Pauline, maintenant tu vas pouvoir respirer

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Sous ses apparences fragiles, avec ses cheveux blonds et son regard candide, France Gall résiste à cette malédiction qui l’atteint sans cesse depuis maintenant sept ans.

Sept années au cours desquelles la chanteuse a vécu cinq drames prématurés qui l’ont marquée à jamais et qui, aujourd’hui, lui étouffent le cœur.

Une fois de plus, elle vient d’être terrassée par la douleur. L’injustice s’est encore acharnée contre elle. Le lundi 15 décembre au soir, sa fille, Pauline, est décédée des suites d’une mucoviscidose. Emportant avec elle les plus beaux rêves de sa maman.

On se rappelle ce long cauchemar que fut 1992. Cette difficile année où la chanteuse avait dû faire face à la plus terrible des épreuves : après la disparition deux ans auparavant de son père, Robert Gall, alors âgé de soixante-douze ans, c’est son beau-père, l’éminent professeur de médecine Jean Hamburger, qui s’en était allé à son tour le 1er février 1992.

Comble de l’horreur, quelques mois plus tard, le 2 août exactement, son mari, Michel Berger, s’écroulait quasiment sous ses yeux, victime d’une crise cardiaque à l’âge de quarante-quatre ans après une partie de tennis pendant ses vacances dans leur villa de Saint-Tropez.

Pour France, ce fut la fin d’une très belle histoire d’amour de dix-huit ans. Pis encore, elle se sentait désormais terriblement seule. « Les trois piliers de son univers », comme elle aimait à les appeler, l’ayant quittée à tout jamais. Très affectée, France Gall a donc dû apprendre à vivre sans homme, sans protection. Heureusement, ses deux enfants, Raphaël et Pauline, étaient là. Plus que jamais, ils avaient besoin de leur mère.

Plongée dans un immense désespoir, France savait cependant qu’elle devait les aider à traverser cette douloureuse épreuve.

Consciente qu’il faut souffrir pour avancer, elle avait donc choisi de se battre, de courir à nouveau vers la vie et de jeter un immense voile sur ses peines. Malheureusement, malgré sa bonne volonté, le destin est encore arrivé à s’acharner, comme s’il ne l’avait pas déjà assez durement frappée. Contre toute attente, France Gall allait devoir franchir une autre redoutable épreuve …

Le 8 avril 1993, elle annonçait publiquement qu’elle était atteinte d’un cancer du sein. A l’époque, la nouvelle avait provoqué la stupeur et l’émoi. Deux semaines plus tard, France se faisait opérer. Bien décidée à surmonter ce nouveau coup du sort, elle allait se battre avec cette rage de vivre qui la caractérise. Fort heureusement, la tumeur a été enlevée sans qu’il ait été besoin de recourir à une ablation. Et France a complètement guéri.

Dotée d’une immense énergie, elle a – comme d’habitude, est-on tenté de dire – relevé vaillamment la tête et bravé la fatalité.

Quand on a vécu le pire, on peut espérer le meilleur. Hélas, France était loin de s’imaginer que le pire l’attendait. Car il est arrivé, La semaine dernière. Une nouvelle fois, la malédiction a frappé, en lui enlevant à jamais sa petite Pauline …

Bien sûr, France Gall savait depuis la naissance de sa fille, le 17 novembre 1978, que ses jours étaient comptés. Mais comment accepter la mort de son enfant ? Pauline était suivie médicalement depuis sa plus tendre enfance dans des services spécialisés, à Paris. La mucoviscidose est en effet la plus fréquente des maladies génétiques graves de l’enfant. Elle se traduit par des infections à répétitions et une sérieuse insuffisance respiratoire. Autrement dit, par une espérance de vie très précaire …

Pauline avait fêté ses dix-neuf ans le mois dernier. Autant d’années pendant lesquelles elle s’était battue contre cette affreuse maladie. Avec force et respect, son entourage espérait. Hélas, depuis quelques semaines, la jeune fille avait tellement de mal à respirer qu’elle ne pouvait plus dormir allongée. Assise, elle priait sa mère de ne pas la laisser s’endormir tellement elle redoutait de ne plus jamais se réveiller.

Et puis, le vendredi 12 décembre, malgré l’appareil respiratoire mobile qu’elle ne quittait presque plus, son état de santé a brutalement empiré. Transportée à l’hôpital Necker, où le professeur Lenoir la suivait depuis toujours, elle a encore lutté trois jours avant de s’éteindre au milieu des siens.

Ses obsèques ont eu lieu le jeudi 18 décembre dans la plus stricte intimité. Parmi les amis présents, les yeux rougis par la douleur, Béatrice Schoënberg, Josiane Balasko, Nathalie Baye, Carole Bouquet, Jacques Attali, Luc Plamandon, Renaud Hantson, Richard Berri et Patrick Bruel étaient entourés de tous les camarades de l ‘école d’art où Pauline peaufinait sa passion pour le dessin. Et, la main dans celle de Raphaël, France Gall, venue accompagner sa fille juqu’à sa dernière demeure.

Sous une triste et froide pluie hivernale, la chanteuse a puisé la force et le courage de lui rendre un dernier hommage à travers un bref mais déchirant discours : « Pauline, tu as les plus beaux yeux du monde. Maintenant, enfin, tu vas pouvoir respirer … » C’est alors, au rythme des pétales de roses qui tournoyaient dans les airs, qu’un merveilleux alléluia a déchiré le silence. Et le passé à refleuri en un bouquet de pleurs. Pauline repose maintenant en paix au cimetière de Montmartre, à quelques mètres de son papa … Au lendemain de la mort de Michel Berger, France Gall affirmait au Nouvel Observateur : « J’ai ressenti une force à l’intérieur de moi qui ne m’a jamais quittée. » Aujourd’hui, à cinquante ans, après une telle tragédie, France aura-t-elle encore la force de se dire que la vie continue malgré tout ?

« Evidemment… Mais pas comme avant … » Telles étaient les paroles que Michel Berger lui avait écrites au temps du bonheur. En 1987 …

Marie BUCCI

Magazine : Ici Paris
Date : 24 au 30 décembre 1997
Numéro : 2738

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