinéma), et elle, « là d’où Je viens » (la chanson populaire), l’a beaucoup amusée et séduite. La première fois qu’elle a vu le clip, elle a eu une réaction de rejet. « C’était trop violent pour moi. Quand quelqu’un comme Godard voit plus loin, on est forcément dérangé. La première fois, je l’avais vu avec mes habitudes. On cherche à se voir soi, avant de voir le clip. Là, c’est simple, il faut attendre quarante-cinq secondes avant que j’apparaisse, pour voir quoi ? juste un œil et la bouche. »

Godard, pour se préparer, a visionné en chaine plein de clips sur MTV. Puis a dit à France Gall, en lui montrant le poste de télé : « On ne va pas faire ça quand même, vous êtes d’accord. » Quand elle revoit le clip une seconde fois, elle l’adopte pour de bon. « Godard a changé les règles du clip et montré ce qu’il pouvait apporter à une chanson. Car, en apportant beaucoup, il enlève aussi un tas de choses. Godard dissèque l’essence du mot, pour l’envoyer très loin. Il commence par se représenter lui, conscient du climat que dégage le texte. »

Dans une lettre adressée à Godard le 20 avril 1996, France Gall le remercie du travail fourni. « Cher Jean-Luc. Être récompensée à ce point d’avoir osé vous écrire est merveilleux. Je suis fière de mon clip et votre intelligence rejaillit sur moi. Il est absolument magnifique. Il me fait réfléchir(…). Merci d’avoir mis votre talent au service de la chanson de Michel et de ma voix et d’en avoir fait une vraie création, forte, belle, rythmée, et là je sais de quoi je parle. Je vous embrasse. »

Dans l’entrevue filmée par Godard, il y a ce moment extraordinaire où France Gall évoque le regard de sa fille sur elle dans sa loge, après l’avoir découverte pour la première fois à un concert. Elle a vu une autre personne en sa mère, que la scène a transformée. Comment faire accepter à l’autre que cette part de soi (le besoin de chanter) est la pointe la plus extrême de son existence, un besoin essentiel, vital, indestructible, avec lequel il va bien falloir composer. C. T.

ilms et d’œuvres d’art qui y figurent.

Gros plan : Cette belle conversation filmée

Il faut voir cette « Entrevue Godard-Gall » (la mention sur l’étiquette de la cassette vidéo dont Godard a fait cadeau à France Gall) deux fois. La première fois, avec le son. La seconde, sans le son, comme dans un film muet de Garrel au temps de Nico.

Le cinéma de Godard a été marqué à vie par le récit et le sujet de Lady O’Haru femme galante de Mizoguchi : la beauté féminine absolue est-elle la somme de la perfection de chacune des parties du corps de la femme, vouées à s’additionner, ou bien est-ce un tout délivré de la contingence quantifiable de ses fragments ? Le célèbre prologue du Mépris, à travers le questionnaire de Brigitte Bardot à Michel Piccoli, est une première réponse à cette question, ou plutôt la reformulation de ce doute. Cette conversation filmée, intime, entre elle (France) et lui (Jean-Luc), sans autre témoin que la caméra, en est la poursuite. Très vite, Godard va où la chanson de France Gall lui dit d’aller : plus haut ! Vers son visage donc. Godard aime le gros plan et le gros plan aime France Gall. Tout va bien de ce côté-là. La découpe des cheveux blonds de la chanteuse offre au plan un cadre dans le cadre. L’œil vif, pétillant, parfois malicieux, toujours enfantin, rehaussé d’un trait de maquillage noir, fournit à sa belle chevelure un délicieux contraste. Godard filme l’œil, il filme la peau du visage, son grain aussi. Le souvenir de Dreyer filmant Renée Falconetti est toujours son beau et grand souci. Qui s’en plaindra? Chez Dreyer, beaucoup de douleur et de souffrance sur le visage de la femme. Chez Godard, rien que du bonheur. En apparence et en vérité. Et un peu de souffrance aussi, mais plus ténue, plus tenue à distance sur le visage de France Gall, alors suspendu entre le souvenir de la disparition de Michel Berger, évoqué dans la conversation, et l’impossible à dire: la mort à venir de sa fille Pauline, atteinte d’une maladie génétique, qui disparaîtra l’année suivante.

Après le Danemark et Anna Karina, fille de la costumière de Dreyer, « la » France, de ses symboles incarnés, dans un corps (Brigitte Bardot/Marianne) ou dans un nom. Mais c’est la bouche de France Gall qui fascine Godard, comme au temps du muet où les caméras étaient collées aux lèvres pour y saisir l’invisible et inaudible passage des mots. Normal pour une chanteuse et pour un clip, dira-t-on, même si la forme que prend une bouche sculptée par la voix constitue la ligne mélodique secrète de cette belle conversation filmée. C.T.

Magazine : Cahiers du cinéma
Par Charles Tesson
Date : Juillet et août 2003
Numéro : 581

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