Dans le refuge africain de France Gall

Depuis 1986, la chanteuse venait chaque année se ressourcer au large de Dakar, au Sénégal, où elle avait une petite maison.

Nous avons rencontré ses amis de Ngor.

« Nulle part ailleurs, je ne pourrais rentrer chez moi en trois minutes en pirogue. Nulle part ailleurs je ne me sentirais aussi tranquille à marcher la nuit dans le noir. Nulle part ailleurs je ne serais autant en harmonie avec la nature et ses éléments. »

C’est avec ces mots que France Gall décrit l’île de Ngor dans « Le berger de l’ile de Ngor », un livre écrit par le peintre local Abdoulaye Diallo, voisin et ami de la chanteuse.

C’est en 1986 que France Gall découvre, avec son mari Michel Berger, la petite île de Ngor, située à 400 mètres de Dakar. Une île « encore à l’état sauvage avec seulement quelques cabanons et des plages vides » comme la décrit France Gall, dont elle tombe aussitôt amoureuse au point d’y acheter une maison et de s’y rendre deux à trois fois par an.

Mais c’est surtout après le décès de sa fille, Pauline, en 1997, que ses liens avec Ngor se resserrent Dans sa petite maison jaune fleurie aux volets verts, qui jouxte l’océan atlantique, la chanteuse française retrouve la sérénité.

« Elle me disait : Je fais tout pour être là le 18 décembre (NDLR date du décès de sa fille) parce qu’ici j’ai l’oxygène pour me ressourcer, raconte Abdoulaye Diallo. Sa maison lui parlait et il lui arrivait d’avoir envie de rentrer dans l’eau. » Ensemble, ils avaient créé l’association des amis de l’île de Ngor pour venir en aide aux plus démunis.

De sa générosité discrète, notamment envers les artistes, toute l’île de Ngor en témoigne unanimement. « Quand un artiste frappait à sa porte, elle l’accueillait toujours. Elle achetait des petits objets à tout le monde pour aider le commerce local », témoigne Alioune Thiaw, un vendeur de tissus batik qui tient une échoppe à quelques mètres de la maison de la star française. En 2007, France Gall avait créé trois classes dans l’école maternelle du village. Mais ses actions n’étaient jamais revendiquées. « Elle faisait énormément de bien autour d’elle tout en cachant que cela venait d’elle », renchérit celle que France Gall surnommait affectueusement « Maman Hawa », une vendeuse de petits bijoux et de fruits à laquelle la chanteuse était très attachée.

A Ngor, France Gall vivait discrètement, sortant très peu de chez elle, racontent ses amis. « Elle fuyait les photographes et les touristes, raconte Alioune Thiaw. Elle m’achetait des pulls à capuche, qu’elle portait avec un chapeau pour passer inaperçue ». Ses rares sorties, c’était pour aller faire ses courses ou voir son ami sculpteur Joe Ouakam, un artiste sénégalais qu’elle affectionnait, décédé en avril dernier.

Dans son refuge africain, France Gall passait des heures à contempler l’océan depuis son jardin ou assise sur le petit banc de pierre de la plage.

« Elle prenait aussi soin d’animaux qu’elle recueillait, précise Alassane Koné, le gardien de sa maison depuis 2010. Elle aimait particulièrement les chatons. Et elle s’occupait aussi beaucoup de son jardin, elle désherbait … C’était madame propre ».

A notre arrivée, Alassane, ému, était en train d’écouter « Ella, elle l’a » …

“Elle se faisait souvent livrer ses repas depuis son restaurant, le Noflay Beach, situé aux Almadies (NDLR, sur la côte). Mais elle aimait cuisiner parfois. Sa spécialité, poisson grillé et pommes sautées. Elle me réservait toujours une assiette et je n’oublierai jamais sa gentillesse.”

C’est une sœur, une amie, une bienfaitrice mais surtout une des leurs que pleurent aujourd’hui les habitants de Ngor. « Quand on était sur le pas de sa porte et qu’elle voyait des blancs arriver, elle fuyait. Elle tenait à sa tranquillité et préférait être avec des personnes d’ici. Elle appréciait la qualité des relations humaines ici; la gentillesse et la tolérance des gens de ce village », raconte Joel Mornet son voisin depuis six ans.

Journal : Le Parisien (91)
De notre correspondante à Dakar (Sénégal) / Texte et photos : Salma Niasse
Mard 9 janvier 2018
Numéro : 22814

Merci à Elisabeth.

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