Tout son amour dans un clip (Presse) Elle

Il y a à peine trois mois, Michel Berger nous quittait. Pour que sa musique vive, France Gall a demandé à Jean-Marie Périer de réaliser un film autour d'une de ses dernières chanson « superficiel et léger ».

Il y a à peine trois mois, Michel Berger nous quittait. Pour que sa musique vive, France Gall a demandé à Jean-Marie Périer de réaliser un film autour d’une de ses dernières chanson « superficiel et léger ». La pudeur de cet hommage en fait le plus émouvant des clips (le clip sera diffusé à partir du 19 novembre 1992).

« Michel est mort il y a à peine trois mois, ils ont vécu dix-huit ans ensemble, ils ont eu deux mômes, et elle ne fait pas de spectacle avec son malheur, elle ne bouge pas de chez elle. Une femme dont le métier est public et qui choisit le silence, c’est exemplaire. C’est un monsieur, cette personne-là. » Jean-Marie Périer est impressionné.

Pourtant, il connaît France Gall depuis belle lurette. Il a été le premier à la prendre en photo pour « Salut les copains » à l’âge des socquettes et des sucettes. Ainsi que le timide Michel Berger, d’ailleurs. Mais rien n’indiquait alors que, sous la poupée de cire, sommeillait l’âme d’un prince d’Orange à la devise flamboyante : « Je maintiendrai. » ·

Contrairement aux mœurs habituelles du show-biz, France Gall est restée droite et silencieuse sous le chagrin. Et, pour continuer l’œuvre entreprise avec Michel Berger, c’est lui, l’homme de leurs premières photos, qu’elle est allée chercher pour parler à sa place.

« France s’est retrouvée dans une situation paradoxale : quand Michel est mort, ils venaient d’enregistrer un disque, ils avaient préparé un spectacle et programmé une tournée d’un an. D’un côté, elle ne voulait pas que le boulot de Michel disparaisse, mais, de l’autre, elle ne voulait pas faire de promotion, ça n’avait pas de sens … » Pas question d’abandonner l’œuvre de Michel Berger, mais comment la faire vivre et connaître sans donner dans le côté voyeur – et pourtant vendeur, ô combien – de « leur dernière chanson, quel dommage ! regardez comme ils étaient mignons … » Comment poursuivre sans trahir ? Montrer sans raconter ? Comment dit-on l’absence ?

Il faut être un peu poète pour résoudre ces questions. Loin d’éluder, Jean-Marie Périer a trouvé une métaphore pour tourner le clip de « Superficiel et léger » : « Je l’ai fait avec des enfants. Un petit garçon brun et une petite fille blonde. Lui et elle, mais à l’âge de 8-9 ans. Il a l’obsession de voler, un vieux monsieur l’aide, ça rate, les autres se moquent de lui, mais, elle, elle s’attache …C’est l’histoire d’un môme et d’un regard. »

Une belle histoire sans paroles, sinon celles de la chanson : « Assez de rage, assez d’orages, assez de rouge », sans images tremblées, sans cascades, sans glottes tremblantes au premier plan, très loin des clips habituels. Une belle histoire, seulement habitée par les yeux graves d’une petite fille aux longs cheveux, les grandes ailes d’un Icare maladroit et solitaire et, entre eux, l’ébauche d’un sourire. A la fin, la petite court, l’enfant s’est envolé, elle reste. Seule. Assise dans l’herbe. Et l’on voit France à l’arrière qui regarde la mer. « Elle est venue en Afrique du Sud où nous avons tourné juste pour ce petit plan de cinq secondes. Au départ, il n’était pas question qu’elle apparaisse, mais sa présence à la fin est comme une virgule, comme une signature. » La même blondeur et le même regard que la petite fille. En fond, la chanson se termine : « Ce parfum d’éternité, quel cadeau empoisonné … »

« Il ne se passe rien », dit Jean-Marie Périer. Mais tout passe. Et surtout l’essentiel, le plus fragile : l’émotion, beaucoup plus intense que si les choses étaient dites. Et l’élégance. Cinq minutes de vérité à la hauteur d’une grande douleur. C’est rare.

Magazine : ELLE
Par Alix de Saint-André
Photos : Tony Frank
Date : 19 octobre 1992
Numéro : 2442

À découvrir

France Gall Collection est sur YouTube

France Gall en vidéo

À découvrir